[n° ou bulletin] est un bulletin de / Alexandre Lacroix (2011)Titre : | N°155 - Décembre 2021-Janvier 2022 - A quoi voit-on qu'on a vieilli ? | Type de document : | texte imprimé | Année de publication : | 2021 | Importance : | 98 p. | Présentation : | ill. en coul. | Format : | 29 cm | Langues : | Français (fre) | Catégories : | Philosophie
| Tags : | vieillissement trans identité sexuelle Jürgen Habermas Nietzsche | Index. décimale : | 17 Morale. Éthique. Philosophie pratique | Résumé : | Nous vivons en moyenne davantage d’années mais aussi plus longtemps en bonne santé que nos aînés. De nombreux retraités se sentent durablement en forme. Quant aux jeunes, ils ont souvent des préoccupations graves, comme le réchauffement climatique. L’opposition entre l’insouciance de la jeunesse et la sagesse venant avec l’âge n’a donc plus vraiment cours. Mais alors, à quoi sent-on qu’on a pris un coup de vieux ?
Pour le découvrir, rendez-vous chez votre marchand de journaux ! Et si vous voulez nous retrouver chaque mois et avoir accès à tous nos articles, vous pouvez opter pour l’une de nos trois formules d’abonnement.
(Philomag) | Note de contenu : | ÉDITO
Article 3 min
Un tombeau au cœur de l’été
Alexandre Lacroix 02 décembre 2021
J’ai emménagé seul l’été après le bac, juste avant mes 18 ans. C’était la première fois que je me trouvais en autonomie complète. En plein mois d’août, Paris était désert, et j’avais des démarches nouvelles à accomplir, qui me paraissaient exotiques, comme me rendre da..
VOS QUESTIONS
Article 3 min
“Où trouver la force ?”
Charles Pépin 02 décembre 2021
Question de Cerise Sauvage
“Où trouver la force ?”
REPÉRAGES
Article 2 min
Protection partagée
Octave Larmagnac-Matheron 02 décembre 2021
C’est une première mondiale : le gynécologue malaisien John Tang Ing Chinh a mis au point le premier préservatif unisexe, baptisé Wondaleaf Unisex Condom. Son principe ? L’une des faces est recouverte d’un adhésif et peut être tournée, au choix, vers l’intérieur (pour se fixer au..
Protection partagée
Article 1 min
“Fragilité”
Octave Larmagnac-Matheron 02 décembre 2021
“On voit distinctement, quand on jette l’œil par le hublot de la Station spatiale, la fragilité de la Terre” Thomas Pesquet, lors d’une conversation avec Emmanuel Macron le jeudi 4 novembre. “La fragilité d’un système est une autre manière de souligner ..
Article 1 min
“Nativisme”
Octave Larmagnac-Matheron 02 décembre 2021
Raciste, xénophobe, identitaire : comment qualifier la droite extrême contemporaine ? Aucun de ces termes n’est faux, mais il faut leur en adjoindre un autre pour comprendre comment ce discours qui oppose des Français « de souche » et d’autres « de papier » a conta..
“Nativisme”
Article 1 min
“420”
Octave Larmagnac-Matheron 02 décembre 2021
C’est le nombre de prisonniers politiques qui croupiraient dans les geôles russes, selon le dernier rapport du Memorial Human Rights Centre – contre 362 l’an dernier. Vladimir Poutine accentue la répression au point d’atteindre des chiffres comparables à l’époque soviétique. Dér..
Article 2 min
Plantatiocène : une nouvelle ère agricole
Octave Larmagnac-Matheron 02 décembre 2021
Valeur de la production agricole mondiale en 2019 + 73 % depuis 2000 3,5 trillions de dollars 9,4 milliards de tonnes + 44 % de production de viande depuis 2000 En 2020, en termes de nutrition 770 millions de personnes souffrent de la faim dans le monde + 18&nb..
PERSPECTIVES
Article 3 min
La Biélorussie et les migrants : une poudrière pour l’Europe ?
Nicolas Gastineau 02 décembre 2021
Depuis début novembre, des migrants sont pris en étau à la frontière entre la Pologne et la Biélorussie. Instrumentalisés par le pouvoir biélorusse, ils sont au cœur d’un conflit géopolitique.
La Biélorussie et les migrants : une poudrière pour l’Europe ?
Article 3 min
Valeur travail ou travail valorisant ?
Cédric Enjalbert 02 décembre 2021
La « valeur travail » s’est imposée dans l’espace public et les débats politiques comme un nouvel enjeu idéologique. Auquel s’opposerait le « travail bien fait » ? Analyse avec le psychanalyste de la souffrance au travail Christophe Dejours.
Valeur travail ou travail valorisant ?
Article 3 min
Vincent Mignerot : “Le nucléaire n’a jamais remplacé le pétrole, il s’y ajoute”
Alexandre Lacroix 02 décembre 2021
À l’heure où Rolls-Royce se prépare à construire des mini-centrales moins coûteuses et où le président Emmanuel Macron annonce l’arrivée de nouveaux réacteurs en France, le chercheur Vincent Mignerot explique pourquoi le nucléaire n’est pas une solution au réchauffement climatique.
Vincent Mignerot : “Le nucléaire n’a jamais remplacé le pétrole, il s’y ajoute”
Article 2 min
Bactéries, l’avenir du médicament ?
Octave Larmagnac-Matheron 02 décembre 2021
Soigner avec des bactéries ? L’idée est un peu folle mais est en train d’être expérimentée par une équipe de chercheurs. C’est en tout cas une révolution dans la façon d’appréhender la santé et la guérison.
Bactéries, l’avenir du médicament ?
AU FIL D’UNE IDÉE
Article 3 min
Philanthrope ma non troppo
Sven Ortoli 02 décembre 2021
Il existe 260 000 fondations philanthropiques à travers le monde. Les 3/4 d’entre elles ont été créées lors des 25 dernières années dans 38 pays. Philanthropiquement parlant, les États-Unis sont la nation la plus généreuse du monde : en 2019, 450 m..
Philanthrope ma non troppo
ETHNOMYTHOLOGIES
Article 3 min
Bleu de travail. Identités de classe
Tobie Nathan 02 décembre 2021
Ce vêtement ouvrier est désormais le summum du chic, arboré par les fashionistas comme par les bobos. Quand l’habit fait le social-traître, est-ce notre appartenance à un groupe social qui se prend une veste ?
Bleu de travail. Identités de classe
DÉBAT
Dialogue 14 min
Camille Froidevaux-Metterie/Claude Habib : trans clash
Cédric Enjalbert 02 décembre 2021
Le sujet divise et les avis sont tranchés, au-delà même des personnes concernées, notamment parmi les féministes : l’expérience des personnes trans invite à réfléchir au genre, à l’identité personnelle et à la différence entre les sexes. Camille Froidevaux-Metterie et Claude Habib, deux philosophes en tous points opposées, en débattent frontalement.
Clash sur la question trans : un débat entre Camille Froidevaux-Metterie et Claude Habib
LE MÉTIER DE VIVRE
Article 8 min
Dmitry Glukhovsky. L’incarné du sous-sol
02 décembre 2021
Auteur notamment des romans Métro 2033, dystopie à succès déclinée en jeu vidéo, et Texto, qui vient d’être adapté au cinéma, cet écrivain est immensément populaire, notamment auprès de la jeunesse russe. Mais depuis qu’il a apporté son soutien à l’opposant emprisonné Alexeï Navalny, il est dans le viseur du Kremlin. Rencontre.
Dmitry Glukhovsky. L’incarné du sous-sol
MOTIFS CACHÉS
Article 3 min
Le pouvoir du dedans
Isabelle Sorente 02 décembre 2021
Pour faire face à la crise climatique, les nobles déclarations ne suffisent pas. Pas plus que les actions coup de poing. Changer « l’ordre du monde » exige avant tout une transformation intérieure, spirituelle.
Le pouvoir du dedans
DOSSIER
5 articles
À quoi voit-on qu’on a vieilli ?
Publié le 01 décembre 2021
Nous vivons en moyenne davantage d’années mais aussi plus longtemps en bonne santé que nos aînés. De nombreux retraités se sentent durablement en forme. Quant aux jeunes, ils ont souvent des préoccupations graves, comme le réchauffement climatique. L’opposition entre l’insouciance de la jeunesse et la sagesse venant avec l’âge n’a donc plus vraiment cours. Mais alors, à quoi sent-on qu’on a pris un coup de vieux ? Pour le découvrir, rendez-vous chez votre marchand de journaux ! Et si vous voulez nous retrouver chaque mois et avoir accès à tous nos articles, vous pouvez opter pour l’une de nos trois formules d’abonnement. > Nous avons posé la question à quatre auteurs, jeunes et moins jeunes : Pascal Bruckner, Chloé Delaume, Simon Johannin et Susan Neiman. Ils parlent de rides, de cernes, de sortie du marché de la séduction mais aussi d’une disposition morale qui évolue, et nous disent qu’avec l’âge, le présent acquiert une saveur particulière. > Le philosophe Nicolas Tenaillon identifie quatre signes non physiques de l’âge : le fait de surestimer ses forces, de devenir fataliste, de penser plus souvent à la mort ou de se sentir déphasé. Une brillante méditation en compagnie des classiques ! > De la sobriété à la folle dépense, les philosophes de la tradition ont imaginé bien des stratégies différentes face au vieillissement, sur lesquelles nous offrons une vue panoramique. > La situation des jeunes générations est étrange : après avoir subi le confinement et suivi des enseignements à distance, ils se retrouvent, un an et demi plus tard, à la fois plus vieux et sans nouvelles expériences. Nous avons enquêté sur cette sortie de l’hibernation, en bénéficiant de l’éclairage de la philosophe Marilyn Maeso. > Il y a deux moments de l’existence où nous vivons la « résurgence du natal », où la question de notre être au monde se pose à nouveaux frais : l’adolescence et la « vieillonge », explique dans un entretien étonnant l’écrivain Pascal Quignard, qui poursuit depuis vingt ans une œuvre fleuve hantée par la naissance et la mort, Dernier Royaume.
À quoi voit-on qu’on a vieilli ?
Article 9 min
Le jour où j’ai pris un coup de vieux
Alexandre Lacroix 01 décembre 2021
Quatre écrivains, romanciers et philosophes, racontent le moment où leur jeunesse s’en est allée avec humour, sarcasme mais aussi sérénité… Le bénéfice de l’âge ?
Le jour où j’ai pris un coup de vieux
Article 10 min
Des signes qui ne trompent pas
Nicolas Tenaillon 01 décembre 2021
On se croit souvent plus jeune qu’on est, mais certaines manières d’être et de penser nous trahissent. Plus subtils que l’âge, ces indices ont été repérés par les philosophes classiques et nous aident à identifier l’effet du temps.
Des signes qui ne trompent pas
Article 5 min
Les stratégies philosophiques pour faire face au vieillissement
Alexandre Lacroix 01 décembre 2021
Certains cherchent la tranquillité du corps et de l’esprit, dans laquelle ils voient une sorte d’éternité accessible sur Terre, tandis que d’autres font le pari que la dépense d’énergie amène l’être humain à traverser l’épreuve du temps. Saurez-vous trouver votre voie ?
Les stratégies philosophiques pour faire face au vieillissement
Article 10 min
Une jeunesse volée ?
Catherine Portevin 01 décembre 2021
Cours annulés puis à distance, soirées chez soi ou au bar du coin disparues… Pendant la pandémie, les jeunes se sont retrouvés privés du goût des autres et du monde, alors qu’ils sont à l’âge de toutes les découvertes. Ont-ils vieilli à ne pas vivre ? Leur faut-il désormais se lancer éperdument à la recherche du temps perdu ? Enquête.
Une jeunesse volée ?
Entretien 15 min
Pascal Quignard : “Profiter de tous les instants du jour est très suffisant”
Cédric Enjalbert 01 décembre 2021
De la course du temps, de ce qui est perdu et de la corruption des êtres, Pascal Quignard a fait le matériau poétique d’une œuvre monumentale, toute dédiée à l’exploration de nos origines. Alors que sort en janvier son nouveau roman – L’Amour la mer (Gallimard) –, l’auteur a accepté de nous recevoir pour parler de l’expérience de la vieillesse.
Pascal Quignard : “Profiter de tous les instants du jour est très suffisant”
LE GRAND ENTRETIEN
Entretien 16 min
Jürgen Habermas : “La philosophie cesserait d’être elle-même si elle perdait des yeux ‘le tout’”
Lisa Friedrich 02 décembre 2021
C’est l’un des philosophes vivants les plus écoutés mais aussi l’un des plus difficiles à lire : à 92 ans, Jürgen Habermas s’est entretenu avec notre rédaction allemande de façon exceptionnellement accessible. Alors que vient de paraître le premier tome de son Histoire de la philosophie, il retrace le parcours d’une vie dédiée à un idéal démocratique et témoigne d’un projet philosophique aussi déterminé qu’ambitieux : sauver l’usage public de la raison.
Jürgen Habermas : “La philosophie cesserait d’être elle-même si elle perdait des yeux ‘le tout’”
L’AVENTURE D’UN CLASSIQUE
5 articles
“Ainsi parlait Zarathoustra”. L'évangile selon Nietzsche
Publié le 02 décembre 2021
C’est l’un des ouvrages les plus singuliers de Friedrich Nietzsche. Écrit comme un long poème en prose, empruntant à la démesure des opéras de Wagner, cet évangile sans religion déstabilise son lecteur, l’exhortant à se dépasser, à ne pas avoir peur, c’est-à-dire à vivre, tout simplement.
“Ainsi parlait Zarathoustra”. L'évangile selon Nietzsche
Article 11 min
“Ainsi parlait Zarathoustra”. Le livre de toutes les audaces
Victorine de Oliveira 02 décembre 2021
C’est l’un des ouvrages les plus singuliers de Friedrich Nietzsche. Écrit comme un long poème en prose, empruntant à la démesure des opéras de Wagner, cet évangile sans religion déstabilise son lecteur, l’exhortant à se dépasser, à ne pas avoir peur, c’est-à-dire à vivre, tout simplement.
“Ainsi parlait Zarathoustra”. L'évangile selon Nietzsche
Article 2 min
Zarathoustra et compagnie
Victorine de Oliveira 02 décembre 2021
Tout au long de son parcours initiatique, Zarathoustra croise une galerie d’animaux et de personnages. Ces figures, tantôt des métaphores, tantôt des faire-valoir, déroutent tout autant qu’elles fascinent.
Article 2 min
Un poète intranquille
02 décembre 2021
En parallèle de ses essais, Nietzsche compose de la musique et écrit des poèmes, souvent marqués par le romantisme, avec une métrique libre, une nature au diapason de l’humeur souvent tourmentée du poète et des images parfois énigmatiques. Avec l’enfant, la montagne et l’heure de midi, on retrouve ici des échos d’Ainsi parlait Zarathoustra.
Article 5 min
“Ainsi parlait Zarathoustra”. La morale, par-delà bien et mal
Victorine de Oliveira 02 décembre 2021
Avec Ainsi parlait Zarathoustra, Nietzsche tente de mettre à bas l’universalité de la morale. Une lecture décapante que présente le spécialiste et traducteur du philosophe, Guillaume Métayer.
“Ainsi parlait Zarathoustra”. Les extraits
Article 21 min
“Ainsi parlait Zarathoustra”. Les extraits
02 décembre 2021
Nous reproduisons des extraits d’Ainsi parlait Zarathoustra de Friedrich Nietzsche traduits par Henri Albert.
“Ainsi parlait Zarathoustra”. Les extraits
BOÎTE À OUTILS
Article 2 min
Pourquoi s’offre-t-on des cadeaux ?
Antony Chanthanakone 02 décembre 2021
Que vous apportera le Père Noël cette année? Avec un peu d’avance, déballez vos paquets avec ces quatre philosophes, et voyez quelles sont leurs surprises.
Pourquoi s’offre-t-on des cadeaux ?
Article 1 min
Uitwaaien
Octave Larmagnac-Matheron 02 décembre 2021
Langue d’origine : néerlandais
Article 2 min
Imagination
Arthur Hannoun 02 décembre 2021
Ces cinq penseurs n’en manquent pas !
LIVRES/SÉLECTION DE FÊTES
Livre
Catherine Meurisse
La Jeune Femme et la Mer
Publié le 01 décembre 2021
Au début du XXe siècle, les Japonais ont développé un genre littéraire à part : le Watakushi shō-setsu, soit, littéralement, le « roman du je ». Contrairement à l’autofiction à l’occidentale, ce genre ne relève ni du rituel de la confession des secrets, ni d’une démarche psychanalytique. Les règles du Watakushi shōsetsu sont assez singulières : l’auteur doit se présenter dans un milieu naturel, mêler la description des paysages qui l’entourent et celle de sa vie intérieure, et, surtout, il lui faut donner l’impression au lecteur de ne suivre aucun plan prémédité, de laisser surgir ses impressions de manière fluide et spontanée. La Jeune Femme et la Mer de notre collaboratrice Catherine Meurisse peut se lire comme un Watakushi shōsetsu en bande dessinée. Elle s’y décrit arrivant au Japon pour une résidence d’artiste à la Villa Kujoyama (l’équivalent de la Villa Médicis, à Kyōto). Amoureuse de la nature ayant grandi dans la campagne poitevine comme elle l’a raconté dans Les Grands Espaces (2018), elle est venue au Japon non pas pour les mégapoles mais pour parcourir les champs, les forêts, les rivages. Dans le récit va s’inviter de manière semi-fantastique le héros d’un grand classique de la littérature japonaise, Oreiller d’herbes (1906) de Natsume Sōseki. Dans ce roman, qui est aussi un traité d’esthétique assez antimoderne, ou en tout cas attaché à raviver la culture ancienne du Japon, Sōseki met en scène un peintre qui ne va pas donner un seul coup de pinceau, ni produire la moindre esquisse, parce qu’il recherche « l’état qui permet de peindre un tableau ». Cet état, il ne peut le trouver que par la méditation, en s’ouvrant au monde, en devenant lui-même le vent et l’arbre qui ploie dans le vent. Avant de peindre, il cherche donc l’extase, c’est-à-dire une dissolution du point de vue subjectif, qui seule amène au seuil de l’essence des choses, dont la tradition bouddhiste enseigne qu’elles sont à la fois impersonnelles et impermanentes. Mais comment approcher l’« évanescence des choses » ? Au fil de la bande dessinée s’instaure une sorte de rivalité mais aussi de dialogue entre le héros de Sōseki, qui parle de peinture sans peindre, et Catherine Meurisse, qui se représente sans cesse un pinceau à la main. Il y a des gags, mais la légèreté et la décontraction du propos ne sont qu’apparentes – en fait, cet album peut se lire comme une excellente introduction à l’esthétique japonaise du paysage, jamais pesante mais scrupuleusement référencée.
La Jeune Femme et la Mer
Livre
Roger-Pol Droit
Un voyage dans les philosophies du monde
Publié le 01 décembre 2021
D’emblée, Roger-Pol Droit brise le tabou : non seulement on pense ailleurs que depuis le berceau grec de la philosophie, mais il y a de la raison et de la réflexivité dans ces systèmes de pensée extra-européens que l’on préfère souvent appeler visions du monde, sagesses ou spiritualités. Son voyage sera donc bien philosophique, appuyé sur les concepts comme autant de chemins variés par lesquels les humains se situent dans le cosmos. Cette philosophie « ouverte » dépasse largement les frontières de la discipline. Le périple commence par l’infini en Inde, se poursuit en Chine par le non-agir – si différent de la passivité –, médite ensuite avec la pensée juive l’histoire comme processus inachevé – toujours à bâtir – et finit par l’idée d’unité de la vérité au cœur du monde arabo-musulman. Cependant, le voyage ne parvient pas jusqu’aux continents africain et américain : non pas que la philosophie y soit absente, mais le manque de traces écrites empêche la reconstitution de ces philosophies orales. Véritable guide pédagogique invalidant le mythe d’une philosophie « pure », l’ouvrage s’avère d’autant plus précieux à un moment où des auteurs comme le taoïste Tchouang-tseu ou Averroès, le penseur de l’islam des Lumières, figurent désormais au programme du baccalauréat.
Un voyage dans les philosophies du monde
Livre
François Cheng
Vide et Plein. Le langage pictural chinois
Publié le 01 décembre 2021
Cet immense livre est un souffle porté par un trait de pinceau qui révèle le mystère de la Création. François Cheng a 50 ans lorsqu’il écrit son premier livre en français sur la peinture chinoise. Il n’est pas encore le poète académicien qu’il va devenir, mais toute son inspiration est déjà là. Paru en 1979 et dédié à Jacques Lacan, l’ouvrage, plusieurs fois republié en poche depuis, trouve ici la forme pleine et illustrée qu’à 92 ans, se trouvant lui-même « au bord du Grand Vide », le poète philosophe a soigneusement revue. Vide et Plein est pour lui le livre primordial où figure « l’essentiel de ce qu’[il] avai[t] à dire ». Il est aussi primordial pour nous, lecteurs, en restant ce qu’on a écrit de plus complet et profond sur cette « philosophie en action » qu’est le langage pictural chinois. Celui-ci est hanté par l’idée du Vide, un Rien dont tout provient et qui est animé par les souffles vitaux : le Yin, le Yang et le « Vide médian » qui transcende leur opposition. Cet « entre » est la respiration du vivant. Pour dessiner un tronc d’arbre par exemple, l’Occidental tracera une verticale de haut en bas, car « il capte une existence déjà donnée », tandis que le Chinois pose le trait de bas en haut pour « appréhender l’arbre dans sa vitalité interne », continuant à pousser depuis ses racines. Par les noms du trait de pinceau – « tête de rat », « queue de serpent », « à la petite hache » … –, par les pôles de la nature – Obscur-Clair, Montagne-Eau, Homme-Ciel… –, François Cheng nous ouvre l’Univers.
Vide et Plein. Le langage pictural chinois
Livre
Camille de Toledo (dir.)
Le Fleuve qui voulait écrire. Les auditions du parlement de Loire
Publié le 01 décembre 2021
De quels moyens disposons-nous pour agir face à la crise écologique ? Nous pouvons certes espérer une prise de conscience de la part des citoyens, nous en remettre aux chefs d’État ou compter sur la bonne volonté du marché. Mais ce livre explore une autre piste : le droit – en l’occurrence, la reconnaissance du statut juridique d’entités naturelles comme, par exemple, la Loire. Et pourquoi pas, puisqu’on en a bien accordé un aux entreprises, en leur permettant ainsi de mieux faire valoir leurs intérêts ? L’idée peut sembler révolutionnaire, mais elle n’est pas inédite à l’échelle du monde. En effet, depuis une dizaine d’années, plusieurs pays considèrent déjà des milieux naturels comme d’authentiques sujets de droit. Ce qui l’est davantage, c’est la voie empruntée pour parvenir à définir les contours de cette nouvelle organisation du droit et de notre vie en commun : réunir une assemblée constituante, un « parlement » rassemblant des philosophes comme Bruno Latour mais aussi des universitaires comme Frédérique Aït-Touati, des juristes, des géographes, etc. Ce sont leurs échanges, mis en récit par Camille de Toledo, qu’on trouvera retranscrits dans ce riche cahier de terrain qui transcende les disciplines comme les idées reçues.
Le Fleuve qui voulait écrire. Les auditions du parlement de Loire
Livre
J.R.R. Tolkien (illus. Ted Naismith, édition de Christopher Tolkien)
Le Silmarillion
Publié le 01 décembre 2021
Le succès du Seigneur des anneaux tient en grande partie, disait Tolkien, l’auteur de la saga, au sentiment que l’intrigue est soutenue par un monde beaucoup plus vaste que le nôtre : il est doté de sa propre cosmologie et de sa géographie imaginaire, héritier d’une histoire fictive de plusieurs siècles qui se racontent dans une pluralité de langues inventées – Tolkien était philologue de profession. Le Silmarillion, qui paraît dans une nouvelle traduction, permet de mesurer l’ampleur de cet arrière-plan mythique, retravaillé des décennies durant. Tout commence par la Musique : Eru, le dieu unique, convie les esprits angéliques à chanter. Le monde apparaît ensuite comme une Vision, à laquelle le Créateur conférera l’être (Tolkien est un catholique fervent, si l’on en doutait). Mais Morgoth se rebelle. Jaloux du pouvoir démiurgique qu’il ne possède pas, l’ange noir veut « être le Seigneur et Dieu de sa création personnelle ». Son indocilité se mue en un désir illimité de posséder le pouvoir pour refaçonner la réalité à sa guise. Tout Le Simarillion raconte la lutte contre ce « désir de la pure Domination », de la « déformation tyrannique ». Lutte désespérée s’il en est : d’une bataille à l’autre, le sang coule, les corps s’amoncellent, la dévastation se propage, entrecoupée seulement de rares moments de joie. Le mal est trop fort. C’est la tragédie des Elfes – « immortels tant que dure le monde » et condamnés par la réincarnation à « ne jamais l’abandonner même quand ils sont massacrés » – que d’endurer jusqu’au bout cette lente défaite. Viendront ensuite les « Successeurs », les Hommes, terrifiés par ce « Don » même que les Elfes leur envient : la mortalité, qui les « affranchit des cercles du monde ». Au-delà du récit, magnifique, la puissance du Silmarillion tient pour beaucoup à ce dialogue souterrain de la mortalité et de l’immortalité.
Le Silmarillion
Livre
Fredric Jameson
Archéologies du futur
Publié le 01 décembre 2021
À quoi servent les utopies ? Marx les accusait d’égarer l’énergie révolutionnaire. Pour les réformistes, elles détournent du cours inéluctable du progrès. Selon le critique littéraire et spécialiste du marxisme Fredric Jameson, leur rôle est d’une autre nature. Dans cette réédition des Archéologies du futur, son grand livre paru en 2005 – ici publié en compagnie de Penser avec la science-fiction dans une traduction révisée –, les utopies sont mises en résonance les unes avec les autres, depuis Thomas More au XVIe siècle jusqu’aux auteurs de science-fiction du XXe siècle. Chacune porte en elle une préoccupation essentielle, un centre de gravité : pour Charles Fourier, c’est le désir, pour Saint-Simon l’administration, pour Edward Bellamy la méritocratie, pour William Morris la fin du travail aliéné… Chaque utopie tente de répondre à une souffrance majeure, béante, spécifique à son époque. Contrairement à la foi dans le progrès, elle ne vise pas à une amélioration progressive mais à une solution radicale. Que reste-t-il des utopies dans les années 2000 demande Fredric Jameson ? Sont-elles encore pensables et désirables ? D’après lui, l’idée de totalité sociale a disparu et avec elle le projet utopiste. Est-ce une perte irrémédiable ? Non, répond-il, car ce qui compte, ce n’est pas tant que l’utopie soit réalisable mais qu’elle soit capable d’irradier la réalité. Elle agit comme une force d’attraction, un horizon plutôt qu’un levier. Dès lors, sa dimension imaginaire devient décisive. Là réside le sens de l’autre partie du volume, Penser avec la science-fiction. Désormais, la force de l’utopie n’est plus dans un système global mais, au contraire, dans une pluralité d’enclaves où s’abolissent les frustrations et où le rationnel et l’onirique se mêlent. Ces archipels prospèrent du côté de la science-fiction technologique mais aussi au sein de la « fantasy » et de ses chimères. Comme le pensait déjà Ernst Bloch, l’utopie s’incarne dans les détails du quotidien, dans des émotions à peine formulées, des rêveries tenaces. Elle est avant tout du domaine de l’attente. Philippe Garnier
Archéologies du futur
Livre
Claude Ponti
Blaise, Isée et le Tue-Planète
Publié le 01 décembre 2021
Il n’est certainement pas évident de parler de réchauffement climatique ou d’écologie aux enfants sans les endoctriner. Mais notre collaborateur Claude Ponti, lui, n’a pas son pareil pour déplacer les enjeux réels sur le terrain de l’imaginaire. Dans un précédent album, Bih-Bih et le Bouffron-Gouffron (2009), il avait mis en scène un monstre goulu, le Bouffron-Gouffron, en train de dévorer jusqu’à la dernière miette du monde. Cette fois-ci, « un Tue-Planète détruit les planètes une par une, chacune de façon différente. Végule III est étouffée par une forêt mortelle, K. H. 27 n’est plus qu’un océan où il pleut tout le temps, Carmine IV est une boule de banquise, Blogole est en ruine… » Le tour est joué, Ponti est un faux farfelu qui vient de suggérer que les planètes aussi sont mortelles. Mais le plus intéressant, chez cet auteur « jeunesse », est la fragilité des monstres. Pour venir à bout d’un monstre, il faut découvrir son point faible. C’est ainsi qu’Hippolène vainc l’affreux Ortic d’une seule réplique : « Je n’ai pas peur de moi ! » (L’Arbre sans fin, 1992). Que le Kontroleur de Kata-stroffe explose après avoir reçu un jet d’utikipip à l’envers – de « pipi-qui-tue », donc (Blaise et le Kontroleur de Katastroffe, 2014). Qu’Isée aplatit l’Ekrazatouteur en se transformant en dessin, ce qu’elle est réellement (L’Avie d’Isée, 2013). Cette fois-ci, pour anéantir le Tue-Planète, il faut que ce dernier soit entier, donc il convient de commencer par le réparer avant de le détruire… Logique, ou plutôt écologique, non ?
Blaise, Isée et le Tue-Planète
Livre
Mohamed Mbougar Sarr
La Plus Secrète Mémoire des hommes
Publié le 01 décembre 2021
« Je vais te donner un conseil : n’essaie jamais de dire de quoi parle un grand livre. Ou, si tu le fais, voici la seule réponse possible : rien. Un grand livre ne parle jamais que de rien, et pourtant, tout y est. » Désavouons d’emblée l’un des personnages secondaires de La Plus Secrète Mémoire des hommes, et tentons de dire quelques mots de ce qui est incontestablement l’un des grands livres de la rentrée littéraire 2021. Les jurys des grands prix ne s’y sont pas trompés, qui l’ont sélectionné sur quasiment toutes leurs listes (avant qu’il obtienne le plus prestigieux, le prix Goncourt) – ce qui n’est pas toujours un gage de qualité mais tout de même, cela dit quelque chose. Alors de quoi retourne-t-il, ce quatrième roman de Mohamed Mbougar Sarr, écrivain sénégalais d’à peine 30 ans, arrivé en France à 18, et dont le nom, depuis la fin de l’été, passe de lèvre en lèvre comme un secret de polichinelle ? Le sujet : Diégane Latyr Faye, jeune écrivain sénégalais – que l’on peut légitimement imaginer être un double littéraire de l’auteur – découvre un roman mythique et maudit paru en 1938, et signé d’un certain T. C. Elimane. Mythique parce qu’il fit scandale en son temps, maudit parce qu’il est depuis introuvable, et que son auteur a disparu sans laisser de traces. Diégane Latyr Faye se lance alors à la recherche du mystérieux « Rimbaud nègre », lointainement inspiré du Malien Yambo Ouologuem, dont Le Devoir de violence fut encensé par la critique et couronné du prix Renaudot en 1968 avant que l’auteur soit accusé de plagiat. Mille choses sont au cœur de La Plus Secrète Mémoire des hommes, roman ambitieux, érudit, tourbillonnant, qui pose mille questions dont celles-ci : peut-on réellement juger un roman sans prêter attention à l’état civil de son auteur ? Mais aussi : est-ce qu’un écrivain africain ne reste pas un étranger aux yeux des Français, quelle que soit la valeur de son œuvre ? Et encore : pourquoi les écrivains sont parmi les plus médiocres amants ? Et puis : est-ce que la littérature est un moyen de sauver le monde ou le seul moyen de ne pas s’en sauver ? Et tant d’autres auxquelles Sarr esquisse des réponses dans une langue inventive et lyrique qu’on laisse à regret au bout de 450 pages, le souffle coupé, en songeant que s’il ne faudrait jamais dire de quoi parle un grand livre, il faut tout de même en saluer la parution.
La Plus Secrète Mémoire des hommes
Livre
François Angelier
Georges Bernanos. La colère et la grâce
Publié le 01 décembre 2021
Contempteur de la « bien-pensance », franc-tireur hostile au conformisme, penseur libre affranchi des idéologies, Georges Bernanos est sans conteste dans l’air du temps. La biographie brillante que lui consacre François Angelier est l’occasion de parcourir à nouveau la vie mouvementée – romanesque même – d’un homme qui, de la France de l’entre-deux-guerres à son exil au Brésil, a tracé son chemin en solitaire, fidèle seulement à « l’étoile qu’il fixe », « l’honneur du Christ », dans un monde en plein bouleversement dont il n’a de cesse de dénoncer les travers. Au risque d’attiser des inimitiés, dont il fait peu de cas. « Bernanos vit droit avec des lignes courbes », écrit son biographe : il garde le cap de ses convictions, mais sa réflexion ne se fige jamais. Un homme difficile à suivre, du moins aux yeux de ses contemporains. Proche des antisémites de l’Action française, il écrit en 1939 : « J’aimerais mieux être fouetté par le rabbin d’Alger que faire souffrir une femme ou un enfant juif. » Royaliste, il dénonce les milieux traditionalistes et réactionnaires : « Qui dit conservateur dit surtout conservateur de soi-même. » Bernanos cultive avec un certain héroïsme ce « génie de la con-tradiction ». C’est sans doute pourquoi il ne s’enferme dans aucune chapelle humaine.
Georges Bernanos. La colère et la grâce
Livre
Jan Patočka (préface de Renaud Barbaras)
Carnets philosophiques (1945-1950)
Publié le 01 décembre 2021
« Le remplissement, l’accomplissement de la vie est […] ce à quoi nous aspirons de par notre vie. » Mais à quoi tient donc cet accomplissement ? C’est l’une des nombreuses questions abordées par Patočka au fil de ses Carnets. Elle possède un double mérite : parler à tout le monde, tout en donnant un aperçu des aspects les plus novateurs de la pensée du philosophe tchèque, disciple de Husserl et opposant actif au régime communiste, qui mourut en 1977 des suites d’un interrogatoire policier. La « vie normale », note-t-il, s’appréhende dans une alternance « purement contingente » de satisfaction et de perte, de plaisirs et de peines que nous éprouvons au contact des choses. Au contraire, il faut penser le remplissement « dans le rapport au monde » lui-même, « en dehors du rapport aux choses du monde qui vont et viennent et font l’objet de simples rencontres ». Ce dépouillement ne débouche pas sur l’angoisse d’un néant. Nous y entrevoyons « la vie même, éternelle, dans sa splendeur et son jaillissement », et qui sous-tend le mouvement de manifestation de toute chose, de la pierre à l’homme. L’accomplissement de soi suppose donc une sortie de soi au-delà de la vie individuelle « enfermée en elle-même », une ouverture à la « puissance » de la nature. « La nature n’est aucune créature, mais plutôt le moi universel, oublieux de soi et cherchant à se ressouvenir. » C’est comme pour s’éprouver elle-même que la nature se déploie comme multiplicité d’individus : « L’individu n’est certes qu’une vague à la surface de la vie, mais la vie ne peut se mouvoir autrement que dans de telles vagues. » Patočka rejette par conséquent les entreprises de négation de l’individualité. La « désunion de la vie » est nécessaire. Nous sommes séparés de la vie du monde qui nous porte, et c’est cette séparation qui nous permet de nous y rapporter sans jamais l’accaparer. Notre soif du monde se creuse en même temps qu’elle se comble.
