[n° ou bulletin] est un bulletin de / Alexandre Lacroix (2011)Titre : | N°163 - Octobre 2022 - La sobriété. Pourquoi est-il si difficile de se modérer | Type de document : | texte imprimé | Année de publication : | 2022 | Importance : | 98 p. | Présentation : | ill. en coul. | Format : | 29 cm | Langues : | Français (fre) | Catégories : | Philosophie
| Tags : | boisson alcool sobriété soif | Index. décimale : | 17 Morale. Éthique. Philosophie pratique | Résumé : | Sommes-nous capables d’observer une discipline désintéressée pour le bien de la planète et des générations futures ? Pouvons-nous vraiment désirer la modération ? Alors que l’appel écologique et politique à la sobriété est sur toutes les lèvres, c’est la question philosophique que nous nous sommes posée !
(Philomag) | Note de contenu : | ÉDITO
Article 3 min
Jusqu’à plus soif
Alexandre Lacroix 21 septembre 2022
C’est une sensation nette, bien circonscrite dans le temps, et cependant difficile à décrire : lorsqu’on a bu une première quantité d’alcool – mettons une bière, un ou deux verres de vin –, on a envie de poursuivre, on ressent un vif appel de l’ivresse. Physiologiquem..
VOS QUESTIONS
Article 3 min
“Quand j’aime un auteur, je veux tout lire de lui. Est-ce normal ?”
Charles Pépin 21 septembre 2022
Question de Marine Renoux
“Quand j’aime un auteur, je veux tout lire de lui. Est-ce normal ?”
REPÉRAGES
Article 1 min
Intelligence arty
Octave Larmagnac-Matheron 21 septembre 2022
Dall-e, Craiyon… Depuis quelque temps, les intelligences artificielles (IA) de création d’images se multiplient. L’une d’elles, Midjourney, a même remporté le prix artistique de la Colorado State Fair pour son Théâtre d’opéra spatial (photo). Le résultat est aléatoire, et, même lo..
Intelligence arty
Article 1 min
“Conservatrice”
Octave Larmagnac-Matheron 21 septembre 2022
“J’ai fait campagne en tant que conservatrice et je gouvernerai en tant que conservatrice” Liz Truss, nouvelle Première Ministre du Royaume-Uni, le 5 septembre 2022. “Le compromis, c’est le but de la politique conservatrice” Roger Scruton, dans Conservatisme (2014). ..
Article 1 min
“Fatigue informationnelle”
Octave Larmagnac-Matheron 21 septembre 2022
Si la notion, forgée en 1996 par le psychologue britannique David Lewis, n’est pas nouvelle, elle acquiert aujourd’hui, à la faveur du développement du numérique, une ampleur sans précédent : un Français sur deux souffrirait de « fatigue informationnelle », révèle une �..
“Fatigue informationnelle”
Article 1 min
“9”
Octave Larmagnac-Matheron 21 septembre 2022
C’est le nombre de personnes tuées en France suite à un refus d’obtempérer, depuis le début de l’année. La disproportion entre le délit et la « peine » relance la question : la police a-t-elle un problème avec la violence ? Oui, répondait Walter Benjamin dans Pour..
Article 2 min
Histoire d’eau
Octave Larmagnac-Matheron 21 septembre 2022
Demande mondiale d’eau aujourd’hui 4 600 km3 par an + 600 % en un siècle + 1,8 % en moyenne par an Sont affectés par le manque d’eau aujourd’hui 3,6 milliards d’êtres humains 47 % de la population mondiale Demande mondiale d’eau en 2050 ..
PERSPECTIVES
Article 3 min
Les sanctions, mesures à double tranchant ?
Michel Eltchaninoff 21 septembre 2022
Alors que les effets des sanctions occidentales contre la Russie peinent à se faire sentir, certains remettent en cause leur utilité. Mais, si l’on se penche sur ce terme, on se rend compte que la sanction, contrairement à la punition, touche autant ceux qui la subissent que ceux qui l’appliquent. Explications.
Les sanctions, mesures à double tranchant ?
Article 3 min
Elizabeth II : régner sans gouverner
Octave Larmagnac-Matheron 21 septembre 2022
Discrète, secrète, mystérieuse, telles étaient les qualités de la défunte reine. Ce comportement a été détaillé par l’essayiste du XIXe siècle Walter Bagehot dans son ouvrage sur la constitution anglaise. Quel est le rôle d'un souverain au sein d’une monarchie parlementaire ?
Elizabeth II : régner sans gouverner
Article 3 min
Ida Dominijanni : “Giorgia Meloni, figure de l’extrême droite italienne, propose un ‘fratriarcat’”
Alexandre Lacroix 21 septembre 2022
Qui est Giorgia Meloni, cheffe de file de l’extrême droite en Italie, qui devrait sortir très renforcée des élections du 25 septembre ? L’analyse de la philosophe et éditorialiste Ida Dominijanni.
Ida Dominijanni : “Giorgia Meloni, figure de l’extrême droite italienne, propose un ‘fratriarcat’”
Article 2 min
Décrocher (de) la Lune
Octave Larmagnac-Matheron 21 septembre 2022
La mission lunaire américaine Artemis 1 devrait décoller mi-octobre . Mais ne sommes-nous pas en train de nous tromper de priorité, alors que les catastrophes climatiques ravagent la Terre ?
Décrocher (de) la Lune
AU FIL D’UNE IDÉE
Article 3 min
Il était une fatwa
Sven Ortoli 21 septembre 2022
Le mot « fatwa » est mentionné à 11 reprises dans 5 sourates différentes du Coran. Lors des premiers siècles de l’islam, la fatwa désigne un avis donné sans obligation d’acceptation, en réponse à une question personnelle posée par un croyant sur une interprétation..
Il était une fatwa
ETHNOMYTHOLOGIES
Article 3 min
Cartes de visite à QR Code. Le grand sceau
Tobie Nathan 21 septembre 2022
Avec ce petit carré à « flasher », le cadre décline son identité comme un produit scanné à la caisse du supermarché. Sans se douter que ce procédé renoue avec une longue tradition.
Cartes de visite à QR Code. Le grand sceau
DIALOGUE
Dialogue 15 min
Adèle Van Reeth-Frédéric Worms : sous le règne des philosophes ?
Alexandre Lacroix 21 septembre 2022
À un mois d’intervalle, deux philosophes ont accédé à des fonctions éminentes : Adèle Van Reeth a été nommée directrice de France Inter et Frédéric Worms directeur de l’École normale supérieure. Mais au fait : comment gouverne-t-on avec la philosophie ? Quels outils donne-t-elle pour la vie professionnelle ? Alors qu’ils entrent en fonction, nous les avons invités à échanger sur ces questions.
Adèle Van Reeth-Frédéric Worms : sous le règne des philosophes ?
RÉCIT
Article 9 min
Simone contre Simone
Nicolas Gastineau 21 septembre 2022
Simone Weil et Simone de Beauvoir se connaissaient mais ne se supportaient pas. Un antagonisme révélé par Les Visionnaires, nouveau livre de l’ex-rédacteur en chef de l’édition allemande de Philosophie magazine, Wolfram Eilenberger. Il revient sur leurs oppositions, tant personnelles que philosophiques.
Simone contre Simone
L’ŒIL DE LA SORCIÈRE
Article 3 min
Parce que c’était elle…
Isabelle Sorente 21 septembre 2022
Si l’amitié se déploie par des paroles, des confidences échangées, elle naît aussi d’une mystérieuse attraction, par-delà les mots. Une alchimie propre aux humains ? Pas seulement.
Parce que c’était elle…
DOSSIER
6 articles
La sobriété. Pourquoi est-il si difficile de se modérer ?
Publié le 21 septembre 2022
Nous avons l’habitude de faire des efforts sur nous-mêmes, notamment pour le travail. Seulement voilà : nous sommes aussi habitués à ce que ces efforts soient récompensés. En salaires, en bons repas, en voyages, en diplômes ou en trophées sportifs… Et c’est peut-être là que l’appel à la sobriété aujourd’hui, quand il procède d’un sincère souci écologique – nous devons changer nos modes de vie, car notre logique de croissance n’est pas soutenable –, rencontre un obstacle profond en nous : sommes-nous capables d’observer une discipline désintéressée pour le bien de la planète et des générations futures ? > En d’autres termes, allons-nous désirer la modération ? Cela semble contradictoire tant ce que nous vivons dans le désir, c’est l’emportement, la frénésie. N’y a-t-il pas là, plus encore qu’une réforme éthique ou politique, un enjeu métaphysique : savons-nous désirer le fini et non pas l’infini ? > L’une des ruses du capitalisme, explique le philosophe Olivier Rey, est qu’un certain nombre de biens au départ inutiles – une voiture, un téléphone, un ordinateur… – sont devenus indispensables à la vie en société. Une fuite en avant ? > L’histoire de la philosophie nous offre quand même des points d’appui face à ce vertige : les Grecs faisaient l’éloge de la mesure, et il existe une contre-modernité initiée par Jean-Jacques Rousseau, puis Henry David Thoreau, qui se propose de renouer avec la nature pour corriger les excès de la civilisation. > Spécialiste de la décroissance, Agnès Sinaï réfléchit à des solutions politiques et économiques pour changer de modèle : sommes-nous capables de passer de la globalisation marchande à un réancrage de nos productions et de nos consommations ? > Une urbaine partie en Ardèche, un « minimaliste », une nonne bouddhiste et un champion d’ultra-trail, ces témoins nous éclairent sur leurs pratiques mais aussi sur leurs difficultés rencontrées sur la voie de la décélération. > Le Trésorier-payeur est l’un des événements de cette rentrée littéraire. Dans ce roman, Yannick Haenel déploie la théorie de la dépense et de l’économie de Georges Bataille : et si le don, la charité et l’ivresse étaient aujourd’hui les ultimes subversions, seules à même de racheter un système qui s’est emballé ?
La sobriété. Pourquoi est-il si difficile de se modérer ?
Article 6 min
Bornes d’abondance
Martin Legros 21 septembre 2022
Le nouvel idéal de sobriété, censé orienter nos vies face à la crise écologique et énergétique, implique une rupture avec l’éthique de la démesure des Modernes. Mais sommes-nous préparés à voir dans la modération un bien plutôt qu’un interdit ?
Bornes d’abondance
Article 6 min
Olivier Rey : être mieux avec moins ?
Martin Legros 21 septembre 2022
Après avoir longtemps ignoré les limites de notre modèle de croissance, les élites prônent dorénavant un retour à la sobriété. Pour le philosophe et mathématicien Olivier Rey, celle-ci ne doit pas prendre la forme d’une austérité qui tombe d’en haut mais d’une sagesse joyeuse, désirable pour elle-même.
Olivier Rey : être mieux avec moins ?
Article 15 min
Comment nous sommes devenus goinfres
Michel Eltchaninoff 21 septembre 2022
L’appel à ne pas trop consommer ne date pas d’aujourd’hui. La mesure était une vertu cardinale de l’Antiquité. La Modernité, elle, nous a engagés à dépasser toutes les limites et à exploiter le monde. Mais, en son sein, des penseurs ont organisé la résistance à la société d’abondance. Voici l’histoire mouvementée de la tempérance.
Comment nous sommes devenus goinfres
Article 6 min
Agnès Sinaï : “S’extraire du système productiviste”
Cédric Enjalbert 21 septembre 2022
Quel monde imaginer dans une logique de décroissance ? Sans avoir LA solution, c’est néanmoins à cet exercice difficile de prospective que se prête l’essayiste Agnès Sinaï, en élaborant des modèles de vie sociale, politique et économique alternatifs.
Agnès Sinaï : “S’extraire du système productiviste”
Article 11 min
Pour repartir sur de bonnes bases
Cédric Enjalbert, Caroline Pernes, 21 septembre 2022
Qu’ils soient engagés, esthètes, spirituels ou athlètes, les quatre témoins que nous avons interrogés ont choisi une vie moins encombrée par la consommation et l’argent, par les objets en trop grand nombre, par les faux besoins et les désirs parasites.
Pour repartir sur de bonnes bases
Article 8 min
Yannick Haenel : “L’objet de la dépense est l’intensité, pas l’autodestruction”
Cédric Enjalbert 21 septembre 2022
Trésorier-payeur : sous ce titre énigmatique, l’écrivain Yannick Haenel offre une réflexion généreuse sur la dépense dans un dernier roman inspiré et captivant. Il se prend à rêver d’un personnage fantasque et paradoxal, un banquier qui détesterait l’argent, un mystique qui vivrait pour la dépense, sans modération. Par facétie, il l’a appelé Georges Bataille, comme le penseur du désir et de l’excès. Sur ses pas, il fait le récit d’une « économie générale », fondée moins sur l’épargne que sur le don.
Yannick Haenel : “L’objet de la dépense est l’intensité, pas l’autodestruction”
ENTRETIEN
Entretien 18 min
Susan Neiman : “Face au mal, la majorité des gens préfère regarder ailleurs”
Alexandre Lacroix 21 septembre 2022
Avec son nouvel essai Penser le mal, qui vient de paraître en France, cette philosophe américaine ne propose rien moins qu’une refondation de la morale, domaine laissé en friche par la pensée contemporaine. Une plongée vertigineuse dans les pas de Leibniz, Kant et Arendt.
Susan Neiman : “Dès le plus jeune âge, l’humain distingue ce qui est de ce qui devrait être”
L’AVENTURE D’UN CLASSIQUE
4 articles
“Éthique”, de Spinoza : logique de la joie
Publié le 21 septembre 2022
Voici un livre qui ne ressemble à aucun autre. Spinoza y traite certes du bien, du mal, de la liberté et des passions humaines, mais à la manière d’un mathématicien. Les définitions et les axiomes s’y développent, permettant d’enchaîner les propositions de manière logique et implacable. Or peut-on démontrer le chemin vers le bonheur à coup de C.Q.F.D. ?
“Éthique”, de Spinoza : logique de la joie
Article 11 min
“Éthique”, de Spinoza : géométrie du bonheur
Frédéric Manzini 21 septembre 2022
Voici un livre qui ne ressemble à aucun autre. Spinoza y traite certes du bien, du mal, de la liberté et des passions humaines, mais à la manière d’un mathématicien. Les définitions et les axiomes s’y développent, permettant d’enchaîner les propositions de manière logique et implacable. Or peut-on démontrer le chemin vers le bonheur à coup de C.Q.F.D. ?
“Éthique”, de Spinoza : logique de la joie
Article 2 min
“Éthique”, de Spinoza : anatomie d’une œuvre
Frédéric Manzini 21 septembre 2022
L’Éthique doit être lu comme un tout. Les cinq parties s’articulent entre elles comme autant d’étapes très progressives qui permettent au philosophe d’ancrer l’éthique (parties IV-V) solidement dans ce qu’on peut considérer comme une métaphysique (partie I), une physique (partie II) et une psychologie (partie III).
Article 2 min
L’“Éthique” de Spinoza vue par…
Frédéric Manzini 21 septembre 2022
Voltaire « Je ne connais que Spinoza qui ait bien raisonné, mais personne ne peut le lire. Ce n’est point par la métaphysique qu’on détrompera les hommes ; il faut prouver la vérité par les faits. » (Lettre à d’Alembert, 1773) G. W. F.&nb..
Article 5 min
Maxime Rovere et la place de Dieu dans l’“Éthique” de Spinoza
Frédéric Manzini 21 septembre 2022
Dans la partie finale de l’Éthique, Spinoza (1632-1677) livre ses ultimes enseignements sur la manière de vivre. L’occasion pour Maxime Rovere, spécialiste du philosophe, de faire une mise au point sur la place de la religion et du divin dans cette œuvre majeure.
Maxime Rovere et la place de Dieu dans l’“Éthique” de Spinoza
BOÎTE À OUTILS
Article 2 min
Pourquoi avons-nous du mal à reconnaître nos erreurs ?
Batiste Morisson 21 septembre 2022
Est-ce parce que le tort tue que nous rechignons à admettre que nous nous sommes trompés ? Heureusement ces quatre philosophes savent raison garder.
Pourquoi avons-nous du mal à reconnaître nos erreurs ?
Article 1 min
Niksen
Octave Larmagnac-Matheron 21 septembre 2022
Langue d’origine : néerlandais
Article 2 min
“Suicide”
Caroline Pernes 21 septembre 2022
Avant d’en finir, écoutez ces philosophes.
BACK PHILO
Bac philo 6 min
L’État nous protège-t-il du chaos ?
Aïda N’Diaye 21 septembre 2022
Analyse des termes du sujet « L’État » Le pouvoir politique, les institutions publiques, la nation. « Nous » Les individus, la société. « Protège » Évite ou régule. « Chaos » Désordre, conflits, violence… le chaos est le contraire du monde entendu au sens de « belle totalité » chez les Grecs notamment.
LIVRES
Article 2 min
J’y pense et puis je lis / Octobre 2022
Jean-Marie Durand 21 septembre 2022
Pourquoi l’obsession pour la réparation de la Terre et le soin du vivant, prise en charge par les pensées environnementales et les théories du care, laisse-t-elle de côté « les choses », dont le romancier Georges Perec consignait dès 1965 la place centrale dans nos vies ? Po..
Livre
Maxime Rovere
Se vouloir du bien et se faire du mal. Philosophie de la dispute
Publié le 19 septembre 2022
Maxime Rovere a le chic pour s’emparer de problèmes insaisissables, bien qu’on les subisse régulièrement. Après les cons (Que faire des cons ? Pour ne pas en rester un soi-même, Flammarion, 2019), voici que le spécialiste et traducteur de Spinoza (lire la préface au cahier central) s’intéresse à la dispute. Pas celle, noble, qui consistait à discuter d’un problème philosophique entre messieurs à mine sérieuse et au français mâtiné de latin. Non. Plutôt celle, bien sale, qui, une fois les arguments montés en neige, se limite à déverser sur votre conjoint, votre mère, votre frère, votre collègue, toutes les eaux usées de votre psyché, alors que ce dernier n’en demandait pas tant – il ou elle l’a pourtant bien cherché, pensez-vous peut-être, et c’est aussi ce qui passionne Maxime Rovere. Pourquoi la tempête surgit-elle brusquement, quand tout n’était jusque-là que guimauve et gazouillis ? Pourquoi ce geste a priori anodin chez une personne qui nous est pourtant chère déclenche-t-il des foudres insoupçonnées ? Car la dispute concerne exclusivement « ceux qui s’aiment » et sont donc doués de bonne volonté l’un à l’égard de l’autre, remarque le philosophe – eh oui ! si vous vous disputez avec votre voisin d’open-space, c’est que, d’une certaine façon, vous tenez à lui (du moins à son opinion). Ce qui intéresse Maxime Rovere n’est pas tant de départager celui qui a raison de celui qui a tort. Si vous espérez des conseils de sophrologie pour garder le sourire au moment où vos oreilles saignent sous les pires insanités, passez votre chemin ! L’auteur s’intéresse plutôt à la mécanique de la dispute comme on étudierait un système dynamique. Parce qu’elles nous font littéralement sortir de nos gonds, les disputes sont des interactions que l’on peut étudier indépendamment des agents qui les déclenchent, affirme-t-il. Et pour cela, il faut évacuer deux erreurs : la première consiste à croire que nous sommes libres de rétropédaler lorsque les hostilités sont enclenchées ; la seconde, que nous proférons nos imprécations avec des intentions maîtrisées et pleinement conscientes. Maxime Rovere pense dans un cadre spinoziste : nous ne sommes libres que dans la mesure où nous connaissons toutes nos déterminations – ce qui est quasiment impossible – et nous qualifions de beau et de bon ce qui nous est agréable. L’étude des interactions houleuses lui permet d’avancer une définition personnelle de la liberté : puisque nous sommes pris dans un réseau d’interactions sans cesse mouvantes et changeantes, notre liberté « procède de l’extraordinaire disponibilité des interactions, et non de la variété des possibles ». Exercer notre liberté ne revient pas à choisir entre le chemin de gauche et celui de droite, mais plