[n° ou bulletin] est un bulletin de / Alexandre Lacroix (2011)Titre : | N°143 - Octobre 2020 - That's all Folks ! De la fin de la démocratie en Amérique | Type de document : | texte imprimé | Année de publication : | 2020 | Importance : | 98 p. | Présentation : | ill. en coul. | Format : | 29 cm | Prix : | 6,5 €. | Langues : | Français (fre) | Catégories : | Philosophie
| Tags : | USA. Amérique (Démocratie) | Index. décimale : | 17 Morale. Éthique. Philosophie pratique | Résumé : | Le mardi 3 novembre 2020 aura lieu la 59e élection présidentielle des États-Unis. Le slogan de Donald Trump, qui joue sur la peur d’un effondrement économique et de la généralisation des émeutes, est Keep America Great. Celui du candidat démocrate, Joe Biden : Build Back Better, « Reconstruire en mieux ». En effet, une partie de l’opinion publique du pays espère rebâtir le rêve américain, celui d’une démocratie qui intègre des migrants venus du monde entier, portée par la foi en son propre destin… Mais l’Amérique est-elle encore à la hauteur de cet idéal ? (philomag.com) | Note de contenu : | ÉDITO
Article 3 min
L’angle mort de la puissance
Alexandre Lacroix 22 septembre 2020
Je suis allé deux fois aux États-Unis. La première fois, j’avais seulement 12 ans – c’était en 1987. J’avais profité d’un voyage bon marché proposé par les Éclaireurs de France. Notre hôtel, à New York, était situé à deux pas de la station Greyhound sur la 8e ..
VOS QUESTIONS
Article 3 min
“Pourquoi désire-t-on ce qui nous fait du mal ?”
Charles Pépin 22 septembre 2020
Question de Pauline Stiegler Peut-être, chère Pauline, parce que ce qui nous fait du mal commence par nous faire du bien ? Au cœur de notre désir, sans même parfois en être conscient, nous manifestons alors une préférence pour le présent, notre satisfaction immédiate nous aveuglant et..
“Pourquoi désire-t-on ce qui nous fait du mal ?”
REPÉRAGES
Article 1 min
Toilettes avec vue
Octave Larmagnac-Matheron 22 septembre 2020
Des toilettes transparentes pour éviter de se trouver nez à nez avec un agresseur ? C’est l’idée développée par l’architecte Shigeru Ban, à Tokyo. Rassurez-vous, une fois que vous êtes installé sur les latrines, le verre devient opaque. Bien qu’il ne soit pas encore généralis�..
Toilettes avec vue
Article 1 min
“Beauté”
Octave Larmagnac-Matheron 22 septembre 2020
“La beauté est politique” Alexandria Ocasio-Cortez, sur Twitter, le 21 août 2020 “La beauté, sans doute, ne fait pas les révolutions. Mais un jour vient où les révolutions ont besoin d’elle” Albert Camus, L’Homme révolté (1951) ..
Article 1 min
Omnicide
Octave Larmagnac-Matheron 22 septembre 2020
Dans une relative indifférence, la forêt californienne continue de partir en fumée. Ces derniers jours, pas moins de 8 000 kilomètres carrés (80 fois la surface de Paris) ont été ravagés par les flammes. Difficile de ne pas y voir un effet du réchauffement climatique, ce qui pou..
Omnicide
Article 1 min
288 000 €
Octave Larmagnac-Matheron 22 septembre 2020
C’est le prix auquel ont été adjugées les lunettes de Gandhi lors d’une vente aux enchères organisée le 21 août, par East Bristol Auctions, au Royaume-Uni. Une somme astronomique pour un si petit objet, qui aurait eu de quoi agacer le Mahatma. Dans Tous les hommes sont frères (trad. ..
Article 2 min
Les jeunes contre le blasphème ?
Octave Larmagnac-Matheron 22 septembre 2020
Les journaux ont raison de publier des caricatures de personnages religieux au nom de la liberté d’expression, pour… 38 % des Français en 2006 59 % des Français en 2020 Les Français comprennent l’indignation suscitée par la publication des caricatures 29 % en moyenne 47 % che..
PERSPECTIVES
Article 3 min
La course au vaccin est-elle mauvaise pour la santé ?
Michel Eltchaninoff 22 septembre 2020
On assiste à une concurrence effrénée dans la mise au point d’un vaccin. Or la compétition est un facteur essentiel pour parvenir à un résultat, selon le penseur du XVIIIe siècle Bernard de Mandeville.
La course au vaccin est-elle mauvaise pour la santé ?
Article 3 min
Arsenic et dissidence
Octave Larmagnac-Matheron 22 septembre 2020
Alexeï Navalny n’a été ni poignardé ni abattu, mais empoisonné. Cette méthode révèle la volonté du pouvoir russe de le faire taire de l’intérieur. Explications avec Gilles Deleuze.
Arsenic et dissidence
Article 3 min
Dominique Eddé : “On doit s’affranchir de tout clientélisme et tout opportunisme communautaires”
Catherine Portevin 22 septembre 2020
L’explosion qui a ravagé Beyrouth le 4 août dernier met en cause le système politique libanais. Avec une question lancinante : comment sortir du communautarisme d’État ? Peut-être en inventant une laïcité à la libanaise, comme le réclame l’écrivaine Dominique Eddé.
Dominique Eddé : “On doit s’affranchir de tout clientélisme et tout opportunisme communautaires”
Article 3 min
Cyborgs, bientôt une réalité ?
Octave Larmagnac-Matheron 22 septembre 2020
La démonstration publique du dispositif d’interface cerveau-machine Neuralink, dernier projet du milliardaire transhumaniste Elon Musk, a eu lieu le 28 août dernier.
Cyborgs, bientôt une réalité ?
AU FIL D’UNE IDÉE
Article 2 min
Monsieur chasse
Sven Ortoli 22 septembre 2020
Chaque année, la contribution économique des 7 millions de chasseurs européens représenterait un gain d’environ 16 milliards d’euros pour l’Union européenne. La France compte 1,1 million de chasseurs contre 2,2 millions en 1975. Les chasseurs françai..
Monsieur chasse
ETHNOMYTHOLOGIES
Article 3 min
Céphalophore. À en perdre la tête ?
Tobie Nathan 22 septembre 2020
Ce mot obscur désigne un martyr chrétien portant sa tête – siège supposé du Moi – dans ses bras. Une tradition ressuscitée par les récents projets de greffe chirurgicale du crâne ?
Céphalophore. À en perdre la tête ?
REGARD
Article 9 min
Catherine Meurisse, l’insoutenable légèreté du trait
Alexandre Lacroix 22 septembre 2020
La dessinatrice Catherine Meurisse a participé à l’aventure de Charlie Hebdo et publie chaque mois dans notre magazine la bande dessinée « Humaine, trop humaine ». Alors qu’une exposition lui est consacrée au Centre Georges-Pompidou, à Paris, elle revient sur sa trajectoire et ses sources d’inspiration en quelques dessins.
Catherine Meurisse, l’insoutenable légèreté du trait
RENCONTRE
Entretien 6 min
Rutger Bregman. Et si nous étions fondamentalement bons ?
Dominik Erhard 22 septembre 2020
Réhabiliter la bienveillance ? Voici la thèse contre-intuitive défendue par Rutger Bregman dans son dernier livre Humanité. Une histoire optimiste ! L’historien néerlandais y joue Rousseau contre Hobbes, la bonté naturelle contre la méfiance et la peur.
Rutger Bregman. Et si nous étions fondamentalement bons ?
MOTIFS CACHÉS
Article 3 min
Un bon vieux pacte avec le diable
Isabelle Sorente 22 septembre 2020
Au moment d’ouvrir l’espace client de votre opérateur, une bouffée de nostalgie vous étreint. Avec Méphistophélès, au moins, on pouvait négocier le contrat et le rachat de son âme.
Un bon vieux pacte avec le diable
DOSSIER/DE LA FIN DE LA DÉMOCRATIE EN AMÉRIQUE
Article 6 min
Les États désunis d’Amérique
Cédric Enjalbert 22 septembre 2020
Alors que la réélection de Donald Trump se joue en novembre, tous les regards se tournent vers Washington : la désorganisation de l’Union est-elle un accident de parcours ou la pente naturelle de la démocratie ? Et devons-nous craindre le même destin en Europe ?
Les États désunis d’Amérique
Article 6 min
Lionel Shriver. Il faut qu’on parle de l’Oncle Sam
Cédric Enjalbert 22 septembre 2020
Qualifiée de « Cassandre des lettres américaines » pour l’acuité de son regard, la romancière Lionel Shriver vient de faire paraître en français Propriétés privées (Belfond). Cette libertaire revendiquée dresse un tableau de l’état de l’Union à la veille des élections.
Lionel Shriver. Il faut qu’on parle de l’Oncle Sam
Article 16 min
Les voix de l’Amérique
Vincent Dozol 22 septembre 2020
Démocrate ou républicain, Trump ou Biden : cinq électeurs expliquent les raisons existentielles et politiques qui motivent leur vote. Romain Huret, historien des États-Unis spécialiste des inégalités, éclaire ces témoignages.
Les voix de l’Amérique
Article 6 min
Nolan Higdon : “Nous traversons une crise profonde de l’information”
Alexandre Lacroix 22 septembre 2020
Si les fake news n’ont pas attendu Donald Trump pour exister, le président qui tweete plus vite que son ombre a favorisé leur diffusion dans l’opinion américaine. Le professeur d’études des médias Nolan Higdon démonte ici les mécanismes de la désinformation made in USA.
Nolan Higdon : “Nous traversons une crise profonde de l’information”
Article 5 min
Claudia Rankine : arrêts sur image
Alexandre Lacroix 22 septembre 2020
Autrice d’un recueil de poèmes, Citizen, qui décrit le racisme ordinaire aux États-Unis et a remporté un vaste succès public et critique, Claudia Rankine part toujours d’histoires vécues. Nous l’avons invitée à s’exprimer sur plusieurs formes de violences présentes sur le sol américain : les armes à feu, la domination blanche et le régime des peines de prison.
Claudia Rankine : arrêts sur image
Dialogue 5 min
La classe ou la race ?
Cédric Enjalbert 22 septembre 2020
Comment expliquer la montée des inégalités et l’essor du populisme aux États-Unis ? Est-ce d’abord un problème de classe sociale, comme le pense l’essayiste Michael Lind, ou une question raciale, comme le soutient Kevin Baker ?