Carnets philosophiques (1945-1950)
Livre
Élisabeth de Fontenay
L’Identité humaine
Publié le 01 décembre 2021
Il pourrait y avoir une discrète provocation de la part d’Élisabeth de Fontenay, connue pour son engagement philosophique dans la cause animale (avec son livre majeur Le Silence des bêtes, 1998) à intituler ce volume qui récapitule son œuvre « L’Identité humaine ». Mais c’est bien dans la manière de la philosophe de laisser coexister les contradictions. Son éclectisme revendiqué, qui la mène de Lucrèce au « matérialisme enchanté » de Diderot, de la lutte des classes à la déconstruction avec Derrida et Lyotard, est tout sauf réconcilié. Cet ensemble de textes soigneusement choisis permet d’entrer dans une pensée et d’entendre une voix, nette, vivante, ne renonçant ni à la bataille d’idées (comme dans ses échanges avec Alain Finkielkraut ou Stéphane Bou), ni à la sensibilité, empathique et têtue. Fille d’un grand résistant en rupture avec sa famille catholique fidèle à l’Action française et d’une mère juive qui ne parla jamais de l’extermination des siens à Auschwitz, Élisabeth de Fontenay pense au bord du gouffre, dans « la stupeur » de la Shoah. Et si, écrit-elle dans sa préface, tout « en pourchassant le propre de l’homme », elle creuse l’énigme de l’humanité, c’est pour y rapatrier obstinément certains êtres qui en sont comme les « secrets » : son frère autiste auquel son livre Gaspard de la nuit, paru en 2018 et republié ici, rend existence, et son cousin assassiné à l’âge de 7 ans dans une chambre à gaz.
L’Identité humaine
Livre
Raphaël Meltz et Louise Moaty (textes), Simon Roussin (dessin)
Des vivants
Publié le 01 décembre 2021
« Il dépend de celui qui passe / Que je sois tombe ou trésor / Que je parle ou me taise. » Ces vers de Paul Valéry ornent le fronton du musée de l’Homme. L’institution créée en 1937 est le principal décor de cette bande dessinée. C’est au sein de ce « musée pour l’homme » – selon les mots de son fondateur, l’ethnologue Paul Rivet, pour qui « le génie d’invention n’est pas le privilège des Blancs » – que naît l’un des premiers réseaux de la Résistance face à l’occupant allemand. Pour retracer son histoire, Raphaël Meltz et Louise Moaty se sont appuyés sur une documentation rigoureuse. Une richesse magnifiée par la narration dynamique et le graphisme tout en ellipses de Simon Roussin, qui témoigne de l’action de ce groupe issu d’horizons très variés et dirigé par l’ethnologue Boris Vildé. S’il mène des actions « classiques », c’est avant tout à une lutte culturelle qu’il se consacre : il s’agit, comme l’affirme Jean Cassou qui lance le bulletin Résistance, de « réveiller la conscience du public français ». Un combat pour lequel, prévient Vildé, ces femmes et ces hommes n’auront « rien à gagner, mais beaucoup à perdre ». Sept d’entre eux seront fusillés au mont Valérien le 23 février 1942. Leur « histoire est finie », annonce Germaine Tillion en ouverture de ce récit, pourtant, grâce à ce livre, sa portée résonne encore.
Des vivants
Livre
David Graeber et David Wengrow
Au commencement était… Une nouvelle histoire de l’humanité
Publié le 01 décembre 2021
« Mon cerveau est comme endolori de stupéfaction engourdie », tweete un soir d’août 2020, quelques semaines avant sa mort soudaine, l’anthropologue américain David Graeber (1961-2020). On imagine aisément Graeber confus, puisqu’il vient alors d’achever un ouvrage colossal (630 pages et 70 de bibliographie !), sur lequel il travaillait depuis dix ans avec l’archéologue David Wengrow. Un menhir de plus à l’édifice contemporain de la Big History, soit le méta-récit des origines de l’humanité, qui a fait le succès de Yuval Noah Harari (Sapiens) ou de Jared Diamond (De l’inégalité parmi les sociétés). Graeber et Wengrow tentent de tracer un chemin qui rende compte des tribulations socio-politiques d’Homo sapiens depuis l’apparition de l’espèce jusqu’à la Modernité. Mais ce chemin n’est pas une ligne droite, qui mène sans détour des chasseurs-cueilleurs à l’État moderne, plutôt une étoile à multiples bras, un « carnaval de formes politiques » et « d’expérimentations sociales audacieuses ». Reste une question, essentielle pour un anarchiste comme Graeber : la victoire de l’État sur d’autres types d’organisation était-elle inéluctable après l’invention de l’agriculture – thèse dominante de la Big History ? De fait, l’État a gagné, admettent les auteurs. Mais cela ne signifie peut-être pas qu’il devait gagner, que sa victoire était inscrite dans une quelconque téléologie. Alors point de déterminisme – c’est du moins ce à quoi le livre tient. Ni celui de l’économie, avec la rareté ou l’abondance des ressources qui engendreraient mécaniquement un gouvernement autoritaire ou libertaire. Ni celui de la technique, qui veut réduire l’humanité à son outil, de bronze puis de fer. Graeber et Wengrow racontent toutes les fois, à Taosi ou à Teotihuacan, en Amazonie ou en Turquie, où des Sapiens ont œuvré à contre-courant. Dans leur récit, les anciens humains ne sont pas des objets passifs et ballottés par les circonstances mais des acteurs politiques conscients. L’histoire du monde n’est pas le rail d’un train mais une grande agora où se négocient, depuis la nuit des temps, les diverses formes du gouvernement.
Au commencement était… Une nouvelle histoire de l’humanité
Livre
Irene Vallejo
L’Infini dans un roseau. L’invention des livres dans l’Antiquité
Publié le 01 décembre 2021
C’est un livre sur les livres, sur leur histoire et, indissociablement, sur l’amour qu’ils inspirent. Et dans le cas d’Irene Vallejo, c’est même une véritable passion. Et sa passion est communicative, car elle parvient à entraîner ses lecteurs dans la formidable épopée de l’invention de ce qu’on appelle aujourd’hui « livre », qui a connu bien des supports durant les siècles, des papyrus de l’Antiquité jusqu’à nos liseuses contemporaines, en passant par les tablettes d’argile et les parchemins. Très érudit mais sans jamais en avoir l’air, indistinctement travail universitaire par son contenu et récit de fiction par sa forme, l’ouvrage de la jeune autrice espagnole se lit comme un roman d’aventures. Mêlant dialogues entre les personnages historiques et précisions techniques sur les procédés de fabrication, descriptions et interprétations psychologiques, voire digressions plus personnelles, le style enlevé d’Irene Vallejo ne s’interdit rien. Et quelle réussite ! Best-seller surprise en Espagne, qualifié de « chef-d’œuvre » par Mario Vargas Llosa, traduit dans de nombreux pays où il rencontre un succès tant public que critique, il fait voyager de la bibliothèque d’Alexandrie aux manuscrits enluminés d’Oxford avec le même émerveillement pour le génie humain grâce auquel « le livre a surmonté l’épreuve du temps ». Capable de survivre à toutes les modes et de s’adapter à toutes les technologies, le livre a suffisamment d’arguments pour démentir toutes les cassandres qui annoncent sa disparition à venir... car, au fond, pour transmettre savoirs et imaginaires, « on n’a jamais rien trouvé de mieux ».
L’Infini dans un roseau. L’invention des livres dans l’Antiquité
Livre
Daniel Arasse
L’Ambition de Vermeer
Publié le 01 décembre 2021
Pourquoi Vermeer (1632-1675) fascine-t-il ? Parce qu’on ne sait presque rien sur sa vie ? Parce qu’il n’a peint que 34 tableaux ? Parce qu’il propose des scènes d’intérieur qui nous plongent dans une atmosphère à la fois sereine et inquiète ? Que contient la lettre que lit cette femme ? À quoi pense cette joueuse de clavecin ? Pour nous aider à pénétrer ce mystère, le critique d’art Daniel Arasse, disparu en 2003, a rédigé en 1993 une enquête sur « le Sphinx de Delft », rééditée en format de poche. Il ne se contente pas de célébrer la magie de ses tableaux. Il en fait l’ambition consciente du peintre, explorée au travers d’analyses des cartes visibles dans ses tableaux, du style volontairement « flou » de Vermeer, d’une construction de l’espace qui rend « la figure humaine […] présente, proche même, mais comme protégée […] de toute communication directe ». Il consacre aussi une longue interprétation à « l’Art de la peinture » que Vermeer a voulu garder chez lui comme un manifeste privé. Arasse en déduit une théologie picturale chez ce protestant converti au catholicisme pour qui la lumière divine imprègne nos gestes. Et suggère une philosophie du visible qui recèle l’inconnaissable. Ces êtres, ces objets, enfermés dans leur espace privé et leur intériorité, mais en contact secret avec le monde extérieur, nous ne les connaîtrons jamais. Et le trouble que l’on devine chez ses personnages, nous le ressentons, nous aussi.
L’Ambition de Vermeer
Livre
Pierre Singaravélou
Les Mondes d’Orsay
Publié le 01 décembre 2021
Le pluriel arboré par le titre de ce beau livre ne surprend point. Le XIXe siècle et le jeune XXe siècle, qu’embrasse le musée d’Orsay, ne se distinguent-ils pas par la diversité des arts (peinture, sculpture, photographie…) et des artistes faisant du monde leur champ ? Mais la portée de ce pluriel est autrement plus grande. Car les commentaires éclairants de l’historien Pierre Singaravélou mettent au jour ce fait incontestable : l’art en mouvement du musée d’Orsay a pour sol nourricier les mutations sociales, politiques et technologiques propres à cette période, parmi lesquels figurent l’avènement du socialisme ou encore le progrès ferroviaire. Il est ainsi coextensif de ce qu’on pourrait déjà nommer une mondialisation prenant tantôt les sombres traits d’une entreprise coloniale autant immortalisée que légitimée, tantôt ceux d’un orientalisme teinté d’un exotisme impérieux. Mais, surtout, on a affaire à un art « connecté » entre les nations. En témoigne l’exemple de la célèbre Statue de la liberté (dont le musée d’Orsay possède un modèle réduit), symbole de l’identité nationale états-unienne, qui s’inspire pourtant presque entièrement d’un projet égyptien conçu par le sculpteur Bartholdi. Ainsi, comme le rappelle l’historien, « rien de plus international que la construction des identités nationales ».
Les Mondes d’Orsay
CULTURE
Article 2 min
“Les Démons” : le choc des idéologies
Cédric Enjalbert 02 décembre 2021
En adaptant pour la scène le roman de Dostoïevski, Guy Cassiers et la troupe de la Comédie-Française soulignent l’impasse du nihilisme et le danger des idéologies, hier comme aujourd'hui.
“Les Démons” : le choc des idéologies
Article 2 min
“Tromperie” : jeu de l’ego
Cédric Enjalbert 02 décembre 2021
“L'esprit est une sorte de théâtre”, écrivait David Hume. Une sentence que le réalisateur Arnaud Desplechin a peut-être fait sienne en adaptant Philip Roth dans son dernier film, où les personnages prennent un malin plaisir à se retourner contre leur créateur-narrateur. Toujours est-il que ses acteurs et lui sortent ici le grand Je !
“Tromperie” : jeu de l’ego
Article 2 min
“Enfin le cinéma !” : Orsay fait son cinéma
Cédric Enjalbert 02 décembre 2021
Rassemblant sculptures, peintures, photos, films et objets, cette passionnante exposition présentée au musée d’Orsay à Paris présente les débuts de l’art en mouvement, à l'aube de la modernité. L'acte de naissance de la Société du spectacle ?
“Enfin le cinéma !” : Orsay fait son cinéma
OH ! LA BELLE VIE
Article 2 min
Conseil n° 14. Tombons des nues
François Morel 02 décembre 2021
L’histoire de Jésus est incroyable. Un garçon dans la force de l’âge, la petite trentaine, élancé, sportif, pas bête… Les cheveux au vent, la barbe de trois jours, décontracté… En plus de ça, sympathique, séduisant, doux, brillant. Alain Delon à côté de lui, c’est Paul Pr..
Conseil n° 14. Tombons des nues
JEU
Article 1 min
Philocroisés #75
Gaëtan Goron 02 décembre 2021
Horizontalement I. Socle d’articulation des savoirs chez Foucault. II. Soude. On les associe à Longchamp et aux courses. III. Disciple selon Zarathoustra. IV. Petit conducteur. Dieu soleil. Bois précieux d’Inde. V. Sa vie sans morale ni vérité n’a au..
