[n° ou bulletin] est un bulletin de / Alexandre Lacroix (2011)Titre : | N°150 - Juin 2021 - Pourquoi on s'énerve ? | Type de document : | texte imprimé | Année de publication : | 2021 | Importance : | 98 p. | Présentation : | ill. en coul. | Format : | 29 cm | Langues : | Français (fre) | Catégories : | Philosophie
| Tags : | Agnès Jaoui Raphaël Enthoven stoïcisme (guerre du Vietnam) vie extra-terrestre Albert Camus | Index. décimale : | 17 Morale. Éthique. Philosophie pratique | Résumé : | Dans un monde idéal, l’épisode de la pandémie et des confinements successifs aurait dû nous servir à prendre du recul, à gagner en sérénité. Et pourtant… ne sentez-vous pas comme une tension dans l’air ambiant ? N’a-t-on pas l’impression, dans la rue ou sur les réseaux sociaux, que les gens ont envie d’en découdre ? Le télétravail et la raréfaction de la vie sociale n’ont-ils pas rendu les rapports humains moins fluides, voire carrément survoltés ?
(Philomag) | Note de contenu : | Article 3 min
L’énergie paradoxale de la fatigue
Alexandre Lacroix 03 juin 2021
Même si le sommeil serait assurément le remède le plus efficace, il existe plusieurs manières de lutter contre la fatigue. La première consiste à la localiser, et par là même à la circonscrire. Il est rare, en effet, que la fatigue enveloppe le corps, qu’elle le saisisse d’un bloc ..
VOS QUESTIONS
Article 3 min
“Pourquoi désirons-nous tant être reconnus ?”
Charles Pépin 03 juin 2021
Question de Camille Pascal
“Pourquoi désirons-nous tant être reconnus ?”
REPÉRAGES
Article 1 min
Habitat imprimé
Octave Larmagnac-Matheron 03 juin 2021
Tecla : c’est le nom de cette drôle de maison ronde imaginée par la société italienne Wasp. « À tous points de vue, c’est une maison confortable », pas si différente d’une demeure classique, souligne Massimo Moretti, à l’initiative du projet. Si ce n’est qu’elle es..
Habitat imprimé
Article 1 min
“Mourir”
Octave Larmagnac-Matheron 03 juin 2021
“Faire son devoir devient impérieux lorsque, sans doute, on est appelé à mourir bientôt. C’est un exercice intéressant” Axel Kahn, dans La Croix le 17 mai. “Bien mourir, c’est mourir sans regret” Sénèque, Lettres à Lucilius (63-64). ..
Article 1 min
“Universalisme proportionné”
Octave Larmagnac-Matheron 03 juin 2021
« Nous sommes en guerre », déclarait Emmanuel Macron au début de la crise sanitaire. Les mesures de lutte contre la pandémie ont été en effet jusqu’ici à l’image de ce slogan : un combat « covido-centré » au moyen d’un arsenal de mesures qui oublient de consid�..
“Universalisme proportionné”
Article 1 min
“12 millions”
Octave Larmagnac-Matheron 03 juin 2021
C’est le nombre de bébés nés en Chine en 2020. Un chiffre qui confirme la menace d’une crise démographique : il n’a jamais été aussi faible depuis les années 1970, et, à ce rythme, la population chinoise pourrait tomber à 732 millions en 2100, contre 1,4 milliard aujourd’hui...
Article 2 min
États-Unis : in queer we trust
Octave Larmagnac-Matheron 03 juin 2021
Américain.e.s s’identifiant comme LGBT 5,6 % en 2020 3,5 % en 2012 15,9 % des membres de la génération Z (nés entre 1997 et 2002) 9,1 % des millenials (nés entre 1981 et 1996) 2 % des baby-boomers (nés entre 1946 et 1964) 6,4 % des femmes 4,9 % des h..
PERSPECTIVES
Article 3 min
Pas de ruissellement pour Joe Biden
Octave Larmagnac-Matheron 03 juin 2021
C’est un classique du débat politico-économique, et le président américain vient de lui faire un sort. Mais d’où vient cette idée ? Et que dit-elle de notre conception de la société ?
Pas de ruissellement pour Joe Biden
Article 3 min
Dogecoin, le règne du simulacre ?
Océane Gustave 03 juin 2021
Créée comme une blague, une cryptomonnaie à tête de chien se classe parmi les plus populaires et les plus lucratives, après qu’Elon Musk en a vanté les mérites. Avec le Dogecoin, serions-nous entrés dans l’ère du simulacre, prophétisé par Jean Baudrillard ?
Dogecoin, le règne du simulacre ?
Article 3 min
Stamatios Tzitzis : “L’idée de responsabilité pénale naît vraiment avec la Modernité”
Ariane Nicolas 03 juin 2021
Un projet de loi remet la responsabilité pénale au cœur du débat public, suite au scandale soulevé par le jugement de l’affaire Sarah Halimi. Président de la section de philosophie pénale à l’Institut de criminologie de Paris, Stamatios Tzitzis revient sur les racines philosophiques de cette notion.
Stamatios Tzitzis : “L’idée de responsabilité pénale naît vraiment avec la Modernité”
Article 3 min
Relâchez la pression !
Pascal Chabot 03 juin 2021
La rencontre ne peut pas avoir lieu n’importe où. Pour le philosophe belge Pascal Chabot, auteur d’Avoir le temps. Essai de chronosophie (PUF, 2021), elle nécessite un contexte. Pour ce grand amateur de bière, avec la possibilité d’en boire une en terrasse, on retrouve aussi une série d’états psychiques qui permettent aux relations de se nouer.
Relâchez la pression !
AU FIL D’UNE IDÉE
Article 2 min
T’as d’beaux os, tu sais
Sven Ortoli 03 juin 2021
Seul 1 os sur 1 milliard devient fossile. On estime que la fossilisation touche entre 0,01 et 0,1 % des organismes. Des stromatolithes australiens contiennent les plus anciens fossiles du monde : des cyanobactéries vieilles de 3,5 milliards d’année..
T’as d’beaux os, tu sais
ETHNOMYTHOLOGIES
Article 3 min
Tapis de yoga. Un p’tit coin de paradis
Tobie Nathan 03 juin 2021
En gagnant en popularité, le yoga a peut-être perdu un peu de son âme. Et si un simple objet, le tapis sur lequel les pratiquants se mettent dans la posture du lotus, lui permettait de conserver une assise spirituelle ?
Tapis de yoga. Un p’tit coin de paradis
RÉCIT
Article 19 min
James Bond Stockdale. Voyage d’un stoïcien au bout de l’enfer
Martin Duru 03 juin 2021
Ce pilote de l’US Navy est resté prisonnier au Nord-Vietnam pendant sept ans et demi, de 1965 à 1972. Pour résister à l’enfermement, aux humiliations et aux tortures, James Bond Stockdale a fait appel à un étonnant kit de survie : le Manuel du penseur antique Épictète. Récit d’une existence marquée par la guerre, la mort et la philosophie.
James Bond Stockdale. Voyage d’un stoïcien au bout de l’enfer
ENQUÊTE
Article 9 min
Croire aux extraterrestres, Un pari pascALIEN ?
Jack Fereday 03 juin 2021
L’idée a beau faire sourire, on la retrouve au cinéma, dans les médias, au cours d’une discussion... Mais qu’implique le fait de croire – ou pas – à la possibilité d’une vie intelligente extraterrestre ? Entre le scepticisme des uns et la ferveur des autres, les enjeux philosophiques sont de taille.
Croire aux extraterrestres, Un pari pascALIEN ?
Article 4 min
Étienne Klein : “La Terre est la seule planète où nous pouvons être vraiment humains”
Alexandre Lacroix 03 juin 2021
S’il ne la nie pas, le philosophe des sciences se montre plutôt sceptique sur la possibilité d’une vie extraterrestre intelligente. Il explique pourquoi.
Étienne Klein : “La Terre est la seule planète où nous pouvons être vraiment humains”
MOTIFS CACHÉS
Article 3 min
Un pharmakon psychédélique ?
Isabelle Sorente 03 juin 2021
Utiliser des drogues psychoactives pour refermer les portes de la dépression en plus d’ouvrir celles de la perception ? De nombreux médecins et thérapeutes – mais aussi d’ambitieuses start-up – y travaillent. Au risque du bad trip ?
Un pharmakon psychédélique ?
DOSSIER
7 articles
Pourquoi on s’énerve ?
Publié le 03 juin 2021
Dans un monde idéal, l’épisode de la pandémie et des confinements successifs aurait dû nous servir à prendre du recul, à gagner en sérénité. Et pourtant… ne sentez-vous pas comme une tension dans l’air ambiant ? N’a-t-on pas l’impression, dans la rue ou sur les réseaux sociaux, que les gens ont envie d’en découdre ? Le télétravail et la raréfaction de la vie sociale n’ont-ils pas rendu les rapports humains moins fluides, voire carrément survoltés ? > Que ce soit leurs enfants ou la technologie qui les mette en boule, les philosophes Elsa Godart, Maxime Rovere, Gloria Origgi et Yves Citton racontent qu’ils s’énervent comme tout le monde ! > Pourtant, dans l’histoire de la philosophie, c’est la colère qui a ses lettres de noblesse. La colère de Dieu, celle d’Achille sont des passions nobles… Que nous révèle l’énervement sur notre civilisation ? > Peut-être cela : qu’elle carbure à l’électricité et à la fatigue, comme le démontre le philosophe Tristan Garcia. > Pour en savoir plus sur les mécanismes de l’énervement, nous sommes allés à la rencontre des chercheurs en neurosciences Catherine Belzung, Olivier Koenig et Albert Moukheiber. Bizarrement, ils nous disent que s’énerver ne sert à rien – au moins du point de vue physiologique ! > S’il y a bien un philosophe qui a perdu son sang-froid, c’est Arthur Schopenhauer, qui a précipité sa voisine dans les escaliers et a dû lui payer une pension à vie. Folie ou aboutissement logique de son système, fondé sur la volonté ? > Quelques journées en immersion dans le métro ou à essayer de traverser des pistes cyclables ont permis à notre journaliste Michel Eltchaninoff d’écrire un reportage informé sur la rage des transports. > Ils ont de l’estime mutuelle, et pourtant… ils ont failli s’énerver ! Tel est le tour étonnant qu’a pris notre dialogue entre la réalisatrice et comédienne Agnès Jaoui et le philosophe Raphaël Enthoven, qui divise la Twittosphère.
Pourquoi on s’énerve ?
Article 11 min
Ne nous fâchons pas !
Cédric Enjalbert 03 juin 2021
Et vous, qu’est-ce qui vous énerve ? Nous avons posé la question à quatre philosophes, les mettant au défi de briser l’image d’Épinal du sage impassible et détaché.
Ne nous fâchons pas !
Article 6 min
Écorchés vifs
Martin Legros 03 juin 2021
Perdre son sang-froid, est-ce bien raisonnable ? Si pour les Anciens, l’irritabilité représentait une perte de contrôle, voire une sortie de soi, elle est aujourd’hui devenue une arme de vigilance face aux dérèglements du monde.
Écorchés vifs
Article 6 min
Tristan Garcia : “Les algorithmes gèrent nos nerfs pour nous transformer en rats de laboratoire”
Martin Legros 03 juin 2021
La découverte de l’électricité a contribué à faire émerger un nouvel idéal d’existence centré autour de l’intensité nerveuse. Avec la révolution numérique, nos énervements sont devenus la matière première de la vie sociale. Le philosophe Tristan Garcia, auteur de La Vie intense. Une obsession moderne, se demande comment faire pour ne pas « péter les plombs ».
Tristan Garcia : “Les algorithmes gèrent nos nerfs pour nous transformer en rats de laboratoire”
Article 11 min
Ce qui nous tape sur le système
Catherine Portevin 03 juin 2021
Comment faire la radiographie de l’énervement ? Pour le savoir, nous avons interrogé des spécialistes des neurosciences et de la psychologie, et cette émotion apparaît moins mécanique qu’on pourrait le penser.
Ce qui nous tape sur le système
Article 6 min
Schopenhauer, philosophe de (sale) caractère
Octave Larmagnac-Matheron 03 juin 2021
Pour le penseur allemand, l’irritation permet à la volonté de décharger toutes les formes de frustration. Et il sait de quoi il parle, lui qui a passé sa vie à se mettre à dos la terre entière.
Schopenhauer, philosophe de (sale) caractère
Article 11 min
Zizanie dans le métro
Michel Eltchaninoff 03 juin 2021
Entre les bousculades, les retards pour une panne de signalisation, le vélo qui manque de vous renverser ou celui qui vous grille la priorité, les transports urbains sont souvent un enfer. Mais que se joue-t-il en nous lors de nos déplacements sur et sous terre ? Enquête.