La classe ou la race ?
Dialogue 13 min
Patrick J. Deneen/Yascha Mounk. La démocratie sur le ring
Jean-Marie Pottier 22 septembre 2020
Voici une rencontre explosive entre deux penseurs américains aux antipodes : le penseur du conservatisme Patrick J. Deneen affronte le défenseur du libéralisme politique Yascha Mounk sur le sens de la démocratie, ses principes et son avenir. Un choc frontal !
Patrick J. Deneen/Yascha Mounk. La démocratie sur le ring
ENTRETIEN
Entretien 17 min
Michael J. Sandel : “La tyrannie du mérite est à l’origine de la révolte populiste”
Martin Legros 22 septembre 2020
C’est un diagnostic puissant sur la crise de la démocratie auquel aboutit l’une des grandes figures de la pensée politique américaine, Michael J. Sandel. Il met en effet en cause la méritocratie, qui permet aux gagnants de considérer que leur position est un dû et renvoie aux perdants l’idée qu’ils sont responsables de leur destin. En guise de remède, il invite à une politique du bien commun centrée sur la dignité du travail.
Michael J. Sandel : “La tyrannie du mérite est à l’origine de la révolte populiste”
LE CLASSIQUE SUBJECTIF
Article 12 min
Laurence Devillairs : “La Rochefoucauld nous débarrasse de l’impératif moderne d’être soi”
Victorine de Oliveira 22 septembre 2020
Un inconnu célèbre : voici La Rochefoucauld, un oublié de l’histoire de la philosophie du XVIIe siècle, et pourtant sérieux rival de Descartes. Pour Laurence Devillairs, le moraliste, seul contre tous, pourfend les illusions et les démesures de l’ego. Rien ne résiste à sa plume, et sa lecture permet de devenir plus lucide mais aussi plus léger.
Laurence Devillairs : “La Rochefoucauld nous débarrasse de l’impératif moderne d’être soi”
Article 3 min
François de La Rochefoucauld commenté par Laurence Devillairs
Victorine de Oliveira 22 septembre 2020
L’extrait de François de La Rochefoucauld « Je suis d’une taille médiocre, libre et bien proportionnée. J’ai le teint brun mais assez uni, le front élevé et d’une raisonnable grandeur, les yeux noirs, petits et enfoncés, et les sourcils noirs et épais, mais bien tournés. [�..
Article 5 min
Le moi au scalpel
Victorine de Oliveira 22 septembre 2020
Ses Maximes sont le genre de livre de chevet que l’on aime afficher sans toutefois vraiment en assumer le contenu : on apprécie rarement de s’y reconnaître. D’où vient la séduction de La Rochefoucauld ? Peut-être que comme dans tous les miroirs, on ne peut s’empêcher d’y attarder le regard.
DIVERGENCES
Article 2 min
Pourquoi jardine-t-on ?
Ariane Nicolas 22 septembre 2020
Bêcher la terre, arroser des fleurs, faire pousser des plantes aromatiques ou des légumes… Avec le confinement, le jardinage a repris du poil de la blette. Quatre philosophes font l’éloge de la main verte.
Pourquoi jardine-t-on ?
SPRINT
Article 1 min
“Anarchie, État et Utopie” résumé en une phrase
22 septembre 2020
Le livre > Anarchie, État et Utopie (1974) L’auteur > Robert Nozick Le résumé > « À la différence de toute une tradition de penseurs politiques, je ne crois pas qu’il revienne à l’État de veiller à l’équité et à la répartition des richesses : pour moi,..
INTRADUISIBLE
Article 1 min
Mamihlapinatapai
Octave Larmagnac-Matheron 22 septembre 2020
Langue d’origine : yagan
STRATES
Article 2 min
Progrès
Anne Robin 22 septembre 2020
Abonné au « peut mieux faire » ? Améliorez-vous avec ces classiques !
BACK PHILO
Bac philo 6 min
Puis-je ne pas être l’auteur de mes pensées ?
Nicolas Tenaillon 22 septembre 2020
Analyse des termes du sujet « Puis-je » Est-ce possible par rapport à mes capacités personnelles ou en tant qu’être humain ? Est-ce logiquement envisageable ? « ne pas être l’auteur » Ne pas être en droit de signer, ne pas pouvoir revendiquer comme étant miennes une proposition ou une création. « de mes pensées » Productions de mon esprit, simples représentations subjectives ou raisonnements complexes.
LIVRES
Article 5 min
Victimes ou coupables ?
24 septembre 2020
L’une, Cynthia Fleury, analyse le ressentiment, « arme des faibles ». L’autre, Pascal Bruckner, s’insurge contre le retournement qui fait des hommes occidentaux, blancs, les « boucs émissaires » de toutes les luttes d’émancipation. Autour de ce grand thème nietzschéen, les deux livres se croisent. Les deux auteurs ont eu la générosité de se lire mutuellement. Ils ne s’accordent pas, mais sortir du ressentiment, sans doute, commence par des regards réciproques.
Victimes ou coupables ?
Livre
Shoshana Zuboff
L’Âge du capitalisme de surveillance
Publié le 21 septembre 2020
Les outils technologiques censés faciliter notre vie quotidienne sont-ils vraiment à notre service ? Ou représentent-ils une forme de domination, d’autant plus dangereuse qu’elle est presque invisible ? Professeure émérite à Harvard, Shoshana Zuboff livre une enquête vertigineuse sur le pouvoir « tyrannique » des machines intelligentes, un pouvoir qui ne dépend pas tant de leur impact sur le présent que de leur capacité à prédire et à orienter nos comportements futurs. Remarqué lors de sa sortie aux États-Unis en 2019, le livre est enfin disponible en français dans une traduction qui fait honneur à la virtuosité de l’original. Mobilisant une masse colossale de documents, Shoshana Zuboff développe le concept de « capitalisme de surveillance » pour décrire ce nouveau modèle économique : « Le capitalisme de surveillance revendique l’expérience humaine comme matière première destinée à être traduite en données comportementales. » Les données personnelles que nous disséminons chaque jour (un « J’aime » sur Instagram, une recherche sur Google…) représentent un « surplus comportemental » étudié par un bataillon d’algorithmes prédictifs. Ces derniers disposent d’une telle quantité de données qu’ils sont capables d’influencer nos faits et gestes selon les desiderata des annonceurs. Les géants du Web (Google, Amazon, Facebook, Microsoft…) sont ainsi des « mercenaires de la personnalité » dont les clients ne sont pas les consommateurs, comme on pourrait le croire, mais les entreprises auxquelles ils vendent leurs prévisions. Le fordisme a fait son temps : la logique de « l’extraction » supplante celle de la production. De la santé aux loisirs, tous les domaines de l’existence sont concernés. Un exemple parmi d’autres : le jeu Pokémon GO, qui consiste à dénicher des bestioles colorées disséminées dans la ville, guide de fait ses utilisateurs vers des commerces. L’histoire aurait toutefois pu s’écrire autrement. Loin d’accabler « le numérique » en général, Zuboff identifie les choix humains précis à l’origine de cette triste révolution. Tout commence en 2001 lorsque Google, acculé par ses investisseurs, trahit sa promesse de ne pas recourir à la publicité et monétise son moteur de recherche. Les données personnelles, qui étaient alors des « déchets » de navigation, deviennent une mine d’or : « Google a découvert que nous avons moins de valeur que les paris de certains sur nos comportements futurs. Cela a tout changé. » Aujourd’hui, ces firmes en savent davantage sur nous que nous-mêmes. Et cette asymétrie de savoir leur donne un pouvoir « sans précédent » : « Leur connaissance remplace notre liberté. » Les algorithmes nous privent d’une forme d’autonomie dans l’expression de nos désirs, de nos pensées, de nos jugements. Et malheur aux récalcitrants ! « Sur le module de gestion thermostatique de Google, raconte l’autrice en guise d’exemple, si vous refusez que vos données soient partagées, la compagnie cesse de mettre à jour le logiciel. Du coup, vos canalisations risquent de geler. » Si Zuboff dénonce avec virulence l’hégémonie du capitalisme de surveillance, on peut se demander si elle ne surévalue pas quelque peu les compétences réelles des algorithmes. Combien de fois avons-nous en effet tiqué devant une publicité ciblée qui n’avait aucune pertinence ? Le peu de propositions formulées pour lutter contre ce système aliénant laisse également un goût d’inachevé. Reste que son essai, à la fois dense et mené tambour battant, est une indispensable « cartographie d’une terra incognita » qui nomme clairement un danger pour mieux le combattre.
L’Âge du capitalisme de surveillance
Livre
Emmanuel Carrère
Yoga
Publié le 21 septembre 2020
Dans les récits d’Emmanuel Carrère, il arrive qu’un monstre fasse surface – Jean-Claude Romand, le tueur mythomane de L’Adversaire, Philip K. Dick, auteur schizophrène dans Je suis vivant et vous êtes morts ou Édouard Limonov, écrivain et gourou nationaliste russe dans Limonov. Ce monstre, le narrateur nous l’amène comme un convive, presque un ami. Il s’arrange pour que nous puissions le fréquenter. L’irruption du pathologique dans le normal est une constante de son œuvre où le récit se mêle à une part de fiction. Et si, en dernier ressort, le fond de la réalité était un cauchemar, une horreur indicible ? Et si une vie ordinaire était d’abord quelque chose d’invivable ? Ce qui change avec Yoga, c’est que le monstre n’est plus au dehors mais au dedans. Il se loge dans le psychisme du narrateur. D’une façon à la fois souveraine et désarmée, ce récit de quatre cents pages est une histoire clinique personnelle, une plongée dans le gouffre de ses propres symptômes. Après une décennie paisible, consacrée à la méditation orientale, à l’écriture et à la vie de famille, le narrateur bascule dans un chaos intérieur. Il est atteint de tachypsychie, accélération du rythme de l’esprit, est traversé en permanence par un flux de pensées décousues. Cette descente aux enfers le mène à l’hôpital psychiatrique, où il subit perfusions et électrochocs. Ses pulsions suicidaires atteignent alors leur paroxysme. Même dans les moments de répit, le fond de sa conscience reste inhabitable. Si sa vie devient un cauchemar, c’est moins en raison d’événements extérieurs que par sa pente intrinsèque, comme si elle accomplissait son inexorable loi. Dans Yoga, l’autodestruction psychique est racontée avec des mots justes mais ordinaires. Aucune dimension n’est ignorée : la faille psychique est très profonde, très douloureuse, mais dans la mesure où elle fait l’objet d’un récit, elle n’est pas étrangère à un certain faire-valoir narcissique. Le narrateur en est conscient. Il en joue pour obtenir plus de véracité. La littérature ne doit pas mentir. Comme dans D’autres vies que la mienne, c’est finalement le souci de l’autre qui permet au narrateur d’émerger. L’accompagnement de jeunes migrants dans un centre de l’île grecque de Leros lui apporte un début d’oubli de soi. Raconté avec beaucoup d’autodérision, ce partage de la souffrance apparaît comme une issue possible. Jusqu’au bout, avec une limpidité saisissante, Emmanuel Carrère entre en lui-même comme en territoire ennemi.
Yoga
Livre
Bruce Bégout
Le Concept d’ambiance
Publié le 21 septembre 2020
Elle peut être paisible, chaleureuse, studieuse, mélancolique, pesante, angoissante… On dit d’elle, aussi, qu’elle est vague, indéfinissable. Elle, c’est l’ambiance. Cerner cette notion a priori diffuse, tel est l’objectif de Bruce Bégout dans cette somme appelée à devenir une référence. Pour entrer dans l’ambiance, le philosophe se donne une clé : la méthode phénoménologique. En phénoménologie, il s’agit toujours de décrire les choses telles qu’elles se manifestent, se montrent d’elles-mêmes. Mais le sujet de l’étude suppose une démarche encore plus précise : il faut considérer ce qui apparaît « à partir de son inscription dans un environnement donné » – voilà pourquoi Bégout dégaine le terme d’« éco-phénoménologie ». La particule « éco- » renvoie ici à l’idée d’un « milieu » primordial auquel revenir. Or l’ambiance « forme le dôme invisible sous lequel se déroulent toutes nos expériences ». Quels sont, dès lors, ses traits essentiels ? L’ambiance est un « air », une « présence » qui imprègne une situation et suscite certains sentiments. Elle nous happe, et les émotions nous submergent – une rue déserte la nuit, et la peur nous envahit… Selon Bégout, l’homme est un animal atmosphérique qui sent les vibrations de « l’Autour ». S’il débouche sur une nouvelle anthropologie, le concept d’ambiance bouscule aussi les catégories de l’espace et du temps. Vaporeuse, l’ambiance n’a pas vraiment de dimensions ou de frontières, contrairement à l’espace géométrique ; avec sa manière de se répandre, d’évoluer et de s’évanouir, elle se dérobe au temps linéaire et homogène. Si elle dicte ses conditions, l’ambiance fait-elle de nous des êtres purement passifs, captifs de son je-ne-sais-quoi ? Non, car elle a le pouvoir de nous faire (ré)agir, d’inspirer des comportements possibles. Bégout distingue deux cas : soit nous nous abandonnons à une ambiance plutôt positive – en « se lâchant » dans une fête, par exemple –, soit nous lui résistons quand elle oppresse – ainsi en quittant un rassemblement qui dégénère… Tout du long, ce livre aussi ambitieux qu’exigeant – comme souvent en phénoménologie, le retour aux choses mêmes, pour reprendre le mot d’ordre fondateur de Husserl, s’avère particulièrement complexe – déroule la même thèse : les ambiances nous constituent, au fondement de ce que nous pensons et faisons. Le rapport premier au monde n’est ni théorique ni pratique ; il obéit à une logique d’immersion ou d’« inhérence » totale. Pris dans et par les ambiances, faisant l’expérience d’une « dissolution océanique du soi dans le tout », nous sommes d’emblée embarqués et englobés – sous cloche.
Le Concept d’ambiance
Livre
Jared Diamond
Bouleversement
Publié le 21 septembre 2020
Dans son après-propos original pour l’édition française, Jared Diamond, référence des théories de « l’effondrement », espère sans trop y croire que la pandémie ouvre enfin « une ère radieuse de coopération mondiale ». Et c’est bien l’enjeu que dessine son dernier grand ouvrage. Le géographe y examine, à travers le cas de sept pays, la manière dont ils se sont ou non relevés des crises qu’ils ont traversées. La question a une valeur pragmatique et historique. Elle a une portée philosophique sous-jacente : le bouleversement est-il en lui-même porteur de changement ? Jared Diamond sait recréer des grands récits, c’est son talent, avec une subjectivité assumée. Pourquoi choisit-il les cas de la Finlande, du Japon, du Chili, de l’Indonésie, de l’Allemagne, de l’Australie et des États-Unis ? Parce qu’il connaît intimement ces pays et qu’ils ont tous été bouleversés par l’histoire au cours de sa propre existence (il est né en 1937) : le coup d’État de Pinochet au Chili en 1973, la reconstruction de l’Allemagne après 1945, l’invasion soviétique en Finlande en 1940… S’il y a bien « crise », celle-ci peut être suscitée par un événement soudain, extérieur ou interne, ou se déployer progressivement. D’où la comparaison (discutable) avec l’accident de la vie (un deuil brutal…) ou la crise existentielle qui amène l’individu à des ruptures (divorce, changement de métier...). L’un des critères que Diamond établit pour des bouleversements « réussis » est la préexistence, dans l’individu ou au sein de la nation, d’une identité assez solide pour changer sans s’effondrer. Mais les crises auxquelles nous avons à faire étant désormais planétaires (réchauffement climatique, pandémies…), sur quelle « identité mondiale » s’appuyer ? Aucune de ces crises, insiste Diamond, ne se résoudra un pays à la fois. Au fond, sa question est : comment le monde peut-il changer le monde ?
Bouleversement
Livre
Jean-Michel Djian
Ivan Illich. L’homme qui a libéré l’avenir
Publié le 21 septembre 2020
Imaginez la scène : Ivan Illich en slip, à Cuernavaca, tenant salon pour refaire le monde au milieu de ses amis, un verre de vin à la main. Vin dont il avait obtenu du fisc mexicain qu’il soit décompté de ses impôts ! Voilà le genre de savoureuses anecdotes dont regorge cette biographie au style alerte et haute en couleur, à l’image du personnage qu’elle campe. Il n’en faut pas moins pour suivre le parcours de ce philosophe cosmopolite et tenter de cerner ses multiples visages. « Inclassable » : le mot est même galvaudé pour lui. Car qui est vraiment Ivan Illich (1926-2002) ? Un gourou pour soixante-huitards, comme le qualifient ses détracteurs ? Un écologiste d’avant-garde qui avait tout compris de l’impasse à laquelle mène une croissance économique illimitée ? Un prêtre extravagant qui n’a cessé d’entretenir des relations tumultueuses avec l’Église ? Un anarchiste libre penseur qui s’en prend à toutes les institutions (scolaires, médicales, etc.) ? Ce « Zorro apostolique », comme l’appelle affectueusement Jean-Michel Djian, avait sa propre réponse qu’il donna un jour à un douanier qui lui demandait sa profession : « Je suis écrivain public. »
Ivan Illich. L’homme qui a libéré l’avenir
Livre
Byung-Chul Han
L’Expulsion de l’autre
Publié le 21 septembre 2020
Nous pensions vivre une époque qui glorifie l’individu. Non : elle le détruit. C’est la thèse du philosophe allemand Byung-Chul Han. L’essai est écrit en courts chapitres – « Regard », « Voix », « Angoisse »… – d’une plume nerveuse et riche en aphorismes coup de poing comme : « Le signe pathologique de notre époque n’est pas la répression, mais la dépression. » Dépression au sens large, existentiel : l’individu a perdu sa densité, sa puissance, ses aspérités. À l’ère d’Internet, tout se passe comme si nos corps et nos vies avaient été pénétrés par la société néolibérale de l’hyperconsommation et de la standardisation hors-sol, pour laquelle tout est réductible à une valeur et donc comparable. Sous l’ordre numérique, nous ne parlons plus, nous communiquons. Nous ne nous rencontrons plus, nous nous comparons. Nous recherchons l’authenticité par la consommation. Chacun devenant « entrepreneur de lui-même », chef de ses projets de vie à faire valoir sur les toiles pseudo-sociales, nous devenons désespérément semblables. Le philosophe pourfend la « prolifération des identiques ». La pensée de la mort chez Heidegger, l’expérience de l’altérité sartrienne, de la voix chez Kafka, Han passe en revue, amer, les vérités de la philosophie et de la littérature des deux derniers siècles sur le sel et la puissance de l’être. À chaque fois pour déplorer que notre époque en signe la négation.
L’Expulsion de l’autre
Livre
Catherine et Raphaël Larrère
Le pire n’est pas certain. Essai sur l’aveuglement catastrophiste
Publié le 21 septembre 2020
Effondrement, collapsologie, catastrophe : autant de termes qui envahissent la pensée écologique contemporaine. Catherine et Raphaël Larrère prennent le contre-pied de cette tendance, dont ils analysent la genèse, et affirment, contre les prophètes pseudo-scientifiques de l’écroulement inévitable de la planète, que « le pire n’est pas certain ». Pas de pessimisme du côté des deux auteurs, mais pas d’optimisme non plus : des catastrophes, il y en aura sans doute. Ce qui compte, c’est de les penser au pluriel, dans leur diversité. Or c’est justement ce dont le discours de l’effondrement est incapable. Quoiqu’ils s’en défendent, les collapsologues anticipent toujours, en bout de course, la survenue d’un cataclysme « global et unique ». Face à ce nouveau grand récit aux allures de rouleau compresseur, la politique se révèle démunie, impuissante. À l’échelle globale, la situation du monde paraît désespérée. Il en va tout autrement si l’on change de focale, si l’on se penche sur les conséquences locales, multiples et imprévisibles, de la crise climatique : ancrés dans des territoires, hommes et femmes ne cessent d’inventer des solutions concrètes aux problèmes environnementaux qui se posent à leur échelle. Une réhabilitation de la politique contre le défaitisme ambiant.
Livre
Vincent Delecroix
Consolation philosophique
Publié le 15 septembre 2020
« Déraciner le besoin de consolation » : ce pourrait être la vocation que la philosophie s’est donnée. La douleur, la perte, le chagrin, la mort, il s’agit de s’en arracher, quitte à développer d’abruptes sagesses… qui sont tout sauf consolatrices. Dame Philosophie, qui visite Boèce éploré dans son cachot (dans sa célèbre Consolation de la philosophie, écrite au Ier siècle), le secoue : « L’heure est aux remèdes, non aux lamentations ! » lui enjoint-elle, souveraine. Et pourtant, souligne Vincent Delecroix, Dame Philosophie a certes les traits d’une déesse de la raison, mais ses bras sont décharnés et ses vêtements déchirés. La radieuse philosophie aurait-elle peu à offrir en réparation d’un monde en lambeaux ? Cette image illustre selon lui les ambivalences de la philosophie avec la consolation : en refusant – c’est sa noblesse – les illusions consolatrices des religions, du divertissement et autres paradis, n’est-ce pas l’expérience de la souffrance et du chagrin qu’elle tend à éviter ? L’essai est dense, avançant par spirale d’inspirations. Le philosophe-écrivain débusque « les héroïsmes de la raison » dans sa propre discipline et ses préjugés sur la faiblesse de l’âme en peine. Inspiré tant par Kierkegaard que par Adorno, et par de multiples références littéraires, il réhabilite le désir de consolation et la nécessité d’une « raison bancale » pour penser l’inconsolable.
Consolation philosophique
Livre
François Hartog
Chronos. L’Occident aux prises avec le Temps
Publié le 21 septembre 2020
Plus que le temps lui-même, ce sont en effet les transformations de notre rapport au temps qui intéressent François Hartog. Dans Régimes d’historicité. Présentismes et expériences du temps (2003), l’historien avait distingué différentes manières de vivre la temporalité : celle des chrétiens qui se tiennent dans l’attente de l’événement du Jugement dernier, celle des partisans du progrès qui croient en un avenir meilleur et celle de nos sociétés occidentales, engluées dans un présent omniprésent, ce qui les empêche de se projeter dans l’avenir ou de prendre du recul vis-à-vis du passé – le « présentisme ». Hartog infléchit ici cet état des lieux en interpellant avec une certaine grandiloquence Chronos, dieu grec du temps et du destin. Selon l’historien, l’Anthropocène introduirait un régime d’historicité inédit qui bouleverse notre économie du temps, non seulement parce que celui-ci se met à échapper à notre maîtrise mais parce qu’il est marqué par la réintroduction d’une perspective d’avenir… sous la forme d’une catastrophe annoncée : l’effondrement. Fin de l’histoire ? Au contraire, faisant éclater la bulle du présentisme, la catastrophe anthropocénique ouvre une réflexion nouvelle sur le temps long, l’évolution et nos choix de civilisation.
Chronos. L’Occident aux prises avec le Temps
Livre
Dorian Astor
La Passion de l’incertitude
Publié le 21 septembre 2020
Faire d’un essai sur l’incertitude un traité des passions, c’est la belle idée de Dorian Astor ! N’attendez pas qu’il argumente en rationaliste les défauts logiques des théories du complot ou du fanatisme. S’il aborde largement les pathologies de l’absence ou de l’excès de certitudes, c’est précisément parce que c’est une affaire passionnelle. Incertitude et certitude, explique-t-il d’entrée, sont les modalités de notre désir de vérité, tiraillé entre la curiosité et la crainte, le risque et la sécurité. Cependant, affirme avec conviction ce spécialiste de Nietzsche en reprenant son adage : « Ce n’est pas le doute, c’est la certitude qui rend fou. » Écrite comme un Gai Savoir, en éclairs de pensées personnelles ou savantes, sa réflexion sensible nous permet d’apprivoiser l’incertitude. Astor n’ignore pas qu’elle fait souffrir : troubles obsessionnels, jalousie, déstructuration des « individuations ». Il analyse la relation de l’incertitude avec le chaos dionysiaque et avec la confiance en comparant le doute cartésien et le pari de Pascal. Oppose le savant et le croyant. Nuance le scepticisme. Défend la multiplicité des perspectives. Critique la domination des pensées probabilistes. Avoue son démon de la discussion. Préfère le « peut-être » au tranchant des opinions. Et opte pour l’aventure : « Je suis de plus en plus attentif, inquiet, hésitant. J’attends. Et curieusement, avec une sorte de foi injustifiable, j’aime cette attente attentive, cette inquiétude tranquille, cette hésitation définitive ». Car dans l’aventure de la vérité, il faut surtout aimer l’aventure.
La Passion de l’incertitude
Livre
Tobie Nathan
La Société des Belles Personnes
Publié le 21 septembre 2020
Tobie Nathan, chroniqueur à Philosophie magazine, est romancier dans le même mouvement qu’il est ethnopsychiatre : pour prendre soin des lignées et restaurer leurs histoires enfouies. Le personnage central de son dernier roman, Zohar Zohar, pourrait avoir l’âge de son propre père. L’histoire commence au cimetière de Pantin où l’on enterre Zohar Zohar. Son fils François, à moitié breton et devenu diplomate, l’a à peine connu. Le roman est l’enquête d’un fils sur son père, en forme de kaddish : « C’est à toi maintenant de chanter la prière des morts pour ton père », lui dit le vieux joueur de tabla. Où l’on suit Zohar Zohar, né dans la « ruelle aux Juifs » du Caire, pris dans les rets de la révolution des « Officiers libres » de Gamal Abdel Nasser contre le roi Farouk en 1952, qui aboutit à une nouvelle expulsion des Juifs d’Égypte. Entre la montée des Frères musulmans, d’anciens nazis infiltrés dans l’armée égyptienne, la chasse au Grand Mufti de Jérusalem, soutien déclaré de Hitler, veille une mystérieuse confrérie « des belles personnes ». Se mêlent des djinns, des noms qui fixent des destins, le goût du foul (purée de fèves) et des femmes qui connaissent mieux la vie que les hommes. C’est ainsi que l’ethnopsychiatrie peut devenir roman populaire.
La Société des Belles Personnes
Livre
André Comte-Sponville
Dictionnaire amoureux de Montaigne
Publié le 21 septembre 2020
C’est la première fois qu’un volume de la collection des « Dictionnaire amoureux » est consacré à un philosophe. Le pionnier sera donc Montaigne, longtemps classé parmi les écrivains et enseigné davantage en littérature qu’en philosophie. André Comte-Sponville était l’auteur de choix pour lui déclarer sa flamme de A à Z. Il lui avait déjà consacré un ouvrage paru en 1993, « Je ne suis pas philosophe », Montaigne et la philosophie, dans lequel il montrait que l’auteur des Essais était d’autant plus philosophe qu’il le prétendait moins. Ici, l’exercice est différent puisqu’il s’agit de proposer un dictionnaire qui s’ajoute à ceux, plus universitaires, qui existent déjà : un Dictionnaire des Essais de Montaigne (dirigé par Bénédicte Boudou) et un Dictionnaire Montaigne (dirigé par Philippe Desan). Fidèle à la recette de la collection à succès, Comte-Sponville présente donc son Montaigne et livre son interprétation de sa philosophie – d’où la présence de certaines entrées inattendues comme « Conférence » ou « Zen », qui rencontrent ses propres préoccupations. Mais c’est manifestement l’homme derrière le philosophe qui le fascine. En plus d’analyser nos devoirs vis-à-vis des « Animaux » ou la version purgative et radicale du « Scepticisme », Comte-Sponville a le goût des détails quand il dit la timidité que Montaigne manifestait à l’égard des femmes (« Amour/Amitié »), quand il nous fait compatir à ses souffrances physiques (« Coliques »)... et même partager ses complexes de virilité (« Sexe ») ! Rien d’anecdotique dans ces considérations cependant : ainsi la présence récurrente des « Excréments » dans les Essais ressort comme un moyen particulièrement efficace pour rappeler l’humanité à davantage d’humilité, tandis que le « Vent » apparaît comme « un modèle d’impermanence heureuse, donc aussi de sagesse en acte, toute en souplesse et en mouvement ». L’amitié avec La Boétie, érigée en modèle ? Sans détour, Comte-Sponville se montre perplexe : « Je n’y crois pas tout à fait. Trop de vertu, trop de sérieux, trop d’idéalisme. » La religion ? Comte-Sponville se sent incapable de statuer, car il reconnaît ignorer si Montaigne croit ou non en Dieu. Par petites touches s’élabore ainsi un portrait de philosophe (« Montaigne ne se raconte pas, il se peint », rappelle Comte-Sponville) très attachant, à la fois humaniste et humain, qui nous apprend à renoncer à la sagesse absolue, mais certainement pas à l’intelligence. Une belle déclaration d’amour. Retrouvez également des extraits du Dictionnaire amoureux de Montaigne, par André Comte-Sponville : >La Peste >Le moi >La nonchalance >L’action >La vie
Dictionnaire amoureux de Montaigne
LES ARTS
Article 2 min
Histoire d’eau
Cédric Enjalbert 22 septembre 2020
Le dernier film de Christian Petzold (réalisateur de Barbara et de Transit) fait plonger ses personnages dans les abîmes du désir à l'épreuve du passé.
Histoire d’eau
Article 2 min
Malin génie
Cédric Enjalbert 22 septembre 2020
Un casque sur les oreilles, vous déambulez dans l'espace public au son de voix et de musiques inspirées par le Peer Gynt d'Ibsen. Ce dispositif original, c'est celui imaginé par Wilfried Wendling pour son spectacle FAKE. De quoi repousser les frontières du réel, dans les pas de Descartes.
Malin génie
Article 2 min
Pablo et sa bande
Cédric Enjalbert 22 septembre 2020
Picasso et la bande dessinée, c'est une longue histoire d'amour, entre influences croisées et héritage, que retrace une riche exposition au musée Picasso, à Paris.
Pablo et sa bande
OH ! LA BELLE VIE
Article 2 min
Conseil n°2. Allons au musée Rodin afin de nous souvenir du baiser
François Morel 22 septembre 2020
C’est dans la première partie du XXIe siècle que le baiser fut définitivement prohibé. Les autorités, s’inspirant du bon roi Henri IV qui avait interdit le baiser afin d’éradiquer la peste, décidèrent qu’à nouveau, au temps du Covid-19, il fallait mettre au repos les muscl..