Philocroisés #74
LE QUESTIONNAIRE DE SOCRATE
Article 2 min
Aurélien Bellanger. L’apesanteur et la grâce
Sven Ortoli 02 décembre 2021
Ceux qui l’apprécient en parlent comme d’un héritier de Balzac. Ses détracteurs en parlent comme d’un Houellebecq passé par Port-Royal – no sex tonight et style « Wikipédia »
(Philomag) |
[n° ou bulletin] est un bulletin de / Alexandre Lacroix (2011)N°155 - Décembre 2021-Janvier 2022 - A quoi voit-on qu'on a vieilli ? [texte imprimé] . - 2021 . - 98 p. : ill. en coul. ; 29 cm. Langues : Français ( fre) Catégories : | Philosophie
| Tags : | vieillissement trans identité sexuelle Jürgen Habermas Nietzsche | Index. décimale : | 17 Morale. Éthique. Philosophie pratique | Résumé : | Nous vivons en moyenne davantage d’années mais aussi plus longtemps en bonne santé que nos aînés. De nombreux retraités se sentent durablement en forme. Quant aux jeunes, ils ont souvent des préoccupations graves, comme le réchauffement climatique. L’opposition entre l’insouciance de la jeunesse et la sagesse venant avec l’âge n’a donc plus vraiment cours. Mais alors, à quoi sent-on qu’on a pris un coup de vieux ?
Pour le découvrir, rendez-vous chez votre marchand de journaux ! Et si vous voulez nous retrouver chaque mois et avoir accès à tous nos articles, vous pouvez opter pour l’une de nos trois formules d’abonnement.
(Philomag) | Note de contenu : | ÉDITO
Article 3 min
Un tombeau au cœur de l’été
Alexandre Lacroix 02 décembre 2021
J’ai emménagé seul l’été après le bac, juste avant mes 18 ans. C’était la première fois que je me trouvais en autonomie complète. En plein mois d’août, Paris était désert, et j’avais des démarches nouvelles à accomplir, qui me paraissaient exotiques, comme me rendre da..
VOS QUESTIONS
Article 3 min
“Où trouver la force ?”
Charles Pépin 02 décembre 2021
Question de Cerise Sauvage
“Où trouver la force ?”
REPÉRAGES
Article 2 min
Protection partagée
Octave Larmagnac-Matheron 02 décembre 2021
C’est une première mondiale : le gynécologue malaisien John Tang Ing Chinh a mis au point le premier préservatif unisexe, baptisé Wondaleaf Unisex Condom. Son principe ? L’une des faces est recouverte d’un adhésif et peut être tournée, au choix, vers l’intérieur (pour se fixer au..
Protection partagée
Article 1 min
“Fragilité”
Octave Larmagnac-Matheron 02 décembre 2021
“On voit distinctement, quand on jette l’œil par le hublot de la Station spatiale, la fragilité de la Terre” Thomas Pesquet, lors d’une conversation avec Emmanuel Macron le jeudi 4 novembre. “La fragilité d’un système est une autre manière de souligner ..
Article 1 min
“Nativisme”
Octave Larmagnac-Matheron 02 décembre 2021
Raciste, xénophobe, identitaire : comment qualifier la droite extrême contemporaine ? Aucun de ces termes n’est faux, mais il faut leur en adjoindre un autre pour comprendre comment ce discours qui oppose des Français « de souche » et d’autres « de papier » a conta..
“Nativisme”
Article 1 min
“420”
Octave Larmagnac-Matheron 02 décembre 2021
C’est le nombre de prisonniers politiques qui croupiraient dans les geôles russes, selon le dernier rapport du Memorial Human Rights Centre – contre 362 l’an dernier. Vladimir Poutine accentue la répression au point d’atteindre des chiffres comparables à l’époque soviétique. Dér..
Article 2 min
Plantatiocène : une nouvelle ère agricole
Octave Larmagnac-Matheron 02 décembre 2021
Valeur de la production agricole mondiale en 2019 + 73 % depuis 2000 3,5 trillions de dollars 9,4 milliards de tonnes + 44 % de production de viande depuis 2000 En 2020, en termes de nutrition 770 millions de personnes souffrent de la faim dans le monde + 18&nb..
PERSPECTIVES
Article 3 min
La Biélorussie et les migrants : une poudrière pour l’Europe ?
Nicolas Gastineau 02 décembre 2021
Depuis début novembre, des migrants sont pris en étau à la frontière entre la Pologne et la Biélorussie. Instrumentalisés par le pouvoir biélorusse, ils sont au cœur d’un conflit géopolitique.
La Biélorussie et les migrants : une poudrière pour l’Europe ?
Article 3 min
Valeur travail ou travail valorisant ?
Cédric Enjalbert 02 décembre 2021
La « valeur travail » s’est imposée dans l’espace public et les débats politiques comme un nouvel enjeu idéologique. Auquel s’opposerait le « travail bien fait » ? Analyse avec le psychanalyste de la souffrance au travail Christophe Dejours.
Valeur travail ou travail valorisant ?
Article 3 min
Vincent Mignerot : “Le nucléaire n’a jamais remplacé le pétrole, il s’y ajoute”
Alexandre Lacroix 02 décembre 2021
À l’heure où Rolls-Royce se prépare à construire des mini-centrales moins coûteuses et où le président Emmanuel Macron annonce l’arrivée de nouveaux réacteurs en France, le chercheur Vincent Mignerot explique pourquoi le nucléaire n’est pas une solution au réchauffement climatique.
Vincent Mignerot : “Le nucléaire n’a jamais remplacé le pétrole, il s’y ajoute”
Article 2 min
Bactéries, l’avenir du médicament ?
Octave Larmagnac-Matheron 02 décembre 2021
Soigner avec des bactéries ? L’idée est un peu folle mais est en train d’être expérimentée par une équipe de chercheurs. C’est en tout cas une révolution dans la façon d’appréhender la santé et la guérison.
Bactéries, l’avenir du médicament ?
AU FIL D’UNE IDÉE
Article 3 min
Philanthrope ma non troppo
Sven Ortoli 02 décembre 2021
Il existe 260 000 fondations philanthropiques à travers le monde. Les 3/4 d’entre elles ont été créées lors des 25 dernières années dans 38 pays. Philanthropiquement parlant, les États-Unis sont la nation la plus généreuse du monde : en 2019, 450 m..
Philanthrope ma non troppo
ETHNOMYTHOLOGIES
Article 3 min
Bleu de travail. Identités de classe
Tobie Nathan 02 décembre 2021
Ce vêtement ouvrier est désormais le summum du chic, arboré par les fashionistas comme par les bobos. Quand l’habit fait le social-traître, est-ce notre appartenance à un groupe social qui se prend une veste ?
Bleu de travail. Identités de classe
DÉBAT
Dialogue 14 min
Camille Froidevaux-Metterie/Claude Habib : trans clash
Cédric Enjalbert 02 décembre 2021
Le sujet divise et les avis sont tranchés, au-delà même des personnes concernées, notamment parmi les féministes : l’expérience des personnes trans invite à réfléchir au genre, à l’identité personnelle et à la différence entre les sexes. Camille Froidevaux-Metterie et Claude Habib, deux philosophes en tous points opposées, en débattent frontalement.
Clash sur la question trans : un débat entre Camille Froidevaux-Metterie et Claude Habib
LE MÉTIER DE VIVRE
Article 8 min
Dmitry Glukhovsky. L’incarné du sous-sol
02 décembre 2021
Auteur notamment des romans Métro 2033, dystopie à succès déclinée en jeu vidéo, et Texto, qui vient d’être adapté au cinéma, cet écrivain est immensément populaire, notamment auprès de la jeunesse russe. Mais depuis qu’il a apporté son soutien à l’opposant emprisonné Alexeï Navalny, il est dans le viseur du Kremlin. Rencontre.
Dmitry Glukhovsky. L’incarné du sous-sol
MOTIFS CACHÉS
Article 3 min
Le pouvoir du dedans
Isabelle Sorente 02 décembre 2021
Pour faire face à la crise climatique, les nobles déclarations ne suffisent pas. Pas plus que les actions coup de poing. Changer « l’ordre du monde » exige avant tout une transformation intérieure, spirituelle.
Le pouvoir du dedans
DOSSIER
5 articles
À quoi voit-on qu’on a vieilli ?
Publié le 01 décembre 2021
Nous vivons en moyenne davantage d’années mais aussi plus longtemps en bonne santé que nos aînés. De nombreux retraités se sentent durablement en forme. Quant aux jeunes, ils ont souvent des préoccupations graves, comme le réchauffement climatique. L’opposition entre l’insouciance de la jeunesse et la sagesse venant avec l’âge n’a donc plus vraiment cours. Mais alors, à quoi sent-on qu’on a pris un coup de vieux ? Pour le découvrir, rendez-vous chez votre marchand de journaux ! Et si vous voulez nous retrouver chaque mois et avoir accès à tous nos articles, vous pouvez opter pour l’une de nos trois formules d’abonnement. > Nous avons posé la question à quatre auteurs, jeunes et moins jeunes : Pascal Bruckner, Chloé Delaume, Simon Johannin et Susan Neiman. Ils parlent de rides, de cernes, de sortie du marché de la séduction mais aussi d’une disposition morale qui évolue, et nous disent qu’avec l’âge, le présent acquiert une saveur particulière. > Le philosophe Nicolas Tenaillon identifie quatre signes non physiques de l’âge : le fait de surestimer ses forces, de devenir fataliste, de penser plus souvent à la mort ou de se sentir déphasé. Une brillante méditation en compagnie des classiques ! > De la sobriété à la folle dépense, les philosophes de la tradition ont imaginé bien des stratégies différentes face au vieillissement, sur lesquelles nous offrons une vue panoramique. > La situation des jeunes générations est étrange : après avoir subi le confinement et suivi des enseignements à distance, ils se retrouvent, un an et demi plus tard, à la fois plus vieux et sans nouvelles expériences. Nous avons enquêté sur cette sortie de l’hibernation, en bénéficiant de l’éclairage de la philosophe Marilyn Maeso. > Il y a deux moments de l’existence où nous vivons la « résurgence du natal », où la question de notre être au monde se pose à nouveaux frais : l’adolescence et la « vieillonge », explique dans un entretien étonnant l’écrivain Pascal Quignard, qui poursuit depuis vingt ans une œuvre fleuve hantée par la naissance et la mort, Dernier Royaume.
À quoi voit-on qu’on a vieilli ?
Article 9 min
Le jour où j’ai pris un coup de vieux
Alexandre Lacroix 01 décembre 2021
Quatre écrivains, romanciers et philosophes, racontent le moment où leur jeunesse s’en est allée avec humour, sarcasme mais aussi sérénité… Le bénéfice de l’âge ?
Le jour où j’ai pris un coup de vieux
Article 10 min
Des signes qui ne trompent pas
Nicolas Tenaillon 01 décembre 2021
On se croit souvent plus jeune qu’on est, mais certaines manières d’être et de penser nous trahissent. Plus subtils que l’âge, ces indices ont été repérés par les philosophes classiques et nous aident à identifier l’effet du temps.
Des signes qui ne trompent pas
Article 5 min
Les stratégies philosophiques pour faire face au vieillissement
Alexandre Lacroix 01 décembre 2021
Certains cherchent la tranquillité du corps et de l’esprit, dans laquelle ils voient une sorte d’éternité accessible sur Terre, tandis que d’autres font le pari que la dépense d’énergie amène l’être humain à traverser l’épreuve du temps. Saurez-vous trouver votre voie ?
Les stratégies philosophiques pour faire face au vieillissement
Article 10 min
Une jeunesse volée ?
Catherine Portevin 01 décembre 2021
Cours annulés puis à distance, soirées chez soi ou au bar du coin disparues… Pendant la pandémie, les jeunes se sont retrouvés privés du goût des autres et du monde, alors qu’ils sont à l’âge de toutes les découvertes. Ont-ils vieilli à ne pas vivre ? Leur faut-il désormais se lancer éperdument à la recherche du temps perdu ? Enquête.
Une jeunesse volée ?
Entretien 15 min
Pascal Quignard : “Profiter de tous les instants du jour est très suffisant”
Cédric Enjalbert 01 décembre 2021
De la course du temps, de ce qui est perdu et de la corruption des êtres, Pascal Quignard a fait le matériau poétique d’une œuvre monumentale, toute dédiée à l’exploration de nos origines. Alors que sort en janvier son nouveau roman – L’Amour la mer (Gallimard) –, l’auteur a accepté de nous recevoir pour parler de l’expérience de la vieillesse.