Zizanie dans le métro
Dialogue 14 min
Raphaël Enthoven-Agnès Jaoui : de l’art de discuter (presque) sans se disputer
Alexandre Lacroix 03 juin 2021
Il sait susciter comme personne l’agacement de ses détracteurs sur les réseaux sociaux. Elle a écrit, avec Jean-Pierre Bacri, quelques-uns des emportements les plus mémorables du cinéma français. Ces deux « experts » démontent la mécanique de l’énervement… jusqu’à s’y laisser prendre !
Raphaël Enthoven-Agnès Jaoui : de l’art de discuter (presque) sans se disputer
LE CLASSIQUE SUBJECTIF
3 articles
Albert Camus vu par Marylin Maeso
Publié le 03 juin 2021
La rencontre avec Albert Camus a sauvé la vie de Marylin Maeso. Alors qu’adolescente, elle est hantée par la question du suicide, elle découvre en Camus un compagnon de solitude. Aujourd’hui, sa pensée, qui est tout sauf un juste milieu confortable, constitue un guide éthique pour mener dans la cité un débat réel où l’on refuse de « simplifier l’adversaire ».
Albert Camus vu par Marylin Maeso
Article 11 min
Marylin Maeso : “Pour Camus, il existe une solidarité dans la solitude”
Victorine de Oliveira 03 juin 2021
La rencontre avec Albert Camus a sauvé la vie de Marylin Maeso. Alors qu’adolescente, elle est hantée par la question du suicide, elle découvre en Camus un compagnon de solitude. Aujourd’hui, sa pensée, qui est tout sauf un juste milieu confortable, constitue un guide éthique pour mener dans la cité un débat réel où l’on refuse de « simplifier l’adversaire ».
Albert Camus vu par Marylin Maeso
Article 2 min
Albert Camus commenté par Marylin Maeso
Victorine de Oliveira 03 juin 2021
L’extrait d’Albert Camus « Je crois que la violence est inévitable, les années d’occupation me l’ont appris. Pour tout dire, il y a eu, en ce temps-là, de terribles violences qui ne m’ont posé aucun problème. Je ne dis donc point qu’il faut supprimer toute violence, ce qu..
Article 5 min
Albert Camus, un homme de terrain
Victorine de Oliveira 03 juin 2021
Fonder un engagement sur le constat absurde que la vie n’a pas de sens : c’est le pari d’Albert Camus, nourri d’influences qu’il s’approprie moins en commentateur sourcilleux qu’en camarade de pensée.
BOÎTE À OUTILS
Article 2 min
Pourquoi rendons-nous service à autrui ?
Pierre Terraz 03 juin 2021
Et si aider un ami à déménager n’était pas un geste gratuit mais une monnaie d’échange ? Quatre philosophes vous donnent un coup de main.
Pourquoi rendons-nous service à autrui ?
Article 1 min
Ostranenie
Octave Larmagnac-Matheron 03 juin 2021
Langue d’origine : russe
Article 2 min
Réputation
Margot Monteils 03 juin 2021
Cinq philosophes redorent notre blason !
BACK PHILO
Bac philo 6 min
Y a-t-il des vérités indiscutables ?
Nicolas Tenaillon 31 mai 2021
Analyse des termes du sujet « Y a-t-il » Existe-t-il ? Peut-on le constater ? « des vérités » Des faits avérés, des théories démontrées. « indiscutables » Qui s’imposent avec évidence, qui excluent tout débat.
LIVRES
Article 2 min
Pendant que j’y pense/Juin 2021
Catherine Portevin 03 juin 2021
Lire, c’est du sport ! Il y faut de l’entraînement, de l’organisation, de la patience et le dur désir de durer. Nombreux sont les éloges de la lecture qui la jouent ludique : allez-y, n’importe comment, lisez n’importe quoi, ne vous laissez pas intimider par les chefs-d�..
Livre
Michel Serres
La Fontaine
Publié le 01 juin 2021
Un homme à fables Michel Serres n’a pas eu le temps d’achever son La Fontaine. Composé à partir des fichiers retrouvés dans son ordinateur, l’ouvrage donne à voir l’influence que le fabuliste a sur le philosophe, et vice versa. Un Renard rusé et un Corbeau vantard, une Fourmi avare et une Cigale insouciante, un Chien repu mais esclave et un Loup affamé mais libre, un Héron dédaigneux, une Grenouille prétentieuse… le bestiaire si humain des Fables de La Fontaine devrait indigner tout animaliste qui se respecte : cet insupportable anthropomorphisme ne serait qu’un avatar de plus de la prétention humaine à dominer la nature. On aurait tout faux ! Et le livre posthume de Michel Serres consacré au génial fabuliste du Grand Siècle, dont on fêtera en juillet le quatre-centième anniversaire, vient avec panache installer La Fontaine « avant les Anciens et après les Modernes ». Pour le philosophe, mort en 2019, c’est le livre d’une vie, longtemps porté avec son fablier inlassablement annoté. Il n’a pas eu le temps de l’achever et de lui donner forme, mais la pensée est profonde, nourrie d’une connaissance des Fables d’une richesse exceptionnelle. Jean-Charles Darmon, spécialiste de la littérature du XVIIe siècle, a composé ce volume avec finesse et précaution à partir des fichiers, fournis mais épars, retrouvés dans l’ordinateur du philosophe. La forme fragmentaire, dans son inachèvement même, donne à entendre la musique de la réflexion avec ses reprises et variations. De nombreuses allusions aux Fables, parfois des études explicites, émaillent ses ouvrages (surtout Le Parasite et Statues), de même que l’on retrouve dans son La Fontaine les thèmes qui lui sont chers (la communication, le « contrat naturel » entre les hommes et la nature, la connaissance par le corps…). Lui-même utilisa souvent des personnages-concepts (Hermès, le Mal Propre, le Grand Fétiche…) pour incarner ses théories. Et l’on trouvera désormais un air de famille entre sa Petite Poucette et la Perrette au pot au lait du fabuliste. Le La Fontaine de Serres est donc un La Fontaine/Serres en miroir. Le philosophe a tôt fait de balayer les interprétations scolaires qui replacent l’auteur dans son époque pour reconnaître le Roi Soleil dans le Lion, les nobles « sous la peau du Loup » et tous les autres, petits, faibles et grugés, dans les ânes et les agneaux. La grande inspiration de Michel Serres est de renouer avec ce qu’il appelait le Grand Récit, celui de l’histoire de l’Univers, de l’émergence de l’homme et de ses transformations. La science le raconte, mais aussi l’épopée, les mythes et, donc, les fables. Lorsqu’il lit La Fontaine, le philosophe entend aussi Ésope le Phrygien du VIe siècle avant J.-C., Phèdre le Latin, Pilpay l’Indien, Abikar l’Assyro-Babylonien, et toutes les voix bien loin en amont de l’écriture venues d’un temps où un hominidé parmi les autres « vifs » s’est mis à parler. Les fables racontent l’hominisation en répondant à la question : « comment la parole vint à des bêtes et en fit des hommes, comment l’animalité parle encore en nous », comment « tous, jeunes et vieux, anciens ou modernes, vivons et pensons […] plus proches des bêtes que des hommes ». C’est ce totémisme enfoui en chacun d’entre nous qui explique pourquoi, tous, nous comprenons les Fables de La Fontaine « comme si nous y étions ». C’est le cœur de la thèse de Michel Serres : qu’il y a un savoir par le corps, qui passe par le mime, l’imitation et, enfin, les métamorphoses entre les espèces – Lucrèce et Ovide sont tout entiers dans les Fables. C’est pourquoi l’une des « fables-racines » qu’il commente est Ulysse et ses compagnons. La Fontaine imagine une autre fin à l’épisode de l’Odyssée dans lequel Circé transforme les compagnons d’Ulysse en pourceaux : cette fois, devenus loups, ours, lions, animaux des fables précédentes, ils refusent de redevenir des hommes. Combien est dérisoire le verbe être dans la question « Qu’est-ce que l’homme ? », conclut Michel Serres, « puisque nous ne cessons d’avancer vers lui, douloureusement, et de rechuter, soudain et de volonté gaie, vers la bête ». Dieu que les hommes sont bêtes !
La Fontaine
Livre
Don DeLillo
Le Silence
Publié le 01 juin 2021
Chaos digital La panne informatique est totale. Six personnages en mal d’écran réapprennent l’expérience d’une parole oubliée, libérée des fils de la technologie. Qu’est-ce qui, dans le fonctionnement paisible et quotidien des machines, nous menace ? Quelle est cette catastrophe que leur doux bruit de fond ne cesse de nous annoncer ? Depuis Americana et White Noise, ses premiers romans publiés il y a près d’un demi-siècle, ces questions ne cessent d’affleurer dans l’œuvre de Don DeLillo. Elles en font le prophète discret d’une apocalypse immanente à nos vies réputées normales. En 2022, le soir du Super Bowl, finale annuelle du football américain, un événement se produit dont nous ne connaîtrons pas la cause ni l’ampleur. Tous les personnages du roman – deux dans un vol Paris-New York, quatre devant la télévision dans un appartement new-yorkais – en subissent les effets. Les flux numériques s’interrompent. Plus rien ne s’affiche sur les écrans. La beauté de ce court roman tient à ce que l’événement est présenté sans contexte ni profondeur de champ. Il tient dans l’épaisseur d’un écran à plasma. Comme naguère dans les romans de Nathalie Sarraute, les personnages n’existent que par ce qu’ils disent. Leurs tics verbaux, leurs obsessions, leurs tropismes langagiers remplacent la description psychologique. Comment ce néant numérique affecte-t-il le cerveau parlant ? Que trouvons-nous encore à raconter lorsque les ordinateurs n’occupent plus notre champ sensoriel ? Dans un commentaire tantôt prolixe, tantôt laconique, qui s’achemine vers de brefs chapitres monologués, Tessa, poétesse, Max, contrôleur de bâtiments, sa femme Diane, professeure de physique, et Martin, son ex-élève, accompagnent de leur voix cette soudaine disparition de l’horizon numérique. Faute d’information globale, chacun en est réduit aux conjectures, au ressassement, et confronté à un vide intérieur béant. Ce que Le Silence met en scène, c’est une sorte d’épochè phénoménologique – un retour aux choses en chassant les abstractions qui les masquent – mais inopinée, anxieuse et sans méthode. Sur fond de chaos réel ou supposé, chacun s’accroche à ce qu’il croit être le plus réel, dehors ou au fond de soi. « Se concentrer sur les choses physiques les plus simples, se dit Tessa. Toucher sentir mordre, mâcher. Le corps n’en fait qu’à sa tête. » Les humains supportent-ils de s’appartenir enfin ? Faut-il une catastrophe pour le leur enseigner ? Dans ce roman laconique et intense, DeLillo ramène chacun à la source de ses paroles et de sa pensée.
Le Silence
Livre
Thierry Hoquet
Les Presque Humains
Publié le 01 juin 2021
Zombies, cyborgs, androïdes, symbiotes, clones… ces étranges créatures ont envahi notre monde. Notre imaginaire et nos fictions, en tout cas. Mais qu’ont-elles en commun ? Tous ces êtres sont des « presque humains », répond le philosophe Thierry Hoquet : un peu moins, un peu plus, un peu autre, un peu au-delà ou en deçà de l’humain. Tout l’enjeu de cet ouvrage aussi foisonnant que passionnant tient à ce « presque », où se mêlent la fascination et la répulsion. Par bien des aspects, en effet, ces personnages nous ressemblent. « La proximité […] invite à s’identifier à l’autre. » Mais c’est précisément parce que la distance qui nous sépare de lui est « infime », parfois « imperceptible », que l’écart dont il est le porteur suscite un certain effroi et une réaction de rejet. Le « presque humain » fait irruption dans nos imaginaires sous le mode de l’« inquiétante étrangeté », de l’« infamiliarité » : il « dérange notre compréhension implicite de ce à quoi on reconnaît l’humain » et révèle notre fragilité. S’il peut « mettre sous tension » et brouiller les contours de l’humanité, c’est parce que ces contours n’ont jamais été figés. Qui peut dire ce que signifie être humain ? Toute notre histoire est traversée par cette question. Nous la retrouvons aux deux bouts de notre existence individuelle : quand commençons-nous à être humains et quand cessons-nous de l’être ? Sommes-nous encore pleinement humains lorsque nous devenons séniles ? Ou encore lorsque nous nous retrouvons en état de mort cérébrale mais que notre cœur continue de battre ? C’est aussi une question posée par l’évolution : celle de la différence entre nous et les primates, nos plus proches cousins génétiques. Celle, encore, de l’anthropologie, car l’homme n’est pas un animal nu : il est façonné par ses outils, par ses équipements, et se prolonge hors de son corps. Celle, enfin, de la politique – de l’exclusion et de l’aliénation qui relèguent certains êtres aux marges de l’humanité. Les « presque humains » de fiction multiplient les points d’interrogation, en mettant en péril l’équilibre des quatre grandes dimensions de l’existence humaine, selon la typologie proposée par Hoquet : l’« Alien » marque le déchaînement incontrôlable d’une puissance vitale destructrice ; l’« Équipé », la dissolution de l’individu dans ses moyens, ses outils ; le « Golem », l’aliénation à une fin déterminée ; le « Trans », la perméabilité totale à l’instabilité du devenir et à la destruction de l’identité. Ces figures nous hantent, parce qu’elles témoignent que nous pouvons toujours déchoir de notre humanité de multiples manières, que nous ne sommes « jamais complètement humains ». Mais leur immixtion dans notre monde reflète en même temps « l’impossibilité où nous sommes de jamais renoncer à notre humanité ». Peut-être faut-il alors admettre que l’humanité tient surtout au souci d’essayer de dire ce qu’il en est de l’humain ? En ce sens, « l’humain s’impose d’abord comme signification, projet, communauté d’intelligence. Nous sommes les gardiens de la grande aventure du sens ».