Conseil n°2. Allons au musée Rodin afin de nous souvenir du baiser
JEUX
Article 1 min
Philocroisés #64
Gaëtan Goron 22 septembre 2020
Horizontalement I. Jusqu’à l’âge de 29 ans, Siddartha Gautama ignorait que c’était possible. II. Penses comme Descartes. Vieux pronom. III. Groupe de paysans. Premier mot d’un État américain. IV. La Rochefoucauld ne lui faisait pas la cour, bien au contra..
Philocroisés #64
QUESTIONNAIRE DE SOCRATE
Article 2 min
Alice Zeniter. Hacker ouvert
Cédric Enjalbert 22 septembre 2020
« MOI n’est qu’une position d’équilibre. » Alice Zeniter emprunte à Henri Michaux l’épigraphe de son livre Comme un empire dans un empire (Flammarion). Elle y brosse les portraits croisés (philomag.com) |
[n° ou bulletin] est un bulletin de / Alexandre Lacroix (2011)N°143 - Octobre 2020 - That's all Folks ! De la fin de la démocratie en Amérique [texte imprimé] . - 2020 . - 98 p. : ill. en coul. ; 29 cm. 6,5 €. Langues : Français ( fre) Catégories : | Philosophie
| Tags : | USA. Amérique (Démocratie) | Index. décimale : | 17 Morale. Éthique. Philosophie pratique | Résumé : | Le mardi 3 novembre 2020 aura lieu la 59e élection présidentielle des États-Unis. Le slogan de Donald Trump, qui joue sur la peur d’un effondrement économique et de la généralisation des émeutes, est Keep America Great. Celui du candidat démocrate, Joe Biden : Build Back Better, « Reconstruire en mieux ». En effet, une partie de l’opinion publique du pays espère rebâtir le rêve américain, celui d’une démocratie qui intègre des migrants venus du monde entier, portée par la foi en son propre destin… Mais l’Amérique est-elle encore à la hauteur de cet idéal ? (philomag.com) | Note de contenu : | ÉDITO
Article 3 min
L’angle mort de la puissance
Alexandre Lacroix 22 septembre 2020
Je suis allé deux fois aux États-Unis. La première fois, j’avais seulement 12 ans – c’était en 1987. J’avais profité d’un voyage bon marché proposé par les Éclaireurs de France. Notre hôtel, à New York, était situé à deux pas de la station Greyhound sur la 8e ..
VOS QUESTIONS
Article 3 min
“Pourquoi désire-t-on ce qui nous fait du mal ?”
Charles Pépin 22 septembre 2020
Question de Pauline Stiegler Peut-être, chère Pauline, parce que ce qui nous fait du mal commence par nous faire du bien ? Au cœur de notre désir, sans même parfois en être conscient, nous manifestons alors une préférence pour le présent, notre satisfaction immédiate nous aveuglant et..
“Pourquoi désire-t-on ce qui nous fait du mal ?”
REPÉRAGES
Article 1 min
Toilettes avec vue
Octave Larmagnac-Matheron 22 septembre 2020
Des toilettes transparentes pour éviter de se trouver nez à nez avec un agresseur ? C’est l’idée développée par l’architecte Shigeru Ban, à Tokyo. Rassurez-vous, une fois que vous êtes installé sur les latrines, le verre devient opaque. Bien qu’il ne soit pas encore généralis�..
Toilettes avec vue
Article 1 min
“Beauté”
Octave Larmagnac-Matheron 22 septembre 2020
“La beauté est politique” Alexandria Ocasio-Cortez, sur Twitter, le 21 août 2020 “La beauté, sans doute, ne fait pas les révolutions. Mais un jour vient où les révolutions ont besoin d’elle” Albert Camus, L’Homme révolté (1951) ..
Article 1 min
Omnicide
Octave Larmagnac-Matheron 22 septembre 2020
Dans une relative indifférence, la forêt californienne continue de partir en fumée. Ces derniers jours, pas moins de 8 000 kilomètres carrés (80 fois la surface de Paris) ont été ravagés par les flammes. Difficile de ne pas y voir un effet du réchauffement climatique, ce qui pou..
Omnicide
Article 1 min
288 000 €
Octave Larmagnac-Matheron 22 septembre 2020
C’est le prix auquel ont été adjugées les lunettes de Gandhi lors d’une vente aux enchères organisée le 21 août, par East Bristol Auctions, au Royaume-Uni. Une somme astronomique pour un si petit objet, qui aurait eu de quoi agacer le Mahatma. Dans Tous les hommes sont frères (trad. ..
Article 2 min
Les jeunes contre le blasphème ?
Octave Larmagnac-Matheron 22 septembre 2020
Les journaux ont raison de publier des caricatures de personnages religieux au nom de la liberté d’expression, pour… 38 % des Français en 2006 59 % des Français en 2020 Les Français comprennent l’indignation suscitée par la publication des caricatures 29 % en moyenne 47 % che..
PERSPECTIVES
Article 3 min
La course au vaccin est-elle mauvaise pour la santé ?
Michel Eltchaninoff 22 septembre 2020
On assiste à une concurrence effrénée dans la mise au point d’un vaccin. Or la compétition est un facteur essentiel pour parvenir à un résultat, selon le penseur du XVIIIe siècle Bernard de Mandeville.
La course au vaccin est-elle mauvaise pour la santé ?
Article 3 min
Arsenic et dissidence
Octave Larmagnac-Matheron 22 septembre 2020
Alexeï Navalny n’a été ni poignardé ni abattu, mais empoisonné. Cette méthode révèle la volonté du pouvoir russe de le faire taire de l’intérieur. Explications avec Gilles Deleuze.
Arsenic et dissidence
Article 3 min
Dominique Eddé : “On doit s’affranchir de tout clientélisme et tout opportunisme communautaires”
Catherine Portevin 22 septembre 2020
L’explosion qui a ravagé Beyrouth le 4 août dernier met en cause le système politique libanais. Avec une question lancinante : comment sortir du communautarisme d’État ? Peut-être en inventant une laïcité à la libanaise, comme le réclame l’écrivaine Dominique Eddé.
Dominique Eddé : “On doit s’affranchir de tout clientélisme et tout opportunisme communautaires”
Article 3 min
Cyborgs, bientôt une réalité ?
Octave Larmagnac-Matheron 22 septembre 2020
La démonstration publique du dispositif d’interface cerveau-machine Neuralink, dernier projet du milliardaire transhumaniste Elon Musk, a eu lieu le 28 août dernier.
Cyborgs, bientôt une réalité ?
AU FIL D’UNE IDÉE
Article 2 min
Monsieur chasse
Sven Ortoli 22 septembre 2020
Chaque année, la contribution économique des 7 millions de chasseurs européens représenterait un gain d’environ 16 milliards d’euros pour l’Union européenne. La France compte 1,1 million de chasseurs contre 2,2 millions en 1975. Les chasseurs françai..
Monsieur chasse
ETHNOMYTHOLOGIES
Article 3 min
Céphalophore. À en perdre la tête ?
Tobie Nathan 22 septembre 2020
Ce mot obscur désigne un martyr chrétien portant sa tête – siège supposé du Moi – dans ses bras. Une tradition ressuscitée par les récents projets de greffe chirurgicale du crâne ?
Céphalophore. À en perdre la tête ?
REGARD
Article 9 min
Catherine Meurisse, l’insoutenable légèreté du trait
Alexandre Lacroix 22 septembre 2020
La dessinatrice Catherine Meurisse a participé à l’aventure de Charlie Hebdo et publie chaque mois dans notre magazine la bande dessinée « Humaine, trop humaine ». Alors qu’une exposition lui est consacrée au Centre Georges-Pompidou, à Paris, elle revient sur sa trajectoire et ses sources d’inspiration en quelques dessins.
Catherine Meurisse, l’insoutenable légèreté du trait
RENCONTRE
Entretien 6 min
Rutger Bregman. Et si nous étions fondamentalement bons ?
Dominik Erhard 22 septembre 2020
Réhabiliter la bienveillance ? Voici la thèse contre-intuitive défendue par Rutger Bregman dans son dernier livre Humanité. Une histoire optimiste ! L’historien néerlandais y joue Rousseau contre Hobbes, la bonté naturelle contre la méfiance et la peur.
Rutger Bregman. Et si nous étions fondamentalement bons ?
MOTIFS CACHÉS
Article 3 min
Un bon vieux pacte avec le diable
Isabelle Sorente 22 septembre 2020
Au moment d’ouvrir l’espace client de votre opérateur, une bouffée de nostalgie vous étreint. Avec Méphistophélès, au moins, on pouvait négocier le contrat et le rachat de son âme.
Un bon vieux pacte avec le diable
DOSSIER/DE LA FIN DE LA DÉMOCRATIE EN AMÉRIQUE
Article 6 min
Les États désunis d’Amérique
Cédric Enjalbert 22 septembre 2020
Alors que la réélection de Donald Trump se joue en novembre, tous les regards se tournent vers Washington : la désorganisation de l’Union est-elle un accident de parcours ou la pente naturelle de la démocratie ? Et devons-nous craindre le même destin en Europe ?
Les États désunis d’Amérique
Article 6 min
Lionel Shriver. Il faut qu’on parle de l’Oncle Sam
Cédric Enjalbert 22 septembre 2020
Qualifiée de « Cassandre des lettres américaines » pour l’acuité de son regard, la romancière Lionel Shriver vient de faire paraître en français Propriétés privées (Belfond). Cette libertaire revendiquée dresse un tableau de l’état de l’Union à la veille des élections.
Lionel Shriver. Il faut qu’on parle de l’Oncle Sam
Article 16 min
Les voix de l’Amérique
Vincent Dozol 22 septembre 2020
Démocrate ou républicain, Trump ou Biden : cinq électeurs expliquent les raisons existentielles et politiques qui motivent leur vote. Romain Huret, historien des États-Unis spécialiste des inégalités, éclaire ces témoignages.
Les voix de l’Amérique
Article 6 min
Nolan Higdon : “Nous traversons une crise profonde de l’information”
Alexandre Lacroix 22 septembre 2020
Si les fake news n’ont pas attendu Donald Trump pour exister, le président qui tweete plus vite que son ombre a favorisé leur diffusion dans l’opinion américaine. Le professeur d’études des médias Nolan Higdon démonte ici les mécanismes de la désinformation made in USA.