Pascal Quignard : “Profiter de tous les instants du jour est très suffisant”
LE GRAND ENTRETIEN
Entretien 16 min
Jürgen Habermas : “La philosophie cesserait d’être elle-même si elle perdait des yeux ‘le tout’”
Lisa Friedrich 02 décembre 2021
C’est l’un des philosophes vivants les plus écoutés mais aussi l’un des plus difficiles à lire : à 92 ans, Jürgen Habermas s’est entretenu avec notre rédaction allemande de façon exceptionnellement accessible. Alors que vient de paraître le premier tome de son Histoire de la philosophie, il retrace le parcours d’une vie dédiée à un idéal démocratique et témoigne d’un projet philosophique aussi déterminé qu’ambitieux : sauver l’usage public de la raison.
Jürgen Habermas : “La philosophie cesserait d’être elle-même si elle perdait des yeux ‘le tout’”
L’AVENTURE D’UN CLASSIQUE
5 articles
“Ainsi parlait Zarathoustra”. L'évangile selon Nietzsche
Publié le 02 décembre 2021
C’est l’un des ouvrages les plus singuliers de Friedrich Nietzsche. Écrit comme un long poème en prose, empruntant à la démesure des opéras de Wagner, cet évangile sans religion déstabilise son lecteur, l’exhortant à se dépasser, à ne pas avoir peur, c’est-à-dire à vivre, tout simplement.
“Ainsi parlait Zarathoustra”. L'évangile selon Nietzsche
Article 11 min
“Ainsi parlait Zarathoustra”. Le livre de toutes les audaces
Victorine de Oliveira 02 décembre 2021
C’est l’un des ouvrages les plus singuliers de Friedrich Nietzsche. Écrit comme un long poème en prose, empruntant à la démesure des opéras de Wagner, cet évangile sans religion déstabilise son lecteur, l’exhortant à se dépasser, à ne pas avoir peur, c’est-à-dire à vivre, tout simplement.
“Ainsi parlait Zarathoustra”. L'évangile selon Nietzsche
Article 2 min
Zarathoustra et compagnie
Victorine de Oliveira 02 décembre 2021
Tout au long de son parcours initiatique, Zarathoustra croise une galerie d’animaux et de personnages. Ces figures, tantôt des métaphores, tantôt des faire-valoir, déroutent tout autant qu’elles fascinent.
Article 2 min
Un poète intranquille
02 décembre 2021
En parallèle de ses essais, Nietzsche compose de la musique et écrit des poèmes, souvent marqués par le romantisme, avec une métrique libre, une nature au diapason de l’humeur souvent tourmentée du poète et des images parfois énigmatiques. Avec l’enfant, la montagne et l’heure de midi, on retrouve ici des échos d’Ainsi parlait Zarathoustra.
Article 5 min
“Ainsi parlait Zarathoustra”. La morale, par-delà bien et mal
Victorine de Oliveira 02 décembre 2021
Avec Ainsi parlait Zarathoustra, Nietzsche tente de mettre à bas l’universalité de la morale. Une lecture décapante que présente le spécialiste et traducteur du philosophe, Guillaume Métayer.
“Ainsi parlait Zarathoustra”. Les extraits
Article 21 min
“Ainsi parlait Zarathoustra”. Les extraits
02 décembre 2021
Nous reproduisons des extraits d’Ainsi parlait Zarathoustra de Friedrich Nietzsche traduits par Henri Albert.
“Ainsi parlait Zarathoustra”. Les extraits
BOÎTE À OUTILS
Article 2 min
Pourquoi s’offre-t-on des cadeaux ?
Antony Chanthanakone 02 décembre 2021
Que vous apportera le Père Noël cette année? Avec un peu d’avance, déballez vos paquets avec ces quatre philosophes, et voyez quelles sont leurs surprises.
Pourquoi s’offre-t-on des cadeaux ?
Article 1 min
Uitwaaien
Octave Larmagnac-Matheron 02 décembre 2021
Langue d’origine : néerlandais
Article 2 min
Imagination
Arthur Hannoun 02 décembre 2021
Ces cinq penseurs n’en manquent pas !
LIVRES/SÉLECTION DE FÊTES
Livre
Catherine Meurisse
La Jeune Femme et la Mer
Publié le 01 décembre 2021
Au début du XXe siècle, les Japonais ont développé un genre littéraire à part : le Watakushi shō-setsu, soit, littéralement, le « roman du je ». Contrairement à l’autofiction à l’occidentale, ce genre ne relève ni du rituel de la confession des secrets, ni d’une démarche psychanalytique. Les règles du Watakushi shōsetsu sont assez singulières : l’auteur doit se présenter dans un milieu naturel, mêler la description des paysages qui l’entourent et celle de sa vie intérieure, et, surtout, il lui faut donner l’impression au lecteur de ne suivre aucun plan prémédité, de laisser surgir ses impressions de manière fluide et spontanée. La Jeune Femme et la Mer de notre collaboratrice Catherine Meurisse peut se lire comme un Watakushi shōsetsu en bande dessinée. Elle s’y décrit arrivant au Japon pour une résidence d’artiste à la Villa Kujoyama (l’équivalent de la Villa Médicis, à Kyōto). Amoureuse de la nature ayant grandi dans la campagne poitevine comme elle l’a raconté dans Les Grands Espaces (2018), elle est venue au Japon non pas pour les mégapoles mais pour parcourir les champs, les forêts, les rivages. Dans le récit va s’inviter de manière semi-fantastique le héros d’un grand classique de la littérature japonaise, Oreiller d’herbes (1906) de Natsume Sōseki. Dans ce roman, qui est aussi un traité d’esthétique assez antimoderne, ou en tout cas attaché à raviver la culture ancienne du Japon, Sōseki met en scène un peintre qui ne va pas donner un seul coup de pinceau, ni produire la moindre esquisse, parce qu’il recherche « l’état qui permet de peindre un tableau ». Cet état, il ne peut le trouver que par la méditation, en s’ouvrant au monde, en devenant lui-même le vent et l’arbre qui ploie dans le vent. Avant de peindre, il cherche donc l’extase, c’est-à-dire une dissolution du point de vue subjectif, qui seule amène au seuil de l’essence des choses, dont la tradition bouddhiste enseigne qu’elles sont à la fois impersonnelles et impermanentes. Mais comment approcher l’« évanescence des choses » ? Au fil de la bande dessinée s’instaure une sorte de rivalité mais aussi de dialogue entre le héros de Sōseki, qui parle de peinture sans peindre, et Catherine Meurisse, qui se représente sans cesse un pinceau à la main. Il y a des gags, mais la légèreté et la décontraction du propos ne sont qu’apparentes – en fait, cet album peut se lire comme une excellente introduction à l’esthétique japonaise du paysage, jamais pesante mais scrupuleusement référencée.
La Jeune Femme et la Mer
Livre
Roger-Pol Droit
Un voyage dans les philosophies du monde
Publié le 01 décembre 2021
D’emblée, Roger-Pol Droit brise le tabou : non seulement on pense ailleurs que depuis le berceau grec de la philosophie, mais il y a de la raison et de la réflexivité dans ces systèmes de pensée extra-européens que l’on préfère souvent appeler visions du monde, sagesses ou spiritualités. Son voyage sera donc bien philosophique, appuyé sur les concepts comme autant de chemins variés par lesquels les humains se situent dans le cosmos. Cette philosophie « ouverte » dépasse largement les frontières de la discipline. Le périple commence par l’infini en Inde, se poursuit en Chine par le non-agir – si différent de la passivité –, médite ensuite avec la pensée juive l’histoire comme processus inachevé – toujours à bâtir – et finit par l’idée d’unité de la vérité au cœur du monde arabo-musulman. Cependant, le voyage ne parvient pas jusqu’aux continents africain et américain : non pas que la philosophie y soit absente, mais le manque de traces écrites empêche la reconstitution de ces philosophies orales. Véritable guide pédagogique invalidant le mythe d’une philosophie « pure », l’ouvrage s’avère d’autant plus précieux à un moment où des auteurs comme le taoïste Tchouang-tseu ou Averroès, le penseur de l’islam des Lumières, figurent désormais au programme du baccalauréat.
Un voyage dans les philosophies du monde
Livre
François Cheng
Vide et Plein. Le langage pictural chinois
Publié le 01 décembre 2021
Cet immense livre est un souffle porté par un trait de pinceau qui révèle le mystère de la Création. François Cheng a 50 ans lorsqu’il écrit son premier livre en français sur la peinture chinoise. Il n’est pas encore le poète académicien qu’il va devenir, mais toute son inspiration est déjà là. Paru en 1979 et dédié à Jacques Lacan, l’ouvrage, plusieurs fois republié en poche depuis, trouve ici la forme pleine et illustrée qu’à 92 ans, se trouvant lui-même « au bord du Grand Vide », le poète philosophe a soigneusement revue. Vide et Plein est pour lui le livre primordial où figure « l’essentiel de ce qu’[il] avai[t] à dire ». Il est aussi primordial pour nous, lecteurs, en restant ce qu’on a écrit de plus complet et profond sur cette « philosophie en action » qu’est le langage pictural chinois. Celui-ci est hanté par l’idée du Vide, un Rien dont tout provient et qui est animé par les souffles vitaux : le Yin, le Yang et le « Vide médian » qui transcende leur opposition. Cet « entre » est la respiration du vivant. Pour dessiner un tronc d’arbre par exemple, l’Occidental tracera une verticale de haut en bas, car « il capte une existence déjà donnée », tandis que le Chinois pose le trait de bas en haut pour « appréhender l’arbre dans sa vitalité interne », continuant à pousser depuis ses racines. Par les noms du trait de pinceau – « tête de rat », « queue de serpent », « à la petite hache » … –, par les pôles de la nature – Obscur-Clair, Montagne-Eau, Homme-Ciel… –, François Cheng nous ouvre l’Univers.
Vide et Plein. Le langage pictural chinois
Livre
Camille de Toledo (dir.)
Le Fleuve qui voulait écrire. Les auditions du parlement de Loire
Publié le 01 décembre 2021
De quels moyens disposons-nous pour agir face à la crise écologique ? Nous pouvons certes espérer une prise de conscience de la part des citoyens, nous en remettre aux chefs d’État ou compter sur la bonne volonté du marché. Mais ce livre explore une autre piste : le droit – en l’occurrence, la reconnaissance du statut juridique d’entités naturelles comme, par exemple, la Loire. Et pourquoi pas, puisqu’on en a bien accordé un aux entreprises, en leur permettant ainsi de mieux faire valoir leurs intérêts ? L’idée peut sembler révolutionnaire, mais elle n’est pas inédite à l’échelle du monde. En effet, depuis une dizaine d’années, plusieurs pays considèrent déjà des milieux naturels comme d’authentiques sujets de droit. Ce qui l’est davantage, c’est la voie empruntée pour parvenir à définir les contours de cette nouvelle organisation du droit et de notre vie en commun : réunir une assemblée constituante, un « parlement » rassemblant des philosophes comme Bruno Latour mais aussi des universitaires comme Frédérique Aït-Touati, des juristes, des géographes, etc. Ce sont leurs échanges, mis en récit par Camille de Toledo, qu’on trouvera retranscrits dans ce riche cahier de terrain qui transcende les disciplines comme les idées reçues.