Les Presque Humains
Livre
David Lapoujade
L’Altération des mondes. Versions de Philip K. Dick
Publié le 01 juin 2021
« C’est mon boulot de créer des mondes » : pour un auteur de science-fiction, cette déclaration n’a rien d’étonnant. Sauf que Philip K. Dick (1928-1982), pape du genre, ajoute : « j’aime créer des mondes qui tombent vraiment en morceaux au bout de quelques jours ». Tel est le fil rouge de l’étude que le philosophe David Lapoujade consacre au prolixe auteur américain, aujourd’hui en vogue : ce qui intéresse Dick, c’est l’effondrement des mondes qu’il invente et fait se télescoper. Chez lui, tout vacille, tout se détraque, y compris dans le monde « réel ». Soit une intrigue typiquement dickienne : un jour, un homme ordinaire sort de son appartement et se retrouve dans une galaxie lointaine – où des larves extraterrestres sont suspendues aux branches des arbres. Effet d’inquiétante étrangeté, grand dérèglement de tous les sens et de toutes les certitudes : dans les romans et nouvelles de Dick, on ne sait plus très bien où l’on est, ni comment cela fonctionne. La causalité est suspendue, il devient impossible de démêler le vrai du faux. Suis-je vivant ou mort, homme ou machine, un peu des deux ? Ce monde est-il authentique ou n’est-il qu’une illusion, un artefact créé par des puissances manipulatrices, des gourous politiques ou des superprogrammes informatiques ? Avec ses personnages hautement paranoïaques, convaincus qu’eux seuls vivent dans la réalité véritable, rivés à leur version solipsiste des faits, Dick a écrit la bande originale du conspirationnisme contemporain. Mais comme le suggère Lapoujade, celui qui fut la proie de bouffées délirantes a écrit pour lutter contre sa propre paranoïa, sa propre folie : pour ne pas s’enfermer dans un seul monde, il fallait en accoucher de plusieurs, quitte à les faire dérailler.
L’Altération des mondes. Versions de Philip K. Dick
Livre
Trinh Xuan Thuan
Mondes d’ailleurs
Publié le 01 juin 2021
Les atomistes avaient des intuitions prodigieuses. Au temps de Socrate, cette doctrine grecque supposait l’existence d’un univers sans limites spatiotemporelles où des unités fondamentales, les atomes, se « combinaient en une infinité de façons pour donner naissance à un nombre non moins infini de mondes ». De Démocrite à Lucrèce, philosophes et poètes célébraient l’insondable exubérance d’un cosmos qu’Aristote finirait par réduire, pour deux millénaires, à un espace fini et géocentrique. L’astrophysicien Trinh Xuan Thuan signe un hommage à cet élan qui a porté les atomistes à imaginer les cieux peuplés de mondes foisonnants. L’auteur leur donne vie en rassemblant les plus grandes observations et avancées scientifiques de ces vingt-cinq dernières années sur les exoplanètes, les origines du vivant et, surtout, la quête de la vie extraterrestre… Aujourd’hui, on suppose qu’elle pourrait grouiller sous la croûte glacée d’Encelade. Cette lune de Saturne renferme un océan d’eau intérieur jaillissant si fort de ses cryovolcans qu’elle a formé autour de sa géante gazeuse un anneau de particules de glace visible depuis la Terre. Ou peut-être que des bactéries peuplent les profondeurs du sol rouge de Titan sur lequel s’étendent lacs et ruisseaux de méthane alimentés par une pluie – faible gravité oblige – semblant tomber au ralenti ? Si l’humanité a visité ces deux lieux (avec les sondes Cassini et Huygens), le céleste voyage que nous propose Thuan raconte aussi le développement des techniques optiques de pointe permettant de scruter des mondes habitables toujours plus lointains et variés. « Nous pouvons, conclut-il, reprendre la phrase de Hamlet à son ami Horatio dans la tragédie de Shakespeare : “Il y a plus de choses dans le Ciel et sur la Terre que n’en rêve aujourd’hui notre philosophie.” » Alors rêvons !
Mondes d’ailleurs
Livre
Gaël Giraud et Felwine Sarr
L’Économie à venir
Publié le 01 juin 2021
C’est un dialogue rare où l’on entend deux chercheurs se questionner ensemble et apprendre l’un de l’autre. On en a perdu l’habitude, tant le débat d’aujourd’hui est obsédé par le « penser pour/contre » et disqualifie par principe le « penser avec », toujours suspect d’entre-soi. Or c’est bien l’entre-soi, ou plus exactement l’entre-nous, qui réunit les deux économistes engagés à gauche Gaël Giraud et Felwine Sarr, et structure leur recherche du commun. Le premier est spécialiste de mathématiques appliquées à l’économie et professeur à l’École polytechnique, le second est sénégalais et enseigne la philosophie africaine à Duke University, aux États-Unis. Les deux partagent la connaissance de l’économie du développement et de l’Afrique, et un fort ancrage spirituel et théologique (Giraud est jésuite, Sarr musulman soufi), auquel une partie de la discussion est consacrée et qui sous-tend leurs visions historiques et éthiques. La conversation commence par l’hospitalité. Son cœur est constitué par la critique érudite du capitalisme et des impensés philosophiques sur lesquels s’appuie le modèle néoclassique dominant. Giraud développe son analyse du capital comme « transsubstantiation à l’envers » : quand le rite catholique transmute la matérialité en esprit, le capitalisme « transforme une forêt, une machine, une œuvre d’art, un être humain… en capital », dont je peux, en acteur rationnel, anticiper les revenus futurs qui déterminent la valeur de mon capital présent. Dans cette réification, rien n’échappe à la propriété, et l’intérêt ne peut être compris que comme le contraire de la gratuité, de la « surabondance de la générosité ». En plaidant pour une économie « indisciplinée », les deux auteurs plaident aussi pour sa transdisciplinarité. Au lieu de se réduire, comme le dit Sarr, « à un ordre mathématisé, formalisé, devenant par conséquent un ordre insensé », l’économie devrait être « réenchâssée » dans les sciences humaines, les philosophies morales… et même la physique – développement pointu sur la thermodynamique hors équilibre... De la morale à l’anthropologie, de la thermodynamique à la théologie, l’économie devient une discipline passionnante.
L’Économie à venir
Livre
Enzo Paci
Journal phénoménologique
Publié le 01 juin 2021
Voici un livre précieux pour entrer de manière sensible dans la phénoménologie, fondée par Edmund Husserl au début du XXe siècle et développée en France après 1945 par Maurice Merleau-Ponty ou Paul Ricœur. Mais sait-on qu’il en a existé une version italienne à la même période ? La traduction de ce Journal phénoménologique donne un aperçu de l’École de Milan, dont Enzo Paci (1911-1976) est l’éminent représentant. Introducteur de Husserl en Italie, Paci, qui s’était lié avec Ricœur dans un camp de concentration, forge une pensée « relationniste », au carrefour de l’existentialisme et de la phénoménologie. Mais Paci « ne dogmatise pas [s]a perception en un discours abstrait » : c’est ce que montre ce journal rédigé entre 1956 et 1961, où les réflexions philosophiques s’entremêlent d’observations plus méditatives. À Bellaria, sur les bords de l’Adriatique, il note : « J’écris à la lueur de la lune, seul, face à la mer. Son rythme est le mien. Je ne le sens pas comme quelque chose qui se pose en face de moi ; et pourtant il est là, transcendant. » À Venise : « Ma chambre donne sur un canal : un bruit lointain de pas me fait ressentir le silence de manière encore plus vive (le silence “vécu”). » Ailleurs, c’est la musique qu’il écoute conformément à la « réduction » phénoménologique, c’est-à-dire en suspendant l’attitude naturelle qui consiste à croire que le monde existe indépendamment de la conscience. Et c’est fascinant de partager l’existence quotidienne d’un philosophe qui s’interroge avec humilité au contact des choses mêmes !
Journal phénoménologique
Livre
Alice Pfeiffer
Le Goût du moche
Publié le 01 juin 2021
On entre dans ce livre verdâtre et violet comme dans un magasin de souvenirs d’une station balnéaire : c’est kitsch et c’est terriblement criard. Et si l’on flashe sur « des tongs en moumoute rose électrique », c’est sans doute parce qu’on partage « le goût du moche » d’Alice Pfeiffer. Du « ratage » au « vulgaire », en passant par le « dégueulasse », l’ouvrage aux allures de cabinet de curiosités classe les différents genres de moches. On y découvre que ce « petit frère dénigré du laid » flirte parfois avec une certaine forme de beauté. Si vous trouvez qu’il y a quelque chose d’envoûtant dans les bibelots en forme « d’angelots potelés », « de lions rugissants » ou « de chatons larmoyants », c’est normal. L’espèce de moche qu’est le « kitsch » se « place dans la descendance du beau ». Son charme maladroit et désuet introduit donc « un trouble, une émotion ». Alice Pfeiffer, journaliste de mode, ressent quant à elle une « fascination viscérale » pour les mochetés en tout genre. Sous sa plume, la « coupe mulet », le « string ficelle se hissant hors du pantalon » ou encore « le tatouage vaguement tribal » ne sont pas des fautes de goût mais des expérimentations fièrement revendiquées. Le moche devient ainsi « une façon de déconstruire l’académie et les dogmes », une force transgressive capable de renverser l’ennuyeuse banalité du beau.
Le Goût du moche
Livre
Vincent Peillon
Une théologie laïque ?
Publié le 01 juin 2021
Au tournant des XIXe et XXe siècles, Jean Jaurès pense qu’il ne peut y avoir de société sans religion. Dans la tourmente des débats actuels où le mot de « laïcité » a plus de valeur que de sens, Vincent Peillon, en philosophe passionné par l’histoire des idées, nous fait revenir au temps des premiers laïcs. Et surprise : nous sommes très loin des scientistes rationalistes et antireligieux de l’historiographie républicaine classique. Au contraire ! Des philosophes comme Jaurès ou Ferdinand Buisson, père de la laïcité scolaire, considèrent que l’être humain a une inclination naturelle au divin et qu’il appartient aux institutions de la République d’orienter cet appel vers des aspirations démocratiques et sociales. Et ce, dès l’école. En bref : les églises n’ont pas le monopole de la foi ! À l’instar des contre-révolutionnaires, les laïcs pensent que, sans élément divin, la société et l’individu se délitent. Mais, au lieu de promouvoir un retour à la vieille monarchie, ils édifient une « théologie laïque » totalement oubliée du laïcisme contemporain. Peillon dépeint un très déroutant « monisme idéaliste » où la matière et l’univers sont « pénétrés de raison et de justice ». Pour Jaurès et ses pairs, l’humanité même participe du divin par la compréhension des lois idéales de la nature, mais aussi en les poursuivant par l’action, comme celle d’instaurer dans la Cité plus d’égalité et de fraternité. Si l’ancien ministre de l’Éducation nationale (de 2012 à 2014) ne se fait pas prescripteur, l’éclairage savant est loin d’être inutile, tant la laïcité est un héritage complexe et pourtant au fondement d’un républicanisme (et d’un socialisme) aujourd’hui en pleine crise existentielle.
Une théologie laïque ?
Livre
David Acheson
Geometrix. D’Euclide à Einstein, la magie d’une science surprenante
Publié le 01 juin 2021
La géométrie, comme tout système de pensée, possède ses modes de représentations, sa logique… et son élégance. Les points, les droites, les angles ou les cercles sont, comme les concepts en philosophie, des formalismes qui permettent de saisir le monde, de le scénariser et de le comprendre. À travers une série d’exercices illustrés agrémentés d’anecdotes historiques, le mathématicien britannique David Acheson nous initie à la vieille grammaire du maître Euclide d’Alexandrie et de ses austères Éléments, ouvrage qui a « exercé plus d’influence et connu plus d’éditions que la quasi-totalité des autres livres de l’histoire de l’humanité ». Et pour cause : avec quelques axiomes, la géométrie euclidienne permet de calculer la circonférence de la Terre avec deux bâtons ou de démontrer en quelques tracés le théorème de Pythagore. Elle a été décisive aussi bien pour la physique d’Archimède que pour l’élaboration de la théorie de la gravitation universelle d’Isaac Newton. La géométrie rend l’esprit fertile ! Ce n’est pas pour rien que Platon, l’un des pères de la philosophie occidentale, avait inscrit à l’entrée de son Académie : « Que nul n’entre ici s’il n’est géomètre. » Si vous étiez nul en maths, cet album est donc une bonne façon de commencer la philosophie !
Geometrix. D’Euclide à Einstein, la magie d’une science surprenante
Livre
Philippe Artières
Le Peuple du Larzac
Publié le 01 juin 2021
« Gardarem lou Larzac » : on a entendu le slogan occitan de 1971 au milieu des années 2010 en Loire-Atlantique sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes. Le combat contre l’extension d’un camp militaire, qui avait réuni une centaine de paysans, et les mouvements militants des années 1970 semblent être toujours inspirants. « La cause du causse » n’occupe pourtant que le dernier quart de l’histoire du Larzac que propose Philippe Artières en enfant du pays. En creusant le causse, depuis sa formation géologique jusqu’au Forum altermondialiste de 2003 et l’inauguration du viaduc de Millau sur l’autoroute A75, il redonne à l’histoire sa profondeur. Et peuple le plateau réputé le plus désertique de France de « sorcières, croisés, paysans, prisonniers, soldats, militants, touristes et brebis… ». Et ça fait du monde dans le désert ! Un épais palimpseste de présences. Nourri de la lecture de Foucault, Artières pourrait voir le Larzac en « hétérotopie », hors du monde, où le pouvoir domestique les corps. D’une part, à cause des brebis, plus nombreuses que les habitants ; d’autre part, à cause de la présence constante du religieux et du militaire depuis le Moyen Âge, sous la forme de citadelles ou de camps où se sont succédé templiers et moines-soldats, camps disciplinaires (pour enfants, prisonniers nazis, militants du FLN), de réfugiés (espagnols, harkis…) ou d’exercices militaires. Mais c’est Édouard Glissant et « l’imaginaire de la Relation » qui lui semble plus approprié aux formes de résistance et d’expérimentation sociale dont le Larzac est le nom : car le causse est un territoire ouvert mais « imprenable », le commun peut s’y inventer.
Le Peuple du Larzac
Livre
Christine Leroy
Phénoménologie de la danse
Publié le 01 juin 2021
Que peut le corps du danseur sur le corps du spectateur ? Cette question est au centre de l’ouvrage de Christine Leroy, porté par des analyses de pièces – dont de belles pages sur les Sacre du printemps de Vaslav Nijinski et de Pina Bausch. Au commencement, le danseur dialogue avec la gravité et se démène avec la pesanteur, dont chacun fait l’expérience, inconsciemment, à chaque instant, et qui dit notre condition physique humaine. Ce partage corporel est possible par l’« empathie kinesthésique », notion forgée dans les années 1930 par le critique de danse américain John Martin : « Nous reproduisons [le mouvement] par procuration dans notre actuelle expérience musculaire et nous en éveillons les connotations associées comme si le mouvement original était de notre propre initiative. » Les muscles du danseur s’impriment sur ceux du spectateur, non dans la fusion mais dans une communauté de ressentis psychiques et physiques. Cette « contagion gravitaire » sans contact embrasse le concept de « chair » de Maurice Merleau-Ponty. Mon corps est en effet interdépendant du monde : je suis une chair, et le monde se donne à moi sous forme de vécu charnel. Le poids de la chair, celle du danseur et du spectateur, s’éprouve alors dans une intersubjectivité kinesthésique. Leroy redessine ainsi une éthique du care dont la danse serait le ciment.
Phénoménologie de la danse
Livre
Sébastien Travadel et Franck Guarnieri
Petite Philosophie de l’ingénieur
Publié le 01 juin 2021
Les machines sont partout : dans les usines, dans la rue, dans nos foyers. Pourtant, le petit peuple d’habiles savants à qui l’on doit ces inventions a rarement été pensé philosophiquement. À quoi travaillent précisément les ingénieurs ? Franck Guarnieri et Sébastien Travadel, professeurs à MINES ParisTech, livrent une approche condensée et stimulante de ce métier : « fabrication d’un monde » plus encore que d’objets, l’ingénierie est guidée par un « idéal d’efficacité » qui rend sa justification théorique « superflue » – ce qui la distingue de la science. Tout en se faisant historiens de l’ingénierie (avec des passages sur l’« intégraphe » de Leibniz ou les travaux de Galilée en physique des matériaux), les auteurs soulignent qu’elle dialogue sans cesse avec notre imaginaire collectif. Sur la conquête spatiale, par exemple, « c’est parce que la Lune avait une valeur sociale que l’ingénieur a pu trouver les ressources nécessaires à sa conquête ». Contre une vision pessimiste de la technique (celle de Jacques Ellul, notamment), une ingénierie bien pensée serait au contraire capable d’en maîtriser les excès. Puisqu’elle dépend toujours de décisions humaines, elle pourrait même « infléchir de l’intérieur la trajectoire suicidaire des systèmes productifs » menaçant la planète. À une condition : qu’on redéfinisse les valeurs qui guident son efficacité.
Petite Philosophie de l’ingénieur
Livre
Antonio Damasio
Sentir et Savoir
Publié le 01 juin 2021
« Il y a souvent un gouffre entre la carte et l’objet : je l’ai encore constaté il y a quelques minutes, en sortant sur ma terrasse pour regarder le soleil disparaître derrière les monts Santa Monica – et admirer le crépuscule rougeoyant. » Se représenter abstraitement le monde, introduire une distance entre ce que l’on conçoit et ce que l’on vit, ne peut qu’atténuer la conscience. Cette idée se trouve au centre du dernier livre d’Antonio Damasio. Dans son œuvre, le neuropsychologue a combattu le dualisme cartésien selon lequel il existerait une division claire entre corps et esprit. Lecteur de Spinoza, il a tenté, au contraire, de relier le cerveau au corps, la raison aux émotions. Car l’esprit seul n’est rien, puisqu’il n’est pas jouissant : il faut ressentir dans notre chair pour être capables de bâtir nos images mentales, premiers signes tangibles de notre conscience. L’originalité de cet ouvrage ne se situe pas vraiment sur le fond – qui reprend la thèse défendue par Damasio dans ses travaux – mais dans sa forme. À la méthode scientifique, il préfère ici l’art du haïku, de la sensation fluide et poétique. De cet exercice naît une synthèse magistrale de sa pensée, ainsi qu’une réconciliation de la science avec les émotions, du savoir avec le sentir. Débarrassé de la frustration du scientifique qui ne convainc que par le schéma et le chiffre, Antonio Damasio élabore ici une véritable poétique de la science. Et nous montre que cette science peut tout à fait, elle aussi, penser avec des mots.
Sentir et Savoir
Livre
Michel Foucault
Binswanger et l’analyse existentielle
Publié le 01 juin 2021
Longtemps attendue, annoncée par Foucault lui-même en 1954 avant qu’il ne renonce à publier le manuscrit, la parution de ce texte offre un témoignage inestimable de l’élaboration de la réflexion foucaldienne sur la maladie mentale. Elle débouchera en 1961, dans Folie et Déraison. Histoire de la folie à l’âge classique, sur la disqualification de cette notion. La découverte de la pensée de Ludwig Binswanger (1881-1966), à la croisée de la psychanalyse et de la phénoménologie, est une étape décisive de ce parcours. Foucault y trouve « quelque chose de différent des grilles traditionnelles », qu’il qualifie même de « révolution surprenante ». Avec la Daseinsanalyse, elle opère en effet un dépassement essentiel de l’approche psychanalytique sous l’influence de Heidegger. Cette forme de psychothérapie, développée en Suisse à partir des années 1960, demeure d’ailleurs un courant minoritaire. Philosophiquement, il s’agit pour Binswanger de retrouver « l’unité dans laquelle s’exprime le malade » que Freud tend à scinder entre le conscient et l’inconscient. Cette unité est ce qui fonde la présence de l’homme au monde, « la racine de son être ». Tout l’enjeu, c’est de comprendre à nouveaux frais l’expérience pathologique, non comme la perte d’un « monde déjà-là » de sens, mais comme un « mode d’être » à part entière. Reprenant les concepts de la phénoménologie, Binswanger cesse ainsi de rapporter l’univers du fou « à la maladie, pour en chercher le fondement dans le malade lui-même : et non pas en tant qu’il est malade, mais en tant seulement qu’il est homme, qu’il est existence, qu’il est libre ». Tout en rendant hommage à ce renversement, Foucault demeure critique : à ses yeux, si Binswanger s’efforce de « restituer à l’homme malade ce qu’il y a de plus essentiellement humain », il continue tout de même de « chercher ce par quoi [le malade] “n’est pas comme les autres”, à faire ressortir des perturbations que l’on désigne comme telles à partir d’un idéal érigé en norme ». L’analyse existentiale reste structurée par l’opposition entre le normal et le pathologique, sans interroger comment ces catégories sont façonnées par les conditions concrètes d’existence. Foucault entrevoit manifestement ces limites, et c’est sans doute pourquoi il renoncera à publier son manuscrit : son esprit est déjà tourné vers autre chose, vers une exploration des savoirs par leur histoire, leur archéologie. N’écrit-il pas, quelques années plus tard, toujours au sujet de la psychologie, que « ce qu’il y a de plus humain en l’homme, c’est […] son histoire » ?
Binswanger et l’analyse existentielle
CULTURE
Article 2 min
“The Underground Railroad”. Sur les rails de l’histoire
Cédric Enjalbert 03 juin 2021
Avec la série The Underground Railroad, Barry Jenkins, réalisateur de l’oscarisé Moonlight, adapte le roman lauréat du prix Pulitzer de Colson Whitehead et réveille les consciences américaines.
“The Underground Railroad”. Sur les rails de l’histoire
Article 2 min
“L’Encyclopédie de la parole”. B.A.-Blabla
Cédric Enjalbert 03 juin 2021
Avec L’Encyclopédie de la parole, Joris Lacoste et Emmanuelle Lafon, accompagnés d’un collectif d’artistes et de chercheurs, ont rassemblé une dizaine d'années durant les différentes manifestations du langage. Ils en tirent une trilogie de spectacles à la fois ludique et frondeuse.
“L’Encyclopédie de la parole”. B.A.-Blabla
Article 2 min
“Femmes peintres 1780-1830. Naissance d’un combat”. Cherchez l’infâme
Cédric Enjalbert 03 juin 2021
Rares, les femmes peintres ? C'est ce cliché que dément l'exposition Femmes peintres 1780-1830. Naissance d’un combat, à voir au musée du Luxembourg, à Paris, jusqu'au 4 juillet.
“Femmes peintres 1780-1830. Naissance d’un combat”. Cherchez l’infâme
OH ! LA BELLE VIE
Article 3 min
Conseil n°  9 : écrivez des lettres anonymes
François Morel 03 juin 2021
Les soirées sont longues. Pour peu que l’on ait épuisé tous les programmes disponibles sur Netflix, OCS, Canal, Disney+, on se dit : « Tiens, on écrirait bien un petit Tweet pour se venger. » Se venger de quoi ? De tout, de rien. De son malaise. De sa médiocrité. Ça occupe.&..
Conseil n°  9 : écrivez des lettres anonymes
JEU
Article 1 min
Philocroisés #70
Gaëtan Goron 03 juin 2021
Horizontalement I. C’est Épictète que ce pilote a dans la tête. II. sin/cos. Protagoniste du Banquet de Platon. III. Celle de Russell est nourrie tous les jours à 9 heures. IV. Herbe aquatique. 20 corse. V. Famille de peintres néerlandais. Cet avion s’af..
Philocroisés #69
QUESTIONNAIRE DE SOCRATE
Article 2 min
Feu ! Chatterton. Sombre héros
Sylvain Fesson 03 juin 2021
« C’est marrant à quoi tient une trajectoire. À l’origine, je ne suis pas du tout musicien, je ne joue d’aucun instrument, je ne sais pas chanter et j’ai des kystes sur les cordes vocales. Je n’avais donc aucun outil pour enraciner ce rêve, si ce n’est écrire. » Mais un jour de rentrée des classes, en première, Arthur Teboul s’est retrouvé aux côtés de Sébastien qui connaissait Clément, et voilà qu’aujourd’hui, avec ses mots, sa voix, ainsi qu’Antoine et Raphaël, les Feu ! Chatterton sont les fers de lance d’un rock français aussi populaire que lettré. En témoigne la sortie de Palais d’argile (Universal Music/Virgin Records), leur troisième album.