Nolan Higdon : “Nous traversons une crise profonde de l’information”
Article 5 min
Claudia Rankine : arrêts sur image
Alexandre Lacroix 22 septembre 2020
Autrice d’un recueil de poèmes, Citizen, qui décrit le racisme ordinaire aux États-Unis et a remporté un vaste succès public et critique, Claudia Rankine part toujours d’histoires vécues. Nous l’avons invitée à s’exprimer sur plusieurs formes de violences présentes sur le sol américain : les armes à feu, la domination blanche et le régime des peines de prison.
Claudia Rankine : arrêts sur image
Dialogue 5 min
La classe ou la race ?
Cédric Enjalbert 22 septembre 2020
Comment expliquer la montée des inégalités et l’essor du populisme aux États-Unis ? Est-ce d’abord un problème de classe sociale, comme le pense l’essayiste Michael Lind, ou une question raciale, comme le soutient Kevin Baker ?
La classe ou la race ?
Dialogue 13 min
Patrick J. Deneen/Yascha Mounk. La démocratie sur le ring
Jean-Marie Pottier 22 septembre 2020
Voici une rencontre explosive entre deux penseurs américains aux antipodes : le penseur du conservatisme Patrick J. Deneen affronte le défenseur du libéralisme politique Yascha Mounk sur le sens de la démocratie, ses principes et son avenir. Un choc frontal !
Patrick J. Deneen/Yascha Mounk. La démocratie sur le ring
ENTRETIEN
Entretien 17 min
Michael J. Sandel : “La tyrannie du mérite est à l’origine de la révolte populiste”
Martin Legros 22 septembre 2020
C’est un diagnostic puissant sur la crise de la démocratie auquel aboutit l’une des grandes figures de la pensée politique américaine, Michael J. Sandel. Il met en effet en cause la méritocratie, qui permet aux gagnants de considérer que leur position est un dû et renvoie aux perdants l’idée qu’ils sont responsables de leur destin. En guise de remède, il invite à une politique du bien commun centrée sur la dignité du travail.
Michael J. Sandel : “La tyrannie du mérite est à l’origine de la révolte populiste”
LE CLASSIQUE SUBJECTIF
Article 12 min
Laurence Devillairs : “La Rochefoucauld nous débarrasse de l’impératif moderne d’être soi”
Victorine de Oliveira 22 septembre 2020
Un inconnu célèbre : voici La Rochefoucauld, un oublié de l’histoire de la philosophie du XVIIe siècle, et pourtant sérieux rival de Descartes. Pour Laurence Devillairs, le moraliste, seul contre tous, pourfend les illusions et les démesures de l’ego. Rien ne résiste à sa plume, et sa lecture permet de devenir plus lucide mais aussi plus léger.
Laurence Devillairs : “La Rochefoucauld nous débarrasse de l’impératif moderne d’être soi”
Article 3 min
François de La Rochefoucauld commenté par Laurence Devillairs
Victorine de Oliveira 22 septembre 2020
L’extrait de François de La Rochefoucauld « Je suis d’une taille médiocre, libre et bien proportionnée. J’ai le teint brun mais assez uni, le front élevé et d’une raisonnable grandeur, les yeux noirs, petits et enfoncés, et les sourcils noirs et épais, mais bien tournés. [�..
Article 5 min
Le moi au scalpel
Victorine de Oliveira 22 septembre 2020
Ses Maximes sont le genre de livre de chevet que l’on aime afficher sans toutefois vraiment en assumer le contenu : on apprécie rarement de s’y reconnaître. D’où vient la séduction de La Rochefoucauld ? Peut-être que comme dans tous les miroirs, on ne peut s’empêcher d’y attarder le regard.
DIVERGENCES
Article 2 min
Pourquoi jardine-t-on ?
Ariane Nicolas 22 septembre 2020
Bêcher la terre, arroser des fleurs, faire pousser des plantes aromatiques ou des légumes… Avec le confinement, le jardinage a repris du poil de la blette. Quatre philosophes font l’éloge de la main verte.
Pourquoi jardine-t-on ?
SPRINT
Article 1 min
“Anarchie, État et Utopie” résumé en une phrase
22 septembre 2020
Le livre > Anarchie, État et Utopie (1974) L’auteur > Robert Nozick Le résumé > « À la différence de toute une tradition de penseurs politiques, je ne crois pas qu’il revienne à l’État de veiller à l’équité et à la répartition des richesses : pour moi,..
INTRADUISIBLE
Article 1 min
Mamihlapinatapai
Octave Larmagnac-Matheron 22 septembre 2020
Langue d’origine : yagan
STRATES
Article 2 min
Progrès
Anne Robin 22 septembre 2020
Abonné au « peut mieux faire » ? Améliorez-vous avec ces classiques !
BACK PHILO
Bac philo 6 min
Puis-je ne pas être l’auteur de mes pensées ?
Nicolas Tenaillon 22 septembre 2020
Analyse des termes du sujet « Puis-je » Est-ce possible par rapport à mes capacités personnelles ou en tant qu’être humain ? Est-ce logiquement envisageable ? « ne pas être l’auteur » Ne pas être en droit de signer, ne pas pouvoir revendiquer comme étant miennes une proposition ou une création. « de mes pensées » Productions de mon esprit, simples représentations subjectives ou raisonnements complexes.
LIVRES
Article 5 min
Victimes ou coupables ?
24 septembre 2020
L’une, Cynthia Fleury, analyse le ressentiment, « arme des faibles ». L’autre, Pascal Bruckner, s’insurge contre le retournement qui fait des hommes occidentaux, blancs, les « boucs émissaires » de toutes les luttes d’émancipation. Autour de ce grand thème nietzschéen, les deux livres se croisent. Les deux auteurs ont eu la générosité de se lire mutuellement. Ils ne s’accordent pas, mais sortir du ressentiment, sans doute, commence par des regards réciproques.
Victimes ou coupables ?
Livre
Shoshana Zuboff
L’Âge du capitalisme de surveillance
Publié le 21 septembre 2020
Les outils technologiques censés faciliter notre vie quotidienne sont-ils vraiment à notre service ? Ou représentent-ils une forme de domination, d’autant plus dangereuse qu’elle est presque invisible ? Professeure émérite à Harvard, Shoshana Zuboff livre une enquête vertigineuse sur le pouvoir « tyrannique » des machines intelligentes, un pouvoir qui ne dépend pas tant de leur impact sur le présent que de leur capacité à prédire et à orienter nos comportements futurs. Remarqué lors de sa sortie aux États-Unis en 2019, le livre est enfin disponible en français dans une traduction qui fait honneur à la virtuosité de l’original. Mobilisant une masse colossale de documents, Shoshana Zuboff développe le concept de « capitalisme de surveillance » pour décrire ce nouveau modèle économique : « Le capitalisme de surveillance revendique l’expérience humaine comme matière première destinée à être traduite en données comportementales. » Les données personnelles que nous disséminons chaque jour (un « J’aime » sur Instagram, une recherche sur Google…) représentent un « surplus comportemental » étudié par un bataillon d’algorithmes prédictifs. Ces derniers disposent d’une telle quantité de données qu’ils sont capables d’influencer nos faits et gestes selon les desiderata des annonceurs. Les géants du Web (Google, Amazon, Facebook, Microsoft…) sont ainsi des « mercenaires de la personnalité » dont les clients ne sont pas les consommateurs, comme on pourrait le croire, mais les entreprises auxquelles ils vendent leurs prévisions. Le fordisme a fait son temps : la logique de « l’extraction » supplante celle de la production. De la santé aux loisirs, tous les domaines de l’existence sont concernés. Un exemple parmi d’autres : le jeu Pokémon GO, qui consiste à dénicher des bestioles colorées disséminées dans la ville, guide de fait ses utilisateurs vers des commerces. L’histoire aurait toutefois pu s’écrire autrement. Loin d’accabler « le numérique » en général, Zuboff identifie les choix humains précis à l’origine de cette triste révolution. Tout commence en 2001 lorsque Google, acculé par ses investisseurs, trahit sa promesse de ne pas recourir à la publicité et monétise son moteur de recherche. Les données personnelles, qui étaient alors des « déchets » de navigation, deviennent une mine d’or : « Google a découvert que nous avons moins de valeur que les paris de certains sur nos comportements futurs. Cela a tout changé. » Aujourd’hui, ces firmes en savent davantage sur nous que nous-mêmes. Et cette asymétrie de savoir leur donne un pouvoir « sans précédent » : « Leur connaissance remplace notre liberté. » Les algorithmes nous privent d’une forme d’autonomie dans l’expression de nos désirs, de nos pensées, de nos jugements. Et malheur aux récalcitrants ! « Sur le module de gestion thermostatique de Google, raconte l’autrice en guise d’exemple, si vous refusez que vos données soient partagées, la compagnie cesse de mettre à jour le logiciel. Du coup, vos canalisations risquent de geler. » Si Zuboff dénonce avec virulence l’hégémonie du capitalisme de surveillance, on peut se demander si elle ne surévalue pas quelque peu les compétences réelles des algorithmes. Combien de fois avons-nous en effet tiqué devant une publicité ciblée qui n’avait aucune pertinence ? Le peu de propositions formulées pour lutter contre ce système aliénant laisse également un goût d’inachevé. Reste que son essai, à la fois dense et mené tambour battant, est une indispensable « cartographie d’une terra incognita » qui nomme clairement un danger pour mieux le combattre.