Le Fleuve qui voulait écrire. Les auditions du parlement de Loire
Livre
J.R.R. Tolkien (illus. Ted Naismith, édition de Christopher Tolkien)
Le Silmarillion
Publié le 01 décembre 2021
Le succès du Seigneur des anneaux tient en grande partie, disait Tolkien, l’auteur de la saga, au sentiment que l’intrigue est soutenue par un monde beaucoup plus vaste que le nôtre : il est doté de sa propre cosmologie et de sa géographie imaginaire, héritier d’une histoire fictive de plusieurs siècles qui se racontent dans une pluralité de langues inventées – Tolkien était philologue de profession. Le Silmarillion, qui paraît dans une nouvelle traduction, permet de mesurer l’ampleur de cet arrière-plan mythique, retravaillé des décennies durant. Tout commence par la Musique : Eru, le dieu unique, convie les esprits angéliques à chanter. Le monde apparaît ensuite comme une Vision, à laquelle le Créateur conférera l’être (Tolkien est un catholique fervent, si l’on en doutait). Mais Morgoth se rebelle. Jaloux du pouvoir démiurgique qu’il ne possède pas, l’ange noir veut « être le Seigneur et Dieu de sa création personnelle ». Son indocilité se mue en un désir illimité de posséder le pouvoir pour refaçonner la réalité à sa guise. Tout Le Simarillion raconte la lutte contre ce « désir de la pure Domination », de la « déformation tyrannique ». Lutte désespérée s’il en est : d’une bataille à l’autre, le sang coule, les corps s’amoncellent, la dévastation se propage, entrecoupée seulement de rares moments de joie. Le mal est trop fort. C’est la tragédie des Elfes – « immortels tant que dure le monde » et condamnés par la réincarnation à « ne jamais l’abandonner même quand ils sont massacrés » – que d’endurer jusqu’au bout cette lente défaite. Viendront ensuite les « Successeurs », les Hommes, terrifiés par ce « Don » même que les Elfes leur envient : la mortalité, qui les « affranchit des cercles du monde ». Au-delà du récit, magnifique, la puissance du Silmarillion tient pour beaucoup à ce dialogue souterrain de la mortalité et de l’immortalité.
Le Silmarillion
Livre
Fredric Jameson
Archéologies du futur
Publié le 01 décembre 2021
À quoi servent les utopies ? Marx les accusait d’égarer l’énergie révolutionnaire. Pour les réformistes, elles détournent du cours inéluctable du progrès. Selon le critique littéraire et spécialiste du marxisme Fredric Jameson, leur rôle est d’une autre nature. Dans cette réédition des Archéologies du futur, son grand livre paru en 2005 – ici publié en compagnie de Penser avec la science-fiction dans une traduction révisée –, les utopies sont mises en résonance les unes avec les autres, depuis Thomas More au XVIe siècle jusqu’aux auteurs de science-fiction du XXe siècle. Chacune porte en elle une préoccupation essentielle, un centre de gravité : pour Charles Fourier, c’est le désir, pour Saint-Simon l’administration, pour Edward Bellamy la méritocratie, pour William Morris la fin du travail aliéné… Chaque utopie tente de répondre à une souffrance majeure, béante, spécifique à son époque. Contrairement à la foi dans le progrès, elle ne vise pas à une amélioration progressive mais à une solution radicale. Que reste-t-il des utopies dans les années 2000 demande Fredric Jameson ? Sont-elles encore pensables et désirables ? D’après lui, l’idée de totalité sociale a disparu et avec elle le projet utopiste. Est-ce une perte irrémédiable ? Non, répond-il, car ce qui compte, ce n’est pas tant que l’utopie soit réalisable mais qu’elle soit capable d’irradier la réalité. Elle agit comme une force d’attraction, un horizon plutôt qu’un levier. Dès lors, sa dimension imaginaire devient décisive. Là réside le sens de l’autre partie du volume, Penser avec la science-fiction. Désormais, la force de l’utopie n’est plus dans un système global mais, au contraire, dans une pluralité d’enclaves où s’abolissent les frustrations et où le rationnel et l’onirique se mêlent. Ces archipels prospèrent du côté de la science-fiction technologique mais aussi au sein de la « fantasy » et de ses chimères. Comme le pensait déjà Ernst Bloch, l’utopie s’incarne dans les détails du quotidien, dans des émotions à peine formulées, des rêveries tenaces. Elle est avant tout du domaine de l’attente. Philippe Garnier
Archéologies du futur
Livre
Claude Ponti
Blaise, Isée et le Tue-Planète
Publié le 01 décembre 2021
Il n’est certainement pas évident de parler de réchauffement climatique ou d’écologie aux enfants sans les endoctriner. Mais notre collaborateur Claude Ponti, lui, n’a pas son pareil pour déplacer les enjeux réels sur le terrain de l’imaginaire. Dans un précédent album, Bih-Bih et le Bouffron-Gouffron (2009), il avait mis en scène un monstre goulu, le Bouffron-Gouffron, en train de dévorer jusqu’à la dernière miette du monde. Cette fois-ci, « un Tue-Planète détruit les planètes une par une, chacune de façon différente. Végule III est étouffée par une forêt mortelle, K. H. 27 n’est plus qu’un océan où il pleut tout le temps, Carmine IV est une boule de banquise, Blogole est en ruine… » Le tour est joué, Ponti est un faux farfelu qui vient de suggérer que les planètes aussi sont mortelles. Mais le plus intéressant, chez cet auteur « jeunesse », est la fragilité des monstres. Pour venir à bout d’un monstre, il faut découvrir son point faible. C’est ainsi qu’Hippolène vainc l’affreux Ortic d’une seule réplique : « Je n’ai pas peur de moi ! » (L’Arbre sans fin, 1992). Que le Kontroleur de Kata-stroffe explose après avoir reçu un jet d’utikipip à l’envers – de « pipi-qui-tue », donc (Blaise et le Kontroleur de Katastroffe, 2014). Qu’Isée aplatit l’Ekrazatouteur en se transformant en dessin, ce qu’elle est réellement (L’Avie d’Isée, 2013). Cette fois-ci, pour anéantir le Tue-Planète, il faut que ce dernier soit entier, donc il convient de commencer par le réparer avant de le détruire… Logique, ou plutôt écologique, non ?
Blaise, Isée et le Tue-Planète
Livre
Mohamed Mbougar Sarr
La Plus Secrète Mémoire des hommes
Publié le 01 décembre 2021
« Je vais te donner un conseil : n’essaie jamais de dire de quoi parle un grand livre. Ou, si tu le fais, voici la seule réponse possible : rien. Un grand livre ne parle jamais que de rien, et pourtant, tout y est. » Désavouons d’emblée l’un des personnages secondaires de La Plus Secrète Mémoire des hommes, et tentons de dire quelques mots de ce qui est incontestablement l’un des grands livres de la rentrée littéraire 2021. Les jurys des grands prix ne s’y sont pas trompés, qui l’ont sélectionné sur quasiment toutes leurs listes (avant qu’il obtienne le plus prestigieux, le prix Goncourt) – ce qui n’est pas toujours un gage de qualité mais tout de même, cela dit quelque chose. Alors de quoi retourne-t-il, ce quatrième roman de Mohamed Mbougar Sarr, écrivain sénégalais d’à peine 30 ans, arrivé en France à 18, et dont le nom, depuis la fin de l’été, passe de lèvre en lèvre comme un secret de polichinelle ? Le sujet : Diégane Latyr Faye, jeune écrivain sénégalais – que l’on peut légitimement imaginer être un double littéraire de l’auteur – découvre un roman mythique et maudit paru en 1938, et signé d’un certain T. C. Elimane. Mythique parce qu’il fit scandale en son temps, maudit parce qu’il est depuis introuvable, et que son auteur a disparu sans laisser de traces. Diégane Latyr Faye se lance alors à la recherche du mystérieux « Rimbaud nègre », lointainement inspiré du Malien Yambo Ouologuem, dont Le Devoir de violence fut encensé par la critique et couronné du prix Renaudot en 1968 avant que l’auteur soit accusé de plagiat. Mille choses sont au cœur de La Plus Secrète Mémoire des hommes, roman ambitieux, érudit, tourbillonnant, qui pose mille questions dont celles-ci : peut-on réellement juger un roman sans prêter attention à l’état civil de son auteur ? Mais aussi : est-ce qu’un écrivain africain ne reste pas un étranger aux yeux des Français, quelle que soit la valeur de son œuvre ? Et encore : pourquoi les écrivains sont parmi les plus médiocres amants ? Et puis : est-ce que la littérature est un moyen de sauver le monde ou le seul moyen de ne pas s’en sauver ? Et tant d’autres auxquelles Sarr esquisse des réponses dans une langue inventive et lyrique qu’on laisse à regret au bout de 450 pages, le souffle coupé, en songeant que s’il ne faudrait jamais dire de quoi parle un grand livre, il faut tout de même en saluer la parution.
La Plus Secrète Mémoire des hommes
Livre
François Angelier
Georges Bernanos. La colère et la grâce
Publié le 01 décembre 2021
Contempteur de la « bien-pensance », franc-tireur hostile au conformisme, penseur libre affranchi des idéologies, Georges Bernanos est sans conteste dans l’air du temps. La biographie brillante que lui consacre François Angelier est l’occasion de parcourir à nouveau la vie mouvementée – romanesque même – d’un homme qui, de la France de l’entre-deux-guerres à son exil au Brésil, a tracé son chemin en solitaire, fidèle seulement à « l’étoile qu’il fixe », « l’honneur du Christ », dans un monde en plein bouleversement dont il n’a de cesse de dénoncer les travers. Au risque d’attiser des inimitiés, dont il fait peu de cas. « Bernanos vit droit avec des lignes courbes », écrit son biographe : il garde le cap de ses convictions, mais sa réflexion ne se fige jamais. Un homme difficile à suivre, du moins aux yeux de ses contemporains. Proche des antisémites de l’Action française, il écrit en 1939 : « J’aimerais mieux être fouetté par le rabbin d’Alger que faire souffrir une femme ou un enfant juif. » Royaliste, il dénonce les milieux traditionalistes et réactionnaires : « Qui dit conservateur dit surtout conservateur de soi-même. » Bernanos cultive avec un certain héroïsme ce « génie de la con-tradiction ». C’est sans doute pourquoi il ne s’enferme dans aucune chapelle humaine.
Georges Bernanos. La colère et la grâce
Livre
Jan Patočka (préface de Renaud Barbaras)
Carnets philosophiques (1945-1950)
Publié le 01 décembre 2021
« Le remplissement, l’accomplissement de la vie est […] ce à quoi nous aspirons de par notre vie. » Mais à quoi tient donc cet accomplissement ? C’est l’une des nombreuses questions abordées par Patočka au fil de ses Carnets. Elle possède un double mérite : parler à tout le monde, tout en donnant un aperçu des aspects les plus novateurs de la pensée du philosophe tchèque, disciple de Husserl et opposant actif au régime communiste, qui mourut en 1977 des suites d’un interrogatoire policier. La « vie normale », note-t-il, s’appréhende dans une alternance « purement contingente » de satisfaction et de perte, de plaisirs et de peines que nous éprouvons au contact des choses. Au contraire, il faut penser le remplissement « dans le rapport au monde » lui-même, « en dehors du rapport aux choses du monde qui vont et viennent et font l’objet de simples rencontres ». Ce dépouillement ne débouche pas sur l’angoisse d’un néant. Nous y entrevoyons « la vie même, éternelle, dans sa splendeur et son jaillissement », et qui sous-tend le mouvement de manifestation de toute chose, de la pierre à l’homme. L’accomplissement de soi suppose donc une sortie de soi au-delà de la vie individuelle « enfermée en elle-même », une ouverture à la « puissance » de la nature. « La nature n’est aucune créature, mais plutôt le moi universel, oublieux de soi et cherchant à se ressouvenir. » C’est comme pour s’éprouver elle-même que la nature se déploie comme multiplicité d’individus : « L’individu n’est certes qu’une vague à la surface de la vie, mais la vie ne peut se mouvoir autrement que dans de telles vagues. » Patočka rejette par conséquent les entreprises de négation de l’individualité. La « désunion de la vie » est nécessaire. Nous sommes séparés de la vie du monde qui nous porte, et c’est cette séparation qui nous permet de nous y rapporter sans jamais l’accaparer. Notre soif du monde se creuse en même temps qu’elle se comble.
Carnets philosophiques (1945-1950)
Livre
Élisabeth de Fontenay
L’Identité humaine
Publié le 01 décembre 2021
Il pourrait y avoir une discrète provocation de la part d’Élisabeth de Fontenay, connue pour son engagement philosophique dans la cause animale (avec son livre majeur Le Silence des bêtes, 1998) à intituler ce volume qui récapitule son œuvre « L’Identité humaine ». Mais c’est bien dans la manière de la philosophe de laisser coexister les contradictions. Son éclectisme revendiqué, qui la mène de Lucrèce au « matérialisme enchanté » de Diderot, de la lutte des classes à la déconstruction avec Derrida et Lyotard, est tout sauf réconcilié. Cet ensemble de textes soigneusement choisis permet d’entrer dans une pensée et d’entendre une voix, nette, vivante, ne renonçant ni à la bataille d’idées (comme dans ses échanges avec Alain Finkielkraut ou Stéphane Bou), ni à la sensibilité, empathique et têtue. Fille d’un grand résistant en rupture avec sa famille catholique fidèle à l’Action française et d’une mère juive qui ne parla jamais de l’extermination des siens à Auschwitz, Élisabeth de Fontenay pense au bord du gouffre, dans « la stupeur » de la Shoah. Et si, écrit-elle dans sa préface, tout « en pourchassant le propre de l’homme », elle creuse l’énigme de l’humanité, c’est pour y rapatrier obstinément certains êtres qui en sont comme les « secrets » : son frère autiste auquel son livre Gaspard de la nuit, paru en 2018 et republié ici, rend existence, et son cousin assassiné à l’âge de 7 ans dans une chambre à gaz.
L’Identité humaine
Livre
Raphaël Meltz et Louise Moaty (textes), Simon Roussin (dessin)
Des vivants
Publié le 01 décembre 2021
« Il dépend de celui qui passe / Que je sois tombe ou trésor / Que je parle ou me taise. » Ces vers de Paul Valéry ornent le fronton du musée de l’Homme. L’institution créée en 1937 est le principal décor de cette bande dessinée. C’est au sein de ce « musée pour l’homme » – selon les mots de son fondateur, l’ethnologue Paul Rivet, pour qui « le génie d’invention n’est pas le privilège des Blancs » – que naît l’un des premiers réseaux de la Résistance face à l’occupant allemand. Pour retracer son histoire, Raphaël Meltz et Louise Moaty se sont appuyés sur une documentation rigoureuse. Une richesse magnifiée par la narration dynamique et le graphisme tout en ellipses de Simon Roussin, qui témoigne de l’action de ce groupe issu d’horizons très variés et dirigé par l’ethnologue Boris Vildé. S’il mène des actions « classiques », c’est avant tout à une lutte culturelle qu’il se consacre : il s’agit, comme l’affirme Jean Cassou qui lance le bulletin Résistance, de « réveiller la conscience du public français ». Un combat pour lequel, prévient Vildé, ces femmes et ces hommes n’auront « rien à gagner, mais beaucoup à perdre ». Sept d’entre eux seront fusillés au mont Valérien le 23 février 1942. Leur « histoire est finie », annonce Germaine Tillion en ouverture de ce récit, pourtant, grâce à ce livre, sa portée résonne encore.
Des vivants
Livre
David Graeber et David Wengrow
Au commencement était… Une nouvelle histoire de l’humanité
Publié le 01 décembre 2021
« Mon cerveau est comme endolori de stupéfaction engourdie », tweete un soir d’août 2020, quelques semaines avant sa mort soudaine, l’anthropologue américain David Graeber (1961-2020). On imagine aisément Graeber confus, puisqu’il vient alors d’achever un ouvrage colossal (630 pages et 70 de bibliographie !), sur lequel il travaillait depuis dix ans avec l’archéologue David Wengrow. Un menhir de plus à l’édifice contemporain de la Big History, soit le méta-récit des origines de l’humanité, qui a fait le succès de Yuval Noah Harari (Sapiens) ou de Jared Diamond (De l’inégalité parmi les sociétés). Graeber et Wengrow tentent de tracer un chemin qui rende compte des tribulations socio-politiques d’Homo sapiens depuis l’apparition de l’espèce jusqu’à la Modernité. Mais ce chemin n’est pas une ligne droite, qui mène sans détour des chasseurs-cueilleurs à l’État moderne, plutôt une étoile à multiples bras, un « carnaval de formes politiques » et « d’expérimentations sociales audacieuses ». Reste une question, essentielle pour un anarchiste comme Graeber : la victoire de l’État sur d’autres types d’organisation était-elle inéluctable après l’invention de l’agriculture – thèse dominante de la Big History ? De fait, l’État a gagné, admettent les auteurs. Mais cela ne signifie peut-être pas qu’il devait gagner, que sa victoire était inscrite dans une quelconque téléologie. Alors point de déterminisme – c’est du moins ce à quoi le livre tient. Ni celui de l’économie, avec la rareté ou l’abondance des ressources qui engendreraient mécaniquement un gouvernement autoritaire ou libertaire. Ni celui de la technique, qui veut réduire l’humanité à son outil, de bronze puis de fer. Graeber et Wengrow racontent toutes les fois, à Taosi ou à Teotihuacan, en Amazonie ou en Turquie, où des Sapiens ont œuvré à contre-courant. Dans leur récit, les anciens humains ne sont pas des objets passifs et ballottés par les circonstances mais des acteurs politiques conscients. L’histoire du monde n’est pas le rail d’un train mais une grande agora où se négocient, depuis la nuit des temps, les diverses formes du gouvernement.
Au commencement était… Une nouvelle histoire de l’humanité
Livre
Irene Vallejo
L’Infini dans un roseau. L’invention des livres dans l’Antiquité
Publié le 01 décembre 2021
C’est un livre sur les livres, sur leur histoire et, indissociablement, sur l’amour qu’ils inspirent. Et dans le cas d’Irene Vallejo, c’est même une véritable passion. Et sa passion est communicative, car elle parvient à entraîner ses lecteurs dans la formidable épopée de l’invention de ce qu’on appelle aujourd’hui « livre », qui a connu bien des supports durant les siècles, des papyrus de l’Antiquité jusqu’à nos liseuses contemporaines, en passant par les tablettes d’argile et les parchemins. Très érudit mais sans jamais en avoir l’air, indistinctement travail universitaire par son contenu et récit de fiction par sa forme, l’ouvrage de la jeune autrice espagnole se lit comme un roman d’aventures. Mêlant dialogues entre les personnages historiques et précisions techniques sur les procédés de fabrication, descriptions et interprétations psychologiques, voire digressions plus personnelles, le style enlevé d’Irene Vallejo ne s’interdit rien. Et quelle réussite ! Best-seller surprise en Espagne, qualifié de « chef-d’œuvre » par Mario Vargas Llosa, traduit dans de nombreux pays où il rencontre un succès tant public que critique, il fait voyager de la bibliothèque d’Alexandrie aux manuscrits enluminés d’Oxford avec le même émerveillement pour le génie humain grâce auquel « le livre a surmonté l’épreuve du temps ». Capable de survivre à toutes les modes et de s’adapter à toutes les technologies, le livre a suffisamment d’arguments pour démentir toutes les cassandres qui annoncent sa disparition à venir... car, au fond, pour transmettre savoirs et imaginaires, « on n’a jamais rien trouvé de mieux ».
L’Infini dans un roseau. L’invention des livres dans l’Antiquité
Livre
Daniel Arasse
L’Ambition de Vermeer
Publié le 01 décembre 2021
Pourquoi Vermeer (1632-1675) fascine-t-il ? Parce qu’on ne sait presque rien sur sa vie ? Parce qu’il n’a peint que 34 tableaux ? Parce qu’il propose des scènes d’intérieur qui nous plongent dans une atmosphère à la fois sereine et inquiète ? Que contient la lettre que lit cette femme ? À quoi pense cette joueuse de clavecin ? Pour nous aider à pénétrer ce mystère, le critique d’art Daniel Arasse, disparu en 2003, a rédigé en 1993 une enquête sur « le Sphinx de Delft », rééditée en format de poche. Il ne se contente pas de célébrer la magie de ses tableaux. Il en fait l’ambition consciente du peintre, explorée au travers d’analyses des cartes visibles dans ses tableaux, du style volontairement « flou » de Vermeer, d’une construction de l’espace qui rend « la figure humaine […] présente, proche même, mais comme protégée […] de toute communication directe ». Il consacre aussi une longue interprétation à « l’Art de la peinture » que Vermeer a voulu garder chez lui comme un manifeste privé. Arasse en déduit une théologie picturale chez ce protestant converti au catholicisme pour qui la lumière divine imprègne nos gestes. Et suggère une philosophie du visible qui recèle l’inconnaissable. Ces êtres, ces objets, enfermés dans leur espace privé et leur intériorité, mais en contact secret avec le monde extérieur, nous ne les connaîtrons jamais. Et le trouble que l’on devine chez ses personnages, nous le ressentons, nous aussi.
L’Ambition de Vermeer
Livre
Pierre Singaravélou
Les Mondes d’Orsay
Publié le 01 décembre 2021
Le pluriel arboré par le titre de ce beau livre ne surprend point. Le XIXe siècle et le jeune XXe siècle, qu’embrasse le musée d’Orsay, ne se distinguent-ils pas par la diversité des arts (peinture, sculpture, photographie…) et des artistes faisant du monde leur champ ? Mais la portée de ce pluriel est autrement plus grande. Car les commentaires éclairants de l’historien Pierre Singaravélou mettent au jour ce fait incontestable : l’art en mouvement du musée d’Orsay a pour sol nourricier les mutations sociales, politiques et technologiques propres à cette période, parmi lesquels figurent l’avènement du socialisme ou encore le progrès ferroviaire. Il est ainsi coextensif de ce qu’on pourrait déjà nommer une mondialisation prenant tantôt les sombres traits d’une entreprise coloniale autant immortalisée que légitimée, tantôt ceux d’un orientalisme teinté d’un exotisme impérieux. Mais, surtout, on a affaire à un art « connecté » entre les nations. En témoigne l’exemple de la célèbre Statue de la liberté (dont le musée d’Orsay possède un modèle réduit), symbole de l’identité nationale états-unienne, qui s’inspire pourtant presque entièrement d’un projet égyptien conçu par le sculpteur Bartholdi. Ainsi, comme le rappelle l’historien, « rien de plus international que la construction des identités nationales ».
Les Mondes d’Orsay
CULTURE
Article 2 min
“Les Démons” : le choc des idéologies
Cédric Enjalbert 02 décembre 2021
En adaptant pour la scène le roman de Dostoïevski, Guy Cassiers et la troupe de la Comédie-Française soulignent l’impasse du nihilisme et le danger des idéologies, hier comme aujourd'hui.
“Les Démons” : le choc des idéologies
Article 2 min
“Tromperie” : jeu de l’ego
Cédric Enjalbert 02 décembre 2021
“L'esprit est une sorte de théâtre”, écrivait David Hume. Une sentence que le réalisateur Arnaud Desplechin a peut-être fait sienne en adaptant Philip Roth dans son dernier film, où les personnages prennent un malin plaisir à se retourner contre leur créateur-narrateur. Toujours est-il que ses acteurs et lui sortent ici le grand Je !
“Tromperie” : jeu de l’ego
Article 2 min
“Enfin le cinéma !” : Orsay fait son cinéma
Cédric Enjalbert 02 décembre 2021
Rassemblant sculptures, peintures, photos, films et objets, cette passionnante exposition présentée au musée d’Orsay à Paris présente les débuts de l’art en mouvement, à l'aube de la modernité. L'acte de naissance de la Société du spectacle ?
“Enfin le cinéma !” : Orsay fait son cinéma
OH ! LA BELLE VIE
Article 2 min
Conseil n° 14. Tombons des nues
François Morel 02 décembre 2021
L’histoire de Jésus est incroyable. Un garçon dans la force de l’âge, la petite trentaine, élancé, sportif, pas bête… Les cheveux au vent, la barbe de trois jours, décontracté… En plus de ça, sympathique, séduisant, doux, brillant. Alain Delon à côté de lui, c’est Paul Pr..
Conseil n° 14. Tombons des nues
JEU
Article 1 min
Philocroisés #75
Gaëtan Goron 02 décembre 2021
Horizontalement I. Socle d’articulation des savoirs chez Foucault. II. Soude. On les associe à Longchamp et aux courses. III. Disciple selon Zarathoustra. IV. Petit conducteur. Dieu soleil. Bois précieux d’Inde. V. Sa vie sans morale ni vérité n’a au..
Philocroisés #74
LE QUESTIONNAIRE DE SOCRATE
Article 2 min
Aurélien Bellanger. L’apesanteur et la grâce
Sven Ortoli 02 décembre 2021
Ceux qui l’apprécient en parlent comme d’un héritier de Balzac. Ses détracteurs en parlent comme d’un Houellebecq passé par Port-Royal – no sex tonight et style « Wikipédia »
(Philomag) |
| |