(Philomag) |
[n° ou bulletin] est un bulletin de / Alexandre Lacroix (2011)N°150 - Juin 2021 - Pourquoi on s'énerve ? [texte imprimé] . - 2021 . - 98 p. : ill. en coul. ; 29 cm. Langues : Français ( fre) Catégories : | Philosophie
| Tags : | Agnès Jaoui Raphaël Enthoven stoïcisme (guerre du Vietnam) vie extra-terrestre Albert Camus | Index. décimale : | 17 Morale. Éthique. Philosophie pratique | Résumé : | Dans un monde idéal, l’épisode de la pandémie et des confinements successifs aurait dû nous servir à prendre du recul, à gagner en sérénité. Et pourtant… ne sentez-vous pas comme une tension dans l’air ambiant ? N’a-t-on pas l’impression, dans la rue ou sur les réseaux sociaux, que les gens ont envie d’en découdre ? Le télétravail et la raréfaction de la vie sociale n’ont-ils pas rendu les rapports humains moins fluides, voire carrément survoltés ?
(Philomag) | Note de contenu : | Article 3 min
L’énergie paradoxale de la fatigue
Alexandre Lacroix 03 juin 2021
Même si le sommeil serait assurément le remède le plus efficace, il existe plusieurs manières de lutter contre la fatigue. La première consiste à la localiser, et par là même à la circonscrire. Il est rare, en effet, que la fatigue enveloppe le corps, qu’elle le saisisse d’un bloc ..
VOS QUESTIONS
Article 3 min
“Pourquoi désirons-nous tant être reconnus ?”
Charles Pépin 03 juin 2021
Question de Camille Pascal
“Pourquoi désirons-nous tant être reconnus ?”
REPÉRAGES
Article 1 min
Habitat imprimé
Octave Larmagnac-Matheron 03 juin 2021
Tecla : c’est le nom de cette drôle de maison ronde imaginée par la société italienne Wasp. « À tous points de vue, c’est une maison confortable », pas si différente d’une demeure classique, souligne Massimo Moretti, à l’initiative du projet. Si ce n’est qu’elle es..
Habitat imprimé
Article 1 min
“Mourir”
Octave Larmagnac-Matheron 03 juin 2021
“Faire son devoir devient impérieux lorsque, sans doute, on est appelé à mourir bientôt. C’est un exercice intéressant” Axel Kahn, dans La Croix le 17 mai. “Bien mourir, c’est mourir sans regret” Sénèque, Lettres à Lucilius (63-64). ..
Article 1 min
“Universalisme proportionné”
Octave Larmagnac-Matheron 03 juin 2021
« Nous sommes en guerre », déclarait Emmanuel Macron au début de la crise sanitaire. Les mesures de lutte contre la pandémie ont été en effet jusqu’ici à l’image de ce slogan : un combat « covido-centré » au moyen d’un arsenal de mesures qui oublient de consid�..
“Universalisme proportionné”
Article 1 min
“12 millions”
Octave Larmagnac-Matheron 03 juin 2021
C’est le nombre de bébés nés en Chine en 2020. Un chiffre qui confirme la menace d’une crise démographique : il n’a jamais été aussi faible depuis les années 1970, et, à ce rythme, la population chinoise pourrait tomber à 732 millions en 2100, contre 1,4 milliard aujourd’hui...
Article 2 min
États-Unis : in queer we trust
Octave Larmagnac-Matheron 03 juin 2021
Américain.e.s s’identifiant comme LGBT 5,6 % en 2020 3,5 % en 2012 15,9 % des membres de la génération Z (nés entre 1997 et 2002) 9,1 % des millenials (nés entre 1981 et 1996) 2 % des baby-boomers (nés entre 1946 et 1964) 6,4 % des femmes 4,9 % des h..
PERSPECTIVES
Article 3 min
Pas de ruissellement pour Joe Biden
Octave Larmagnac-Matheron 03 juin 2021
C’est un classique du débat politico-économique, et le président américain vient de lui faire un sort. Mais d’où vient cette idée ? Et que dit-elle de notre conception de la société ?
Pas de ruissellement pour Joe Biden
Article 3 min
Dogecoin, le règne du simulacre ?
Océane Gustave 03 juin 2021
Créée comme une blague, une cryptomonnaie à tête de chien se classe parmi les plus populaires et les plus lucratives, après qu’Elon Musk en a vanté les mérites. Avec le Dogecoin, serions-nous entrés dans l’ère du simulacre, prophétisé par Jean Baudrillard ?
Dogecoin, le règne du simulacre ?
Article 3 min
Stamatios Tzitzis : “L’idée de responsabilité pénale naît vraiment avec la Modernité”
Ariane Nicolas 03 juin 2021
Un projet de loi remet la responsabilité pénale au cœur du débat public, suite au scandale soulevé par le jugement de l’affaire Sarah Halimi. Président de la section de philosophie pénale à l’Institut de criminologie de Paris, Stamatios Tzitzis revient sur les racines philosophiques de cette notion.
Stamatios Tzitzis : “L’idée de responsabilité pénale naît vraiment avec la Modernité”
Article 3 min
Relâchez la pression !
Pascal Chabot 03 juin 2021
La rencontre ne peut pas avoir lieu n’importe où. Pour le philosophe belge Pascal Chabot, auteur d’Avoir le temps. Essai de chronosophie (PUF, 2021), elle nécessite un contexte. Pour ce grand amateur de bière, avec la possibilité d’en boire une en terrasse, on retrouve aussi une série d’états psychiques qui permettent aux relations de se nouer.
Relâchez la pression !
AU FIL D’UNE IDÉE
Article 2 min
T’as d’beaux os, tu sais
Sven Ortoli 03 juin 2021
Seul 1 os sur 1 milliard devient fossile. On estime que la fossilisation touche entre 0,01 et 0,1 % des organismes. Des stromatolithes australiens contiennent les plus anciens fossiles du monde : des cyanobactéries vieilles de 3,5 milliards d’année..
T’as d’beaux os, tu sais
ETHNOMYTHOLOGIES
Article 3 min
Tapis de yoga. Un p’tit coin de paradis
Tobie Nathan 03 juin 2021
En gagnant en popularité, le yoga a peut-être perdu un peu de son âme. Et si un simple objet, le tapis sur lequel les pratiquants se mettent dans la posture du lotus, lui permettait de conserver une assise spirituelle ?
Tapis de yoga. Un p’tit coin de paradis
RÉCIT
Article 19 min
James Bond Stockdale. Voyage d’un stoïcien au bout de l’enfer
Martin Duru 03 juin 2021
Ce pilote de l’US Navy est resté prisonnier au Nord-Vietnam pendant sept ans et demi, de 1965 à 1972. Pour résister à l’enfermement, aux humiliations et aux tortures, James Bond Stockdale a fait appel à un étonnant kit de survie : le Manuel du penseur antique Épictète. Récit d’une existence marquée par la guerre, la mort et la philosophie.
James Bond Stockdale. Voyage d’un stoïcien au bout de l’enfer
ENQUÊTE
Article 9 min
Croire aux extraterrestres, Un pari pascALIEN ?
Jack Fereday 03 juin 2021
L’idée a beau faire sourire, on la retrouve au cinéma, dans les médias, au cours d’une discussion... Mais qu’implique le fait de croire – ou pas – à la possibilité d’une vie intelligente extraterrestre ? Entre le scepticisme des uns et la ferveur des autres, les enjeux philosophiques sont de taille.
Croire aux extraterrestres, Un pari pascALIEN ?
Article 4 min
Étienne Klein : “La Terre est la seule planète où nous pouvons être vraiment humains”
Alexandre Lacroix 03 juin 2021
S’il ne la nie pas, le philosophe des sciences se montre plutôt sceptique sur la possibilité d’une vie extraterrestre intelligente. Il explique pourquoi.
Étienne Klein : “La Terre est la seule planète où nous pouvons être vraiment humains”
MOTIFS CACHÉS
Article 3 min
Un pharmakon psychédélique ?
Isabelle Sorente 03 juin 2021
Utiliser des drogues psychoactives pour refermer les portes de la dépression en plus d’ouvrir celles de la perception ? De nombreux médecins et thérapeutes – mais aussi d’ambitieuses start-up – y travaillent. Au risque du bad trip ?
Un pharmakon psychédélique ?
DOSSIER
7 articles
Pourquoi on s’énerve ?
Publié le 03 juin 2021
Dans un monde idéal, l’épisode de la pandémie et des confinements successifs aurait dû nous servir à prendre du recul, à gagner en sérénité. Et pourtant… ne sentez-vous pas comme une tension dans l’air ambiant ? N’a-t-on pas l’impression, dans la rue ou sur les réseaux sociaux, que les gens ont envie d’en découdre ? Le télétravail et la raréfaction de la vie sociale n’ont-ils pas rendu les rapports humains moins fluides, voire carrément survoltés ? > Que ce soit leurs enfants ou la technologie qui les mette en boule, les philosophes Elsa Godart, Maxime Rovere, Gloria Origgi et Yves Citton racontent qu’ils s’énervent comme tout le monde ! > Pourtant, dans l’histoire de la philosophie, c’est la colère qui a ses lettres de noblesse. La colère de Dieu, celle d’Achille sont des passions nobles… Que nous révèle l’énervement sur notre civilisation ? > Peut-être cela : qu’elle carbure à l’électricité et à la fatigue, comme le démontre le philosophe Tristan Garcia. > Pour en savoir plus sur les mécanismes de l’énervement, nous sommes allés à la rencontre des chercheurs en neurosciences Catherine Belzung, Olivier Koenig et Albert Moukheiber. Bizarrement, ils nous disent que s’énerver ne sert à rien – au moins du point de vue physiologique ! > S’il y a bien un philosophe qui a perdu son sang-froid, c’est Arthur Schopenhauer, qui a précipité sa voisine dans les escaliers et a dû lui payer une pension à vie. Folie ou aboutissement logique de son système, fondé sur la volonté ? > Quelques journées en immersion dans le métro ou à essayer de traverser des pistes cyclables ont permis à notre journaliste Michel Eltchaninoff d’écrire un reportage informé sur la rage des transports. > Ils ont de l’estime mutuelle, et pourtant… ils ont failli s’énerver ! Tel est le tour étonnant qu’a pris notre dialogue entre la réalisatrice et comédienne Agnès Jaoui et le philosophe Raphaël Enthoven, qui divise la Twittosphère.
Pourquoi on s’énerve ?
Article 11 min
Ne nous fâchons pas !
Cédric Enjalbert 03 juin 2021
Et vous, qu’est-ce qui vous énerve ? Nous avons posé la question à quatre philosophes, les mettant au défi de briser l’image d’Épinal du sage impassible et détaché.
Ne nous fâchons pas !
Article 6 min
Écorchés vifs
Martin Legros 03 juin 2021
Perdre son sang-froid, est-ce bien raisonnable ? Si pour les Anciens, l’irritabilité représentait une perte de contrôle, voire une sortie de soi, elle est aujourd’hui devenue une arme de vigilance face aux dérèglements du monde.
Écorchés vifs
Article 6 min
Tristan Garcia : “Les algorithmes gèrent nos nerfs pour nous transformer en rats de laboratoire”
Martin Legros 03 juin 2021
La découverte de l’électricité a contribué à faire émerger un nouvel idéal d’existence centré autour de l’intensité nerveuse. Avec la révolution numérique, nos énervements sont devenus la matière première de la vie sociale. Le philosophe Tristan Garcia, auteur de La Vie intense. Une obsession moderne, se demande comment faire pour ne pas « péter les plombs ».
Tristan Garcia : “Les algorithmes gèrent nos nerfs pour nous transformer en rats de laboratoire”
Article 11 min
Ce qui nous tape sur le système
Catherine Portevin 03 juin 2021
Comment faire la radiographie de l’énervement ? Pour le savoir, nous avons interrogé des spécialistes des neurosciences et de la psychologie, et cette émotion apparaît moins mécanique qu’on pourrait le penser.
Ce qui nous tape sur le système
Article 6 min
Schopenhauer, philosophe de (sale) caractère
Octave Larmagnac-Matheron 03 juin 2021
Pour le penseur allemand, l’irritation permet à la volonté de décharger toutes les formes de frustration. Et il sait de quoi il parle, lui qui a passé sa vie à se mettre à dos la terre entière.
Schopenhauer, philosophe de (sale) caractère
Article 11 min
Zizanie dans le métro
Michel Eltchaninoff 03 juin 2021
Entre les bousculades, les retards pour une panne de signalisation, le vélo qui manque de vous renverser ou celui qui vous grille la priorité, les transports urbains sont souvent un enfer. Mais que se joue-t-il en nous lors de nos déplacements sur et sous terre ? Enquête.
Zizanie dans le métro
Dialogue 14 min
Raphaël Enthoven-Agnès Jaoui : de l’art de discuter (presque) sans se disputer
Alexandre Lacroix 03 juin 2021
Il sait susciter comme personne l’agacement de ses détracteurs sur les réseaux sociaux. Elle a écrit, avec Jean-Pierre Bacri, quelques-uns des emportements les plus mémorables du cinéma français. Ces deux « experts » démontent la mécanique de l’énervement… jusqu’à s’y laisser prendre !
Raphaël Enthoven-Agnès Jaoui : de l’art de discuter (presque) sans se disputer
LE CLASSIQUE SUBJECTIF
3 articles
Albert Camus vu par Marylin Maeso
Publié le 03 juin 2021
La rencontre avec Albert Camus a sauvé la vie de Marylin Maeso. Alors qu’adolescente, elle est hantée par la question du suicide, elle découvre en Camus un compagnon de solitude. Aujourd’hui, sa pensée, qui est tout sauf un juste milieu confortable, constitue un guide éthique pour mener dans la cité un débat réel où l’on refuse de « simplifier l’adversaire ».
Albert Camus vu par Marylin Maeso
Article 11 min
Marylin Maeso : “Pour Camus, il existe une solidarité dans la solitude”
Victorine de Oliveira 03 juin 2021
La rencontre avec Albert Camus a sauvé la vie de Marylin Maeso. Alors qu’adolescente, elle est hantée par la question du suicide, elle découvre en Camus un compagnon de solitude. Aujourd’hui, sa pensée, qui est tout sauf un juste milieu confortable, constitue un guide éthique pour mener dans la cité un débat réel où l’on refuse de « simplifier l’adversaire ».
Albert Camus vu par Marylin Maeso
Article 2 min
Albert Camus commenté par Marylin Maeso
Victorine de Oliveira 03 juin 2021
L’extrait d’Albert Camus « Je crois que la violence est inévitable, les années d’occupation me l’ont appris. Pour tout dire, il y a eu, en ce temps-là, de terribles violences qui ne m’ont posé aucun problème. Je ne dis donc point qu’il faut supprimer toute violence, ce qu..
Article 5 min
Albert Camus, un homme de terrain
Victorine de Oliveira 03 juin 2021
Fonder un engagement sur le constat absurde que la vie n’a pas de sens : c’est le pari d’Albert Camus, nourri d’influences qu’il s’approprie moins en commentateur sourcilleux qu’en camarade de pensée.
BOÎTE À OUTILS
Article 2 min
Pourquoi rendons-nous service à autrui ?
Pierre Terraz 03 juin 2021
Et si aider un ami à déménager n’était pas un geste gratuit mais une monnaie d’échange ? Quatre philosophes vous donnent un coup de main.
Pourquoi rendons-nous service à autrui ?
Article 1 min
Ostranenie
Octave Larmagnac-Matheron 03 juin 2021
Langue d’origine : russe
Article 2 min
Réputation
Margot Monteils 03 juin 2021
Cinq philosophes redorent notre blason !
BACK PHILO
Bac philo 6 min
Y a-t-il des vérités indiscutables ?
Nicolas Tenaillon 31 mai 2021
Analyse des termes du sujet « Y a-t-il » Existe-t-il ? Peut-on le constater ? « des vérités » Des faits avérés, des théories démontrées. « indiscutables » Qui s’imposent avec évidence, qui excluent tout débat.
LIVRES
Article 2 min
Pendant que j’y pense/Juin 2021
Catherine Portevin 03 juin 2021
Lire, c’est du sport ! Il y faut de l’entraînement, de l’organisation, de la patience et le dur désir de durer. Nombreux sont les éloges de la lecture qui la jouent ludique : allez-y, n’importe comment, lisez n’importe quoi, ne vous laissez pas intimider par les chefs-d�..
Livre
Michel Serres
La Fontaine
Publié le 01 juin 2021
Un homme à fables Michel Serres n’a pas eu le temps d’achever son La Fontaine. Composé à partir des fichiers retrouvés dans son ordinateur, l’ouvrage donne à voir l’influence que le fabuliste a sur le philosophe, et vice versa. Un Renard rusé et un Corbeau vantard, une Fourmi avare et une Cigale insouciante, un Chien repu mais esclave et un Loup affamé mais libre, un Héron dédaigneux, une Grenouille prétentieuse… le bestiaire si humain des Fables de La Fontaine devrait indigner tout animaliste qui se respecte : cet insupportable anthropomorphisme ne serait qu’un avatar de plus de la prétention humaine à dominer la nature. On aurait tout faux ! Et le livre posthume de Michel Serres consacré au génial fabuliste du Grand Siècle, dont on fêtera en juillet le quatre-centième anniversaire, vient avec panache installer La Fontaine « avant les Anciens et après les Modernes ». Pour le philosophe, mort en 2019, c’est le livre d’une vie, longtemps porté avec son fablier inlassablement annoté. Il n’a pas eu le temps de l’achever et de lui donner forme, mais la pensée est profonde, nourrie d’une connaissance des Fables d’une richesse exceptionnelle. Jean-Charles Darmon, spécialiste de la littérature du XVIIe siècle, a composé ce volume avec finesse et précaution à partir des fichiers, fournis mais épars, retrouvés dans l’ordinateur du philosophe. La forme fragmentaire, dans son inachèvement même, donne à entendre la musique de la réflexion avec ses reprises et variations. De nombreuses allusions aux Fables, parfois des études explicites, émaillent ses ouvrages (surtout Le Parasite et Statues), de même que l’on retrouve dans son La Fontaine les thèmes qui lui sont chers (la communication, le « contrat naturel » entre les hommes et la nature, la connaissance par le corps…). Lui-même utilisa souvent des personnages-concepts (Hermès, le Mal Propre, le Grand Fétiche…) pour incarner ses théories. Et l’on trouvera désormais un air de famille entre sa Petite Poucette et la Perrette au pot au lait du fabuliste. Le La Fontaine de Serres est donc un La Fontaine/Serres en miroir. Le philosophe a tôt fait de balayer les interprétations scolaires qui replacent l’auteur dans son époque pour reconnaître le Roi Soleil dans le Lion, les nobles « sous la peau du Loup » et tous les autres, petits, faibles et grugés, dans les ânes et les agneaux. La grande inspiration de Michel Serres est de renouer avec ce qu’il appelait le Grand Récit, celui de l’histoire de l’Univers, de l’émergence de l’homme et de ses transformations. La science le raconte, mais aussi l’épopée, les mythes et, donc, les fables. Lorsqu’il lit La Fontaine, le philosophe entend aussi Ésope le Phrygien du VIe siècle avant J.-C., Phèdre le Latin, Pilpay l’Indien, Abikar l’Assyro-Babylonien, et toutes les voix bien loin en amont de l’écriture venues d’un temps où un hominidé parmi les autres « vifs » s’est mis à parler. Les fables racontent l’hominisation en répondant à la question : « comment la parole vint à des bêtes et en fit des hommes, comment l’animalité parle encore en nous », comment « tous, jeunes et vieux, anciens ou modernes, vivons et pensons […] plus proches des bêtes que des hommes ». C’est ce totémisme enfoui en chacun d’entre nous qui explique pourquoi, tous, nous comprenons les Fables de La Fontaine « comme si nous y étions ». C’est le cœur de la thèse de Michel Serres : qu’il y a un savoir par le corps, qui passe par le mime, l’imitation et, enfin, les métamorphoses entre les espèces – Lucrèce et Ovide sont tout entiers dans les Fables. C’est pourquoi l’une des « fables-racines » qu’il commente est Ulysse et ses compagnons. La Fontaine imagine une autre fin à l’épisode de l’Odyssée dans lequel Circé transforme les compagnons d’Ulysse en pourceaux : cette fois, devenus loups, ours, lions, animaux des fables précédentes, ils refusent de redevenir des hommes. Combien est dérisoire le verbe être dans la question « Qu’est-ce que l’homme ? », conclut Michel Serres, « puisque nous ne cessons d’avancer vers lui, douloureusement, et de rechuter, soudain et de volonté gaie, vers la bête ». Dieu que les hommes sont bêtes !
La Fontaine
Livre
Don DeLillo
Le Silence
Publié le 01 juin 2021
Chaos digital La panne informatique est totale. Six personnages en mal d’écran réapprennent l’expérience d’une parole oubliée, libérée des fils de la technologie. Qu’est-ce qui, dans le fonctionnement paisible et quotidien des machines, nous menace ? Quelle est cette catastrophe que leur doux bruit de fond ne cesse de nous annoncer ? Depuis Americana et White Noise, ses premiers romans publiés il y a près d’un demi-siècle, ces questions ne cessent d’affleurer dans l’œuvre de Don DeLillo. Elles en font le prophète discret d’une apocalypse immanente à nos vies réputées normales. En 2022, le soir du Super Bowl, finale annuelle du football américain, un événement se produit dont nous ne connaîtrons pas la cause ni l’ampleur. Tous les personnages du roman – deux dans un vol Paris-New York, quatre devant la télévision dans un appartement new-yorkais – en subissent les effets. Les flux numériques s’interrompent. Plus rien ne s’affiche sur les écrans. La beauté de ce court roman tient à ce que l’événement est présenté sans contexte ni profondeur de champ. Il tient dans l’épaisseur d’un écran à plasma. Comme naguère dans les romans de Nathalie Sarraute, les personnages n’existent que par ce qu’ils disent. Leurs tics verbaux, leurs obsessions, leurs tropismes langagiers remplacent la description psychologique. Comment ce néant numérique affecte-t-il le cerveau parlant ? Que trouvons-nous encore à raconter lorsque les ordinateurs n’occupent plus notre champ sensoriel ? Dans un commentaire tantôt prolixe, tantôt laconique, qui s’achemine vers de brefs chapitres monologués, Tessa, poétesse, Max, contrôleur de bâtiments, sa femme Diane, professeure de physique, et Martin, son ex-élève, accompagnent de leur voix cette soudaine disparition de l’horizon numérique. Faute d’information globale, chacun en est réduit aux conjectures, au ressassement, et confronté à un vide intérieur béant. Ce que Le Silence met en scène, c’est une sorte d’épochè phénoménologique – un retour aux choses en chassant les abstractions qui les masquent – mais inopinée, anxieuse et sans méthode. Sur fond de chaos réel ou supposé, chacun s’accroche à ce qu’il croit être le plus réel, dehors ou au fond de soi. « Se concentrer sur les choses physiques les plus simples, se dit Tessa. Toucher sentir mordre, mâcher. Le corps n’en fait qu’à sa tête. » Les humains supportent-ils de s’appartenir enfin ? Faut-il une catastrophe pour le leur enseigner ? Dans ce roman laconique et intense, DeLillo ramène chacun à la source de ses paroles et de sa pensée.
Le Silence
Livre
Thierry Hoquet
Les Presque Humains
Publié le 01 juin 2021
Zombies, cyborgs, androïdes, symbiotes, clones… ces étranges créatures ont envahi notre monde. Notre imaginaire et nos fictions, en tout cas. Mais qu’ont-elles en commun ? Tous ces êtres sont des « presque humains », répond le philosophe Thierry Hoquet : un peu moins, un peu plus, un peu autre, un peu au-delà ou en deçà de l’humain. Tout l’enjeu de cet ouvrage aussi foisonnant que passionnant tient à ce « presque », où se mêlent la fascination et la répulsion. Par bien des aspects, en effet, ces personnages nous ressemblent. « La proximité […] invite à s’identifier à l’autre. » Mais c’est précisément parce que la distance qui nous sépare de lui est « infime », parfois « imperceptible », que l’écart dont il est le porteur suscite un certain effroi et une réaction de rejet. Le « presque humain » fait irruption dans nos imaginaires sous le mode de l’« inquiétante étrangeté », de l’« infamiliarité » : il « dérange notre compréhension implicite de ce à quoi on reconnaît l’humain » et révèle notre fragilité. S’il peut « mettre sous tension » et brouiller les contours de l’humanité, c’est parce que ces contours n’ont jamais été figés. Qui peut dire ce que signifie être humain ? Toute notre histoire est traversée par cette question. Nous la retrouvons aux deux bouts de notre existence individuelle : quand commençons-nous à être humains et quand cessons-nous de l’être ? Sommes-nous encore pleinement humains lorsque nous devenons séniles ? Ou encore lorsque nous nous retrouvons en état de mort cérébrale mais que notre cœur continue de battre ? C’est aussi une question posée par l’évolution : celle de la différence entre nous et les primates, nos plus proches cousins génétiques. Celle, encore, de l’anthropologie, car l’homme n’est pas un animal nu : il est façonné par ses outils, par ses équipements, et se prolonge hors de son corps. Celle, enfin, de la politique – de l’exclusion et de l’aliénation qui relèguent certains êtres aux marges de l’humanité. Les « presque humains » de fiction multiplient les points d’interrogation, en mettant en péril l’équilibre des quatre grandes dimensions de l’existence humaine, selon la typologie proposée par Hoquet : l’« Alien » marque le déchaînement incontrôlable d’une puissance vitale destructrice ; l’« Équipé », la dissolution de l’individu dans ses moyens, ses outils ; le « Golem », l’aliénation à une fin déterminée ; le « Trans », la perméabilité totale à l’instabilité du devenir et à la destruction de l’identité. Ces figures nous hantent, parce qu’elles témoignent que nous pouvons toujours déchoir de notre humanité de multiples manières, que nous ne sommes « jamais complètement humains ». Mais leur immixtion dans notre monde reflète en même temps « l’impossibilité où nous sommes de jamais renoncer à notre humanité ». Peut-être faut-il alors admettre que l’humanité tient surtout au souci d’essayer de dire ce qu’il en est de l’humain ? En ce sens, « l’humain s’impose d’abord comme signification, projet, communauté d’intelligence. Nous sommes les gardiens de la grande aventure du sens ».