L’Âge du capitalisme de surveillance
Livre
Emmanuel Carrère
Yoga
Publié le 21 septembre 2020
Dans les récits d’Emmanuel Carrère, il arrive qu’un monstre fasse surface – Jean-Claude Romand, le tueur mythomane de L’Adversaire, Philip K. Dick, auteur schizophrène dans Je suis vivant et vous êtes morts ou Édouard Limonov, écrivain et gourou nationaliste russe dans Limonov. Ce monstre, le narrateur nous l’amène comme un convive, presque un ami. Il s’arrange pour que nous puissions le fréquenter. L’irruption du pathologique dans le normal est une constante de son œuvre où le récit se mêle à une part de fiction. Et si, en dernier ressort, le fond de la réalité était un cauchemar, une horreur indicible ? Et si une vie ordinaire était d’abord quelque chose d’invivable ? Ce qui change avec Yoga, c’est que le monstre n’est plus au dehors mais au dedans. Il se loge dans le psychisme du narrateur. D’une façon à la fois souveraine et désarmée, ce récit de quatre cents pages est une histoire clinique personnelle, une plongée dans le gouffre de ses propres symptômes. Après une décennie paisible, consacrée à la méditation orientale, à l’écriture et à la vie de famille, le narrateur bascule dans un chaos intérieur. Il est atteint de tachypsychie, accélération du rythme de l’esprit, est traversé en permanence par un flux de pensées décousues. Cette descente aux enfers le mène à l’hôpital psychiatrique, où il subit perfusions et électrochocs. Ses pulsions suicidaires atteignent alors leur paroxysme. Même dans les moments de répit, le fond de sa conscience reste inhabitable. Si sa vie devient un cauchemar, c’est moins en raison d’événements extérieurs que par sa pente intrinsèque, comme si elle accomplissait son inexorable loi. Dans Yoga, l’autodestruction psychique est racontée avec des mots justes mais ordinaires. Aucune dimension n’est ignorée : la faille psychique est très profonde, très douloureuse, mais dans la mesure où elle fait l’objet d’un récit, elle n’est pas étrangère à un certain faire-valoir narcissique. Le narrateur en est conscient. Il en joue pour obtenir plus de véracité. La littérature ne doit pas mentir. Comme dans D’autres vies que la mienne, c’est finalement le souci de l’autre qui permet au narrateur d’émerger. L’accompagnement de jeunes migrants dans un centre de l’île grecque de Leros lui apporte un début d’oubli de soi. Raconté avec beaucoup d’autodérision, ce partage de la souffrance apparaît comme une issue possible. Jusqu’au bout, avec une limpidité saisissante, Emmanuel Carrère entre en lui-même comme en territoire ennemi.
Yoga
Livre
Bruce Bégout
Le Concept d’ambiance
Publié le 21 septembre 2020
Elle peut être paisible, chaleureuse, studieuse, mélancolique, pesante, angoissante… On dit d’elle, aussi, qu’elle est vague, indéfinissable. Elle, c’est l’ambiance. Cerner cette notion a priori diffuse, tel est l’objectif de Bruce Bégout dans cette somme appelée à devenir une référence. Pour entrer dans l’ambiance, le philosophe se donne une clé : la méthode phénoménologique. En phénoménologie, il s’agit toujours de décrire les choses telles qu’elles se manifestent, se montrent d’elles-mêmes. Mais le sujet de l’étude suppose une démarche encore plus précise : il faut considérer ce qui apparaît « à partir de son inscription dans un environnement donné » – voilà pourquoi Bégout dégaine le terme d’« éco-phénoménologie ». La particule « éco- » renvoie ici à l’idée d’un « milieu » primordial auquel revenir. Or l’ambiance « forme le dôme invisible sous lequel se déroulent toutes nos expériences ». Quels sont, dès lors, ses traits essentiels ? L’ambiance est un « air », une « présence » qui imprègne une situation et suscite certains sentiments. Elle nous happe, et les émotions nous submergent – une rue déserte la nuit, et la peur nous envahit… Selon Bégout, l’homme est un animal atmosphérique qui sent les vibrations de « l’Autour ». S’il débouche sur une nouvelle anthropologie, le concept d’ambiance bouscule aussi les catégories de l’espace et du temps. Vaporeuse, l’ambiance n’a pas vraiment de dimensions ou de frontières, contrairement à l’espace géométrique ; avec sa manière de se répandre, d’évoluer et de s’évanouir, elle se dérobe au temps linéaire et homogène. Si elle dicte ses conditions, l’ambiance fait-elle de nous des êtres purement passifs, captifs de son je-ne-sais-quoi ? Non, car elle a le pouvoir de nous faire (ré)agir, d’inspirer des comportements possibles. Bégout distingue deux cas : soit nous nous abandonnons à une ambiance plutôt positive – en « se lâchant » dans une fête, par exemple –, soit nous lui résistons quand elle oppresse – ainsi en quittant un rassemblement qui dégénère… Tout du long, ce livre aussi ambitieux qu’exigeant – comme souvent en phénoménologie, le retour aux choses mêmes, pour reprendre le mot d’ordre fondateur de Husserl, s’avère particulièrement complexe – déroule la même thèse : les ambiances nous constituent, au fondement de ce que nous pensons et faisons. Le rapport premier au monde n’est ni théorique ni pratique ; il obéit à une logique d’immersion ou d’« inhérence » totale. Pris dans et par les ambiances, faisant l’expérience d’une « dissolution océanique du soi dans le tout », nous sommes d’emblée embarqués et englobés – sous cloche.
Le Concept d’ambiance
Livre
Jared Diamond
Bouleversement
Publié le 21 septembre 2020
Dans son après-propos original pour l’édition française, Jared Diamond, référence des théories de « l’effondrement », espère sans trop y croire que la pandémie ouvre enfin « une ère radieuse de coopération mondiale ». Et c’est bien l’enjeu que dessine son dernier grand ouvrage. Le géographe y examine, à travers le cas de sept pays, la manière dont ils se sont ou non relevés des crises qu’ils ont traversées. La question a une valeur pragmatique et historique. Elle a une portée philosophique sous-jacente : le bouleversement est-il en lui-même porteur de changement ? Jared Diamond sait recréer des grands récits, c’est son talent, avec une subjectivité assumée. Pourquoi choisit-il les cas de la Finlande, du Japon, du Chili, de l’Indonésie, de l’Allemagne, de l’Australie et des États-Unis ? Parce qu’il connaît intimement ces pays et qu’ils ont tous été bouleversés par l’histoire au cours de sa propre existence (il est né en 1937) : le coup d’État de Pinochet au Chili en 1973, la reconstruction de l’Allemagne après 1945, l’invasion soviétique en Finlande en 1940… S’il y a bien « crise », celle-ci peut être suscitée par un événement soudain, extérieur ou interne, ou se déployer progressivement. D’où la comparaison (discutable) avec l’accident de la vie (un deuil brutal…) ou la crise existentielle qui amène l’individu à des ruptures (divorce, changement de métier...). L’un des critères que Diamond établit pour des bouleversements « réussis » est la préexistence, dans l’individu ou au sein de la nation, d’une identité assez solide pour changer sans s’effondrer. Mais les crises auxquelles nous avons à faire étant désormais planétaires (réchauffement climatique, pandémies…), sur quelle « identité mondiale » s’appuyer ? Aucune de ces crises, insiste Diamond, ne se résoudra un pays à la fois. Au fond, sa question est : comment le monde peut-il changer le monde ?
Bouleversement
Livre
Jean-Michel Djian
Ivan Illich. L’homme qui a libéré l’avenir
Publié le 21 septembre 2020
Imaginez la scène : Ivan Illich en slip, à Cuernavaca, tenant salon pour refaire le monde au milieu de ses amis, un verre de vin à la main. Vin dont il avait obtenu du fisc mexicain qu’il soit décompté de ses impôts ! Voilà le genre de savoureuses anecdotes dont regorge cette biographie au style alerte et haute en couleur, à l’image du personnage qu’elle campe. Il n’en faut pas moins pour suivre le parcours de ce philosophe cosmopolite et tenter de cerner ses multiples visages. « Inclassable » : le mot est même galvaudé pour lui. Car qui est vraiment Ivan Illich (1926-2002) ? Un gourou pour soixante-huitards, comme le qualifient ses détracteurs ? Un écologiste d’avant-garde qui avait tout compris de l’impasse à laquelle mène une croissance économique illimitée ? Un prêtre extravagant qui n’a cessé d’entretenir des relations tumultueuses avec l’Église ? Un anarchiste libre penseur qui s’en prend à toutes les institutions (scolaires, médicales, etc.) ? Ce « Zorro apostolique », comme l’appelle affectueusement Jean-Michel Djian, avait sa propre réponse qu’il donna un jour à un douanier qui lui demandait sa profession : « Je suis écrivain public. »
Ivan Illich. L’homme qui a libéré l’avenir
Livre
Byung-Chul Han
L’Expulsion de l’autre
Publié le 21 septembre 2020
Nous pensions vivre une époque qui glorifie l’individu. Non : elle le détruit. C’est la thèse du philosophe allemand Byung-Chul Han. L’essai est écrit en courts chapitres – « Regard », « Voix », « Angoisse »… – d’une plume nerveuse et riche en aphorismes coup de poing comme : « Le signe pathologique de notre époque n’est pas la répression, mais la dépression. » Dépression au sens large, existentiel : l’individu a perdu sa densité, sa puissance, ses aspérités. À l’ère d’Internet, tout se passe comme si nos corps et nos vies avaient été pénétrés par la société néolibérale de l’hyperconsommation et de la standardisation hors-sol, pour laquelle tout est réductible à une valeur et donc comparable. Sous l’ordre numérique, nous ne parlons plus, nous communiquons. Nous ne nous rencontrons plus, nous nous comparons. Nous recherchons l’authenticité par la consommation. Chacun devenant « entrepreneur de lui-même », chef de ses projets de vie à faire valoir sur les toiles pseudo-sociales, nous devenons désespérément semblables. Le philosophe pourfend la « prolifération des identiques ». La pensée de la mort chez Heidegger, l’expérience de l’altérité sartrienne, de la voix chez Kafka, Han passe en revue, amer, les vérités de la philosophie et de la littérature des deux derniers siècles sur le sel et la puissance de l’être. À chaque fois pour déplorer que notre époque en signe la négation.
L’Expulsion de l’autre
Livre
Catherine et Raphaël Larrère
Le pire n’est pas certain. Essai sur l’aveuglement catastrophiste
Publié le 21 septembre 2020
Effondrement, collapsologie, catastrophe : autant de termes qui envahissent la pensée écologique contemporaine. Catherine et Raphaël Larrère prennent le contre-pied de cette tendance, dont ils analysent la genèse, et affirment, contre les prophètes pseudo-scientifiques de l’écroulement inévitable de la planète, que « le pire n’est pas certain ». Pas de pessimisme du côté des deux auteurs, mais pas d’optimisme non plus : des catastrophes, il y en aura sans doute. Ce qui compte, c’est de les penser au pluriel, dans leur diversité. Or c’est justement ce dont le discours de l’effondrement est incapable. Quoiqu’ils s’en défendent, les collapsologues anticipent toujours, en bout de course, la survenue d’un cataclysme « global et unique ». Face à ce nouveau grand récit aux allures de rouleau compresseur, la politique se révèle démunie, impuissante. À l’échelle globale, la situation du monde paraît désespérée. Il en va tout autrement si l’on change de focale, si l’on se penche sur les conséquences locales, multiples et imprévisibles, de la crise climatique : ancrés dans des territoires, hommes et femmes ne cessent d’inventer des solutions concrètes aux problèmes environnementaux qui se posent à leur échelle. Une réhabilitation de la politique contre le défaitisme ambiant.
Livre
Vincent Delecroix
Consolation philosophique
Publié le 15 septembre 2020
« Déraciner le besoin de consolation » : ce pourrait être la vocation que la philosophie s’est donnée. La douleur, la perte, le chagrin, la mort, il s’agit de s’en arracher, quitte à développer d’abruptes sagesses… qui sont tout sauf consolatrices. Dame Philosophie, qui visite Boèce éploré dans son cachot (dans sa célèbre Consolation de la philosophie, écrite au Ier siècle), le secoue : « L’heure est aux remèdes, non aux lamentations ! » lui enjoint-elle, souveraine. Et pourtant, souligne Vincent Delecroix, Dame Philosophie a certes les traits d’une déesse de la raison, mais ses bras sont décharnés et ses vêtements déchirés. La radieuse philosophie aurait-elle peu à offrir en réparation d’un monde en lambeaux ? Cette image illustre selon lui les ambivalences de la philosophie avec la consolation : en refusant – c’est sa noblesse – les illusions consolatrices des religions, du divertissement et autres paradis, n’est-ce pas l’expérience de la souffrance et du chagrin qu’elle tend à éviter ? L’essai est dense, avançant par spirale d’inspirations. Le philosophe-écrivain débusque « les héroïsmes de la raison » dans sa propre discipline et ses préjugés sur la faiblesse de l’âme en peine. Inspiré tant par Kierkegaard que par Adorno, et par de multiples références littéraires, il réhabilite le désir de consolation et la nécessité d’une « raison bancale » pour penser l’inconsolable.
Consolation philosophique
Livre
François Hartog
Chronos. L’Occident aux prises avec le Temps
Publié le 21 septembre 2020
Plus que le temps lui-même, ce sont en effet les transformations de notre rapport au temps qui intéressent François Hartog. Dans Régimes d’historicité. Présentismes et expériences du temps (2003), l’historien avait distingué différentes manières de vivre la temporalité : celle des chrétiens qui se tiennent dans l’attente de l’événement du Jugement dernier, celle des partisans du progrès qui croient en un avenir meilleur et celle de nos sociétés occidentales, engluées dans un présent omniprésent, ce qui les empêche de se projeter dans l’avenir ou de prendre du recul vis-à-vis du passé – le « présentisme ». Hartog infléchit ici cet état des lieux en interpellant avec une certaine grandiloquence Chronos, dieu grec du temps et du destin. Selon l’historien, l’Anthropocène introduirait un régime d’historicité inédit qui bouleverse notre économie du temps, non seulement parce que celui-ci se met à échapper à notre maîtrise mais parce qu’il est marqué par la réintroduction d’une perspective d’avenir… sous la forme d’une catastrophe annoncée : l’effondrement. Fin de l’histoire ? Au contraire, faisant éclater la bulle du présentisme, la catastrophe anthropocénique ouvre une réflexion nouvelle sur le temps long, l’évolution et nos choix de civilisation.
Chronos. L’Occident aux prises avec le Temps
Livre
Dorian Astor
La Passion de l’incertitude
Publié le 21 septembre 2020
Faire d’un essai sur l’incertitude un traité des passions, c’est la belle idée de Dorian Astor ! N’attendez pas qu’il argumente en rationaliste les défauts logiques des théories du complot ou du fanatisme. S’il aborde largement les pathologies de l’absence ou de l’excès de certitudes, c’est précisément parce que c’est une affaire passionnelle. Incertitude et certitude, explique-t-il d’entrée, sont les modalités de notre désir de vérité, tiraillé entre la curiosité et la crainte, le risque et la sécurité. Cependant, affirme avec conviction ce spécialiste de Nietzsche en reprenant son adage : « Ce n’est pas le doute, c’est la certitude qui rend fou. » Écrite comme un Gai Savoir, en éclairs de pensées personnelles ou savantes, sa réflexion sensible nous permet d’apprivoiser l’incertitude. Astor n’ignore pas qu’elle fait souffrir : troubles obsessionnels, jalousie, déstructuration des « individuations ». Il analyse la relation de l’incertitude avec le chaos dionysiaque et avec la confiance en comparant le doute cartésien et le pari de Pascal. Oppose le savant et le croyant. Nuance le scepticisme. Défend la multiplicité des perspectives. Critique la domination des pensées probabilistes. Avoue son démon de la discussion. Préfère le « peut-être » au tranchant des opinions. Et opte pour l’aventure : « Je suis de plus en plus attentif, inquiet, hésitant. J’attends. Et curieusement, avec une sorte de foi injustifiable, j’aime cette attente attentive, cette inquiétude tranquille, cette hésitation définitive ». Car dans l’aventure de la vérité, il faut surtout aimer l’aventure.
La Passion de l’incertitude
Livre
Tobie Nathan
La Société des Belles Personnes
Publié le 21 septembre 2020
Tobie Nathan, chroniqueur à Philosophie magazine, est romancier dans le même mouvement qu’il est ethnopsychiatre : pour prendre soin des lignées et restaurer leurs histoires enfouies. Le personnage central de son dernier roman, Zohar Zohar, pourrait avoir l’âge de son propre père. L’histoire commence au cimetière de Pantin où l’on enterre Zohar Zohar. Son fils François, à moitié breton et devenu diplomate, l’a à peine connu. Le roman est l’enquête d’un fils sur son père, en forme de kaddish : « C’est à toi maintenant de chanter la prière des morts pour ton père », lui dit le vieux joueur de tabla. Où l’on suit Zohar Zohar, né dans la « ruelle aux Juifs » du Caire, pris dans les rets de la révolution des « Officiers libres » de Gamal Abdel Nasser contre le roi Farouk en 1952, qui aboutit à une nouvelle expulsion des Juifs d’Égypte. Entre la montée des Frères musulmans, d’anciens nazis infiltrés dans l’armée égyptienne, la chasse au Grand Mufti de Jérusalem, soutien déclaré de Hitler, veille une mystérieuse confrérie « des belles personnes ». Se mêlent des djinns, des noms qui fixent des destins, le goût du foul (purée de fèves) et des femmes qui connaissent mieux la vie que les hommes. C’est ainsi que l’ethnopsychiatrie peut devenir roman populaire.
La Société des Belles Personnes
Livre
André Comte-Sponville
Dictionnaire amoureux de Montaigne
Publié le 21 septembre 2020
C’est la première fois qu’un volume de la collection des « Dictionnaire amoureux » est consacré à un philosophe. Le pionnier sera donc Montaigne, longtemps classé parmi les écrivains et enseigné davantage en littérature qu’en philosophie. André Comte-Sponville était l’auteur de choix pour lui déclarer sa flamme de A à Z. Il lui avait déjà consacré un ouvrage paru en 1993, « Je ne suis pas philosophe », Montaigne et la philosophie, dans lequel il montrait que l’auteur des Essais était d’autant plus philosophe qu’il le prétendait moins. Ici, l’exercice est différent puisqu’il s’agit de proposer un dictionnaire qui s’ajoute à ceux, plus universitaires, qui existent déjà : un Dictionnaire des Essais de Montaigne (dirigé par Bénédicte Boudou) et un Dictionnaire Montaigne (dirigé par Philippe Desan). Fidèle à la recette de la collection à succès, Comte-Sponville présente donc son Montaigne et livre son interprétation de sa philosophie – d’où la présence de certaines entrées inattendues comme « Conférence » ou « Zen », qui rencontrent ses propres préoccupations. Mais c’est manifestement l’homme derrière le philosophe qui le fascine. En plus d’analyser nos devoirs vis-à-vis des « Animaux » ou la version purgative et radicale du « Scepticisme », Comte-Sponville a le goût des détails quand il dit la timidité que Montaigne manifestait à l’égard des femmes (« Amour/Amitié »), quand il nous fait compatir à ses souffrances physiques (« Coliques »)... et même partager ses complexes de virilité (« Sexe ») ! Rien d’anecdotique dans ces considérations cependant : ainsi la présence récurrente des « Excréments » dans les Essais ressort comme un moyen particulièrement efficace pour rappeler l’humanité à davantage d’humilité, tandis que le « Vent » apparaît comme « un modèle d’impermanence heureuse, donc aussi de sagesse en acte, toute en souplesse et en mouvement ». L’amitié avec La Boétie, érigée en modèle ? Sans détour, Comte-Sponville se montre perplexe : « Je n’y crois pas tout à fait. Trop de vertu, trop de sérieux, trop d’idéalisme. » La religion ? Comte-Sponville se sent incapable de statuer, car il reconnaît ignorer si Montaigne croit ou non en Dieu. Par petites touches s’élabore ainsi un portrait de philosophe (« Montaigne ne se raconte pas, il se peint », rappelle Comte-Sponville) très attachant, à la fois humaniste et humain, qui nous apprend à renoncer à la sagesse absolue, mais certainement pas à l’intelligence. Une belle déclaration d’amour. Retrouvez également des extraits du Dictionnaire amoureux de Montaigne, par André Comte-Sponville : >La Peste >Le moi >La nonchalance >L’action >La vie
Dictionnaire amoureux de Montaigne
LES ARTS
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Histoire d’eau
Cédric Enjalbert 22 septembre 2020
Le dernier film de Christian Petzold (réalisateur de Barbara et de Transit) fait plonger ses personnages dans les abîmes du désir à l'épreuve du passé.
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OH ! LA BELLE VIE
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Philocroisés #64
Gaëtan Goron 22 septembre 2020
Horizontalement I. Jusqu’à l’âge de 29 ans, Siddartha Gautama ignorait que c’était possible. II. Penses comme Descartes. Vieux pronom. III. Groupe de paysans. Premier mot d’un État américain. IV. La Rochefoucauld ne lui faisait pas la cour, bien au contra..
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Alice Zeniter. Hacker ouvert
Cédric Enjalbert 22 septembre 2020
« MOI n’est qu’une position d’équilibre. » Alice Zeniter emprunte à Henri Michaux l’épigraphe de son livre Comme un empire dans un empire (Flammarion). Elle y brosse les portraits croisés (philomag.com) |
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