Les Presque Humains
Livre
David Lapoujade
L’Altération des mondes. Versions de Philip K. Dick
Publié le 01 juin 2021
« C’est mon boulot de créer des mondes » : pour un auteur de science-fiction, cette déclaration n’a rien d’étonnant. Sauf que Philip K. Dick (1928-1982), pape du genre, ajoute : « j’aime créer des mondes qui tombent vraiment en morceaux au bout de quelques jours ». Tel est le fil rouge de l’étude que le philosophe David Lapoujade consacre au prolixe auteur américain, aujourd’hui en vogue : ce qui intéresse Dick, c’est l’effondrement des mondes qu’il invente et fait se télescoper. Chez lui, tout vacille, tout se détraque, y compris dans le monde « réel ». Soit une intrigue typiquement dickienne : un jour, un homme ordinaire sort de son appartement et se retrouve dans une galaxie lointaine – où des larves extraterrestres sont suspendues aux branches des arbres. Effet d’inquiétante étrangeté, grand dérèglement de tous les sens et de toutes les certitudes : dans les romans et nouvelles de Dick, on ne sait plus très bien où l’on est, ni comment cela fonctionne. La causalité est suspendue, il devient impossible de démêler le vrai du faux. Suis-je vivant ou mort, homme ou machine, un peu des deux ? Ce monde est-il authentique ou n’est-il qu’une illusion, un artefact créé par des puissances manipulatrices, des gourous politiques ou des superprogrammes informatiques ? Avec ses personnages hautement paranoïaques, convaincus qu’eux seuls vivent dans la réalité véritable, rivés à leur version solipsiste des faits, Dick a écrit la bande originale du conspirationnisme contemporain. Mais comme le suggère Lapoujade, celui qui fut la proie de bouffées délirantes a écrit pour lutter contre sa propre paranoïa, sa propre folie : pour ne pas s’enfermer dans un seul monde, il fallait en accoucher de plusieurs, quitte à les faire dérailler.
L’Altération des mondes. Versions de Philip K. Dick
Livre
Trinh Xuan Thuan
Mondes d’ailleurs
Publié le 01 juin 2021
Les atomistes avaient des intuitions prodigieuses. Au temps de Socrate, cette doctrine grecque supposait l’existence d’un univers sans limites spatiotemporelles où des unités fondamentales, les atomes, se « combinaient en une infinité de façons pour donner naissance à un nombre non moins infini de mondes ». De Démocrite à Lucrèce, philosophes et poètes célébraient l’insondable exubérance d’un cosmos qu’Aristote finirait par réduire, pour deux millénaires, à un espace fini et géocentrique. L’astrophysicien Trinh Xuan Thuan signe un hommage à cet élan qui a porté les atomistes à imaginer les cieux peuplés de mondes foisonnants. L’auteur leur donne vie en rassemblant les plus grandes observations et avancées scientifiques de ces vingt-cinq dernières années sur les exoplanètes, les origines du vivant et, surtout, la quête de la vie extraterrestre… Aujourd’hui, on suppose qu’elle pourrait grouiller sous la croûte glacée d’Encelade. Cette lune de Saturne renferme un océan d’eau intérieur jaillissant si fort de ses cryovolcans qu’elle a formé autour de sa géante gazeuse un anneau de particules de glace visible depuis la Terre. Ou peut-être que des bactéries peuplent les profondeurs du sol rouge de Titan sur lequel s’étendent lacs et ruisseaux de méthane alimentés par une pluie – faible gravité oblige – semblant tomber au ralenti ? Si l’humanité a visité ces deux lieux (avec les sondes Cassini et Huygens), le céleste voyage que nous propose Thuan raconte aussi le développement des techniques optiques de pointe permettant de scruter des mondes habitables toujours plus lointains et variés. « Nous pouvons, conclut-il, reprendre la phrase de Hamlet à son ami Horatio dans la tragédie de Shakespeare : “Il y a plus de choses dans le Ciel et sur la Terre que n’en rêve aujourd’hui notre philosophie.” » Alors rêvons !
Mondes d’ailleurs
Livre
Gaël Giraud et Felwine Sarr
L’Économie à venir
Publié le 01 juin 2021
C’est un dialogue rare où l’on entend deux chercheurs se questionner ensemble et apprendre l’un de l’autre. On en a perdu l’habitude, tant le débat d’aujourd’hui est obsédé par le « penser pour/contre » et disqualifie par principe le « penser avec », toujours suspect d’entre-soi. Or c’est bien l’entre-soi, ou plus exactement l’entre-nous, qui réunit les deux économistes engagés à gauche Gaël Giraud et Felwine Sarr, et structure leur recherche du commun. Le premier est spécialiste de mathématiques appliquées à l’économie et professeur à l’École polytechnique, le second est sénégalais et enseigne la philosophie africaine à Duke University, aux États-Unis. Les deux partagent la connaissance de l’économie du développement et de l’Afrique, et un fort ancrage spirituel et théologique (Giraud est jésuite, Sarr musulman soufi), auquel une partie de la discussion est consacrée et qui sous-tend leurs visions historiques et éthiques. La conversation commence par l’hospitalité. Son cœur est constitué par la critique érudite du capitalisme et des impensés philosophiques sur lesquels s’appuie le modèle néoclassique dominant. Giraud développe son analyse du capital comme « transsubstantiation à l’envers » : quand le rite catholique transmute la matérialité en esprit, le capitalisme « transforme une forêt, une machine, une œuvre d’art, un être humain… en capital », dont je peux, en acteur rationnel, anticiper les revenus futurs qui déterminent la valeur de mon capital présent. Dans cette réification, rien n’échappe à la propriété, et l’intérêt ne peut être compris que comme le contraire de la gratuité, de la « surabondance de la générosité ». En plaidant pour une économie « indisciplinée », les deux auteurs plaident aussi pour sa transdisciplinarité. Au lieu de se réduire, comme le dit Sarr, « à un ordre mathématisé, formalisé, devenant par conséquent un ordre insensé », l’économie devrait être « réenchâssée » dans les sciences humaines, les philosophies morales… et même la physique – développement pointu sur la thermodynamique hors équilibre... De la morale à l’anthropologie, de la thermodynamique à la théologie, l’économie devient une discipline passionnante.
L’Économie à venir
Livre
Enzo Paci
Journal phénoménologique
Publié le 01 juin 2021
Voici un livre précieux pour entrer de manière sensible dans la phénoménologie, fondée par Edmund Husserl au début du XXe siècle et développée en France après 1945 par Maurice Merleau-Ponty ou Paul Ricœur. Mais sait-on qu’il en a existé une version italienne à la même période ? La traduction de ce Journal phénoménologique donne un aperçu de l’École de Milan, dont Enzo Paci (1911-1976) est l’éminent représentant. Introducteur de Husserl en Italie, Paci, qui s’était lié avec Ricœur dans un camp de concentration, forge une pensée « relationniste », au carrefour de l’existentialisme et de la phénoménologie. Mais Paci « ne dogmatise pas [s]a perception en un discours abstrait » : c’est ce que montre ce journal rédigé entre 1956 et 1961, où les réflexions philosophiques s’entremêlent d’observations plus méditatives. À Bellaria, sur les bords de l’Adriatique, il note : « J’écris à la lueur de la lune, seul, face à la mer. Son rythme est le mien. Je ne le sens pas comme quelque chose qui se pose en face de moi ; et pourtant il est là, transcendant. » À Venise : « Ma chambre donne sur un canal : un bruit lointain de pas me fait ressentir le silence de manière encore plus vive (le silence “vécu”). » Ailleurs, c’est la musique qu’il écoute conformément à la « réduction » phénoménologique, c’est-à-dire en suspendant l’attitude naturelle qui consiste à croire que le monde existe indépendamment de la conscience. Et c’est fascinant de partager l’existence quotidienne d’un philosophe qui s’interroge avec humilité au contact des choses mêmes !
Journal phénoménologique
Livre
Alice Pfeiffer
Le Goût du moche
Publié le 01 juin 2021
On entre dans ce livre verdâtre et violet comme dans un magasin de souvenirs d’une station balnéaire : c’est kitsch et c’est terriblement criard. Et si l’on flashe sur « des tongs en moumoute rose électrique », c’est sans doute parce qu’on partage « le goût du moche » d’Alice Pfeiffer. Du « ratage » au « vulgaire », en passant par le « dégueulasse », l’ouvrage aux allures de cabinet de curiosités classe les différents genres de moches. On y découvre que ce « petit frère dénigré du laid » flirte parfois avec une certaine forme de beauté. Si vous trouvez qu’il y a quelque chose d’envoûtant dans les bibelots en forme « d’angelots potelés », « de lions rugissants » ou « de chatons larmoyants », c’est normal. L’espèce de moche qu’est le « kitsch » se « place dans la descendance du beau ». Son charme maladroit et désuet introduit donc « un trouble, une émotion ». Alice Pfeiffer, journaliste de mode, ressent quant à elle une « fascination viscérale » pour les mochetés en tout genre. Sous sa plume, la « coupe mulet », le « string ficelle se hissant hors du pantalon » ou encore « le tatouage vaguement tribal » ne sont pas des fautes de goût mais des expérimentations fièrement revendiquées. Le moche devient ainsi « une façon de déconstruire l’académie et les dogmes », une force transgressive capable de renverser l’ennuyeuse banalité du beau.
Le Goût du moche
Livre
Vincent Peillon
Une théologie laïque ?
Publié le 01 juin 2021
Au tournant des XIXe et XXe siècles, Jean Jaurès pense qu’il ne peut y avoir de société sans religion. Dans la tourmente des débats actuels où le mot de « laïcité » a plus de valeur que de sens, Vincent Peillon, en philosophe passionné par l’histoire des idées, nous fait revenir au temps des premiers laïcs. Et surprise : nous sommes très loin des scientistes rationalistes et antireligieux de l’historiographie républicaine classique. Au contraire ! Des philosophes comme Jaurès ou Ferdinand Buisson, père de la laïcité scolaire, considèrent que l’être humain a une inclination naturelle au divin et qu’il appartient aux institutions de la République d’orienter cet appel vers des aspirations démocratiques et sociales. Et ce, dès l’école. En bref : les églises n’ont pas le monopole de la foi ! À l’instar des contre-révolutionnaires, les laïcs pensent que, sans élément divin, la société et l’individu se délitent. Mais, au lieu de promouvoir un retour à la vieille monarchie, ils édifient une « théologie laïque » totalement oubliée du laïcisme contemporain. Peillon dépeint un très déroutant « monisme idéaliste » où la matière et l’univers sont « pénétrés de raison et de justice ». Pour Jaurès et ses pairs, l’humanité même participe du divin par la compréhension des lois idéales de la nature, mais aussi en les poursuivant par l’action, comme celle d’instaurer dans la Cité plus d’égalité et de fraternité. Si l’ancien ministre de l’Éducation nationale (de 2012 à 2014) ne se fait pas prescripteur, l’éclairage savant est loin d’être inutile, tant la laïcité est un héritage complexe et pourtant au fondement d’un républicanisme (et d’un socialisme) aujourd’hui en pleine crise existentielle.
Une théologie laïque ?
Livre
David Acheson
Geometrix. D’Euclide à Einstein, la magie d’une science surprenante
Publié le 01 juin 2021
La géométrie, comme tout système de pensée, possède ses modes de représentations, sa logique… et son élégance. Les points, les droites, les angles ou les cercles sont, comme les concepts en philosophie, des formalismes qui permettent de saisir le monde, de le scénariser et de le comprendre. À travers une série d’exercices illustrés agrémentés d’anecdotes historiques, le mathématicien britannique David Acheson nous initie à la vieille grammaire du maître Euclide d’Alexandrie et de ses austères Éléments, ouvrage qui a « exercé plus d’influence et connu plus d’éditions que la quasi-totalité des autres livres de l’histoire de l’humanité ». Et pour cause : avec quelques axiomes, la géométrie euclidienne permet de calculer la circonférence de la Terre avec deux bâtons ou de démontrer en quelques tracés le théorème de Pythagore. Elle a été décisive aussi bien pour la physique d’Archimède que pour l’élaboration de la théorie de la gravitation universelle d’Isaac Newton. La géométrie rend l’esprit fertile ! Ce n’est pas pour rien que Platon, l’un des pères de la philosophie occidentale, avait inscrit à l’entrée de son Académie : « Que nul n’entre ici s’il n’est géomètre. » Si vous étiez nul en maths, cet album est donc une bonne façon de commencer la philosophie !
Geometrix. D’Euclide à Einstein, la magie d’une science surprenante
Livre
Philippe Artières
Le Peuple du Larzac
Publié le 01 juin 2021
« Gardarem lou Larzac » : on a entendu le slogan occitan de 1971 au milieu des années 2010 en Loire-Atlantique sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes. Le combat contre l’extension d’un camp militaire, qui avait réuni une centaine de paysans, et les mouvements militants des années 1970 semblent être toujours inspirants. « La cause du causse » n’occupe pourtant que le dernier quart de l’histoire du Larzac que propose Philippe Artières en enfant du pays. En creusant le causse, depuis sa formation géologique jusqu’au Forum altermondialiste de 2003 et l’inauguration du viaduc de Millau sur l’autoroute A75, il redonne à l’histoire sa profondeur. Et peuple le plateau réputé le plus désertique de France de « sorcières, croisés, paysans, prisonniers, soldats, militants, touristes et brebis… ». Et ça fait du monde dans le désert ! Un épais palimpseste de présences. Nourri de la lecture de Foucault, Artières pourrait voir le Larzac en « hétérotopie », hors du monde, où le pouvoir domestique les corps. D’une part, à cause des brebis, plus nombreuses que les habitants ; d’autre part, à cause de la présence constante du religieux et du militaire depuis le Moyen Âge, sous la forme de citadelles ou de camps où se sont succédé templiers et moines-soldats, camps disciplinaires (pour enfants, prisonniers nazis, militants du FLN), de réfugiés (espagnols, harkis…) ou d’exercices militaires. Mais c’est Édouard Glissant et « l’imaginaire de la Relation » qui lui semble plus approprié aux formes de résistance et d’expérimentation sociale dont le Larzac est le nom : car le causse est un territoire ouvert mais « imprenable », le commun peut s’y inventer.
Le Peuple du Larzac
Livre
Christine Leroy
Phénoménologie de la danse
Publié le 01 juin 2021
Que peut le corps du danseur sur le corps du spectateur ? Cette question est au centre de l’ouvrage de Christine Leroy, porté par des analyses de pièces – dont de belles pages sur les Sacre du printemps de Vaslav Nijinski et de Pina Bausch. Au commencement, le danseur dialogue avec la gravité et se démène avec la pesanteur, dont chacun fait l’expérience, inconsciemment, à chaque instant, et qui dit notre condition physique humaine. Ce partage corporel est possible par l’« empathie kinesthésique », notion forgée dans les années 1930 par le critique de danse américain John Martin : « Nous reproduisons [le mouvement] par procuration dans notre actuelle expérience musculaire et nous en éveillons les connotations associées comme si le mouvement original était de notre propre initiative. » Les muscles du danseur s’impriment sur ceux du spectateur, non dans la fusion mais dans une communauté de ressentis psychiques et physiques. Cette « contagion gravitaire » sans contact embrasse le concept de « chair » de Maurice Merleau-Ponty. Mon corps est en effet interdépendant du monde : je suis une chair, et le monde se donne à moi sous forme de vécu charnel. Le poids de la chair, celle du danseur et du spectateur, s’éprouve alors dans une intersubjectivité kinesthésique. Leroy redessine ainsi une éthique du care dont la danse serait le ciment.
Phénoménologie de la danse
Livre
Sébastien Travadel et Franck Guarnieri
Petite Philosophie de l’ingénieur
Publié le 01 juin 2021
Les machines sont partout : dans les usines, dans la rue, dans nos foyers. Pourtant, le petit peuple d’habiles savants à qui l’on doit ces inventions a rarement été pensé philosophiquement. À quoi travaillent précisément les ingénieurs ? Franck Guarnieri et Sébastien Travadel, professeurs à MINES ParisTech, livrent une approche condensée et stimulante de ce métier : « fabrication d’un monde » plus encore que d’objets, l’ingénierie est guidée par un « idéal d’efficacité » qui rend sa justification théorique « superflue » – ce qui la distingue de la science. Tout en se faisant historiens de l’ingénierie (avec des passages sur l’« intégraphe » de Leibniz ou les travaux de Galilée en physique des matériaux), les auteurs soulignent qu’elle dialogue sans cesse avec notre imaginaire collectif. Sur la conquête spatiale, par exemple, « c’est parce que la Lune avait une valeur sociale que l’ingénieur a pu trouver les ressources nécessaires à sa conquête ». Contre une vision pessimiste de la technique (celle de Jacques Ellul, notamment), une ingénierie bien pensée serait au contraire capable d’en maîtriser les excès. Puisqu’elle dépend toujours de décisions humaines, elle pourrait même « infléchir de l’intérieur la trajectoire suicidaire des systèmes productifs » menaçant la planète. À une condition : qu’on redéfinisse les valeurs qui guident son efficacité.
Petite Philosophie de l’ingénieur
Livre
Antonio Damasio
Sentir et Savoir
Publié le 01 juin 2021
« Il y a souvent un gouffre entre la carte et l’objet : je l’ai encore constaté il y a quelques minutes, en sortant sur ma terrasse pour regarder le soleil disparaître derrière les monts Santa Monica – et admirer le crépuscule rougeoyant. » Se représenter abstraitement le monde, introduire une distance entre ce que l’on conçoit et ce que l’on vit, ne peut qu’atténuer la conscience. Cette idée se trouve au centre du dernier livre d’Antonio Damasio. Dans son œuvre, le neuropsychologue a combattu le dualisme cartésien selon lequel il existerait une division claire entre corps et esprit. Lecteur de Spinoza, il a tenté, au contraire, de relier le cerveau au corps, la raison aux émotions. Car l’esprit seul n’est rien, puisqu’il n’est pas jouissant : il faut ressentir dans notre chair pour être capables de bâtir nos images mentales, premiers signes tangibles de notre conscience. L’originalité de cet ouvrage ne se situe pas vraiment sur le fond – qui reprend la thèse défendue par Damasio dans ses travaux – mais dans sa forme. À la méthode scientifique, il préfère ici l’art du haïku, de la sensation fluide et poétique. De cet exercice naît une synthèse magistrale de sa pensée, ainsi qu’une réconciliation de la science avec les émotions, du savoir avec le sentir. Débarrassé de la frustration du scientifique qui ne convainc que par le schéma et le chiffre, Antonio Damasio élabore ici une véritable poétique de la science. Et nous montre que cette science peut tout à fait, elle aussi, penser avec des mots.
Sentir et Savoir
Livre
Michel Foucault
Binswanger et l’analyse existentielle
Publié le 01 juin 2021
Longtemps attendue, annoncée par Foucault lui-même en 1954 avant qu’il ne renonce à publier le manuscrit, la parution de ce texte offre un témoignage inestimable de l’élaboration de la réflexion foucaldienne sur la maladie mentale. Elle débouchera en 1961, dans Folie et Déraison. Histoire de la folie à l’âge classique, sur la disqualification de cette notion. La découverte de la pensée de Ludwig Binswanger (1881-1966), à la croisée de la psychanalyse et de la phénoménologie, est une étape décisive de ce parcours. Foucault y trouve « quelque chose de différent des grilles traditionnelles », qu’il qualifie même de « révolution surprenante ». Avec la Daseinsanalyse, elle opère en effet un dépassement essentiel de l’approche psychanalytique sous l’influence de Heidegger. Cette forme de psychothérapie, développée en Suisse à partir des années 1960, demeure d’ailleurs un courant minoritaire. Philosophiquement, il s’agit pour Binswanger de retrouver « l’unité dans laquelle s’exprime le malade » que Freud tend à scinder entre le conscient et l’inconscient. Cette unité est ce qui fonde la présence de l’homme au monde, « la racine de son être ». Tout l’enjeu, c’est de comprendre à nouveaux frais l’expérience pathologique, non comme la perte d’un « monde déjà-là » de sens, mais comme un « mode d’être » à part entière. Reprenant les concepts de la phénoménologie, Binswanger cesse ainsi de rapporter l’univers du fou « à la maladie, pour en chercher le fondement dans le malade lui-même : et non pas en tant qu’il est malade, mais en tant seulement qu’il est homme, qu’il est existence, qu’il est libre ». Tout en rendant hommage à ce renversement, Foucault demeure critique : à ses yeux, si Binswanger s’efforce de « restituer à l’homme malade ce qu’il y a de plus essentiellement humain », il continue tout de même de « chercher ce par quoi [le malade] “n’est pas comme les autres”, à faire ressortir des perturbations que l’on désigne comme telles à partir d’un idéal érigé en norme ». L’analyse existentiale reste structurée par l’opposition entre le normal et le pathologique, sans interroger comment ces catégories sont façonnées par les conditions concrètes d’existence. Foucault entrevoit manifestement ces limites, et c’est sans doute pourquoi il renoncera à publier son manuscrit : son esprit est déjà tourné vers autre chose, vers une exploration des savoirs par leur histoire, leur archéologie. N’écrit-il pas, quelques années plus tard, toujours au sujet de la psychologie, que « ce qu’il y a de plus humain en l’homme, c’est […] son histoire » ?
Binswanger et l’analyse existentielle
CULTURE
Article 2 min
“The Underground Railroad”. Sur les rails de l’histoire
Cédric Enjalbert 03 juin 2021
Avec la série The Underground Railroad, Barry Jenkins, réalisateur de l’oscarisé Moonlight, adapte le roman lauréat du prix Pulitzer de Colson Whitehead et réveille les consciences américaines.
“The Underground Railroad”. Sur les rails de l’histoire
Article 2 min
“L’Encyclopédie de la parole”. B.A.-Blabla
Cédric Enjalbert 03 juin 2021
Avec L’Encyclopédie de la parole, Joris Lacoste et Emmanuelle Lafon, accompagnés d’un collectif d’artistes et de chercheurs, ont rassemblé une dizaine d'années durant les différentes manifestations du langage. Ils en tirent une trilogie de spectacles à la fois ludique et frondeuse.
“L’Encyclopédie de la parole”. B.A.-Blabla
Article 2 min
“Femmes peintres 1780-1830. Naissance d’un combat”. Cherchez l’infâme
Cédric Enjalbert 03 juin 2021
Rares, les femmes peintres ? C'est ce cliché que dément l'exposition Femmes peintres 1780-1830. Naissance d’un combat, à voir au musée du Luxembourg, à Paris, jusqu'au 4 juillet.
“Femmes peintres 1780-1830. Naissance d’un combat”. Cherchez l’infâme
OH ! LA BELLE VIE
Article 3 min
Conseil n°  9 : écrivez des lettres anonymes
François Morel 03 juin 2021
Les soirées sont longues. Pour peu que l’on ait épuisé tous les programmes disponibles sur Netflix, OCS, Canal, Disney+, on se dit : « Tiens, on écrirait bien un petit Tweet pour se venger. » Se venger de quoi ? De tout, de rien. De son malaise. De sa médiocrité. Ça occupe.&..
Conseil n°  9 : écrivez des lettres anonymes
JEU
Article 1 min
Philocroisés #70
Gaëtan Goron 03 juin 2021
Horizontalement I. C’est Épictète que ce pilote a dans la tête. II. sin/cos. Protagoniste du Banquet de Platon. III. Celle de Russell est nourrie tous les jours à 9 heures. IV. Herbe aquatique. 20 corse. V. Famille de peintres néerlandais. Cet avion s’af..
Philocroisés #69
QUESTIONNAIRE DE SOCRATE
Article 2 min
Feu ! Chatterton. Sombre héros
Sylvain Fesson 03 juin 2021
« C’est marrant à quoi tient une trajectoire. À l’origine, je ne suis pas du tout musicien, je ne joue d’aucun instrument, je ne sais pas chanter et j’ai des kystes sur les cordes vocales. Je n’avais donc aucun outil pour enraciner ce rêve, si ce n’est écrire. » Mais un jour de rentrée des classes, en première, Arthur Teboul s’est retrouvé aux côtés de Sébastien qui connaissait Clément, et voilà qu’aujourd’hui, avec ses mots, sa voix, ainsi qu’Antoine et Raphaël, les Feu ! Chatterton sont les fers de lance d’un rock français aussi populaire que lettré. En témoigne la sortie de Palais d’argile (Universal Music/Virgin Records), leur troisième album.
(Philomag) |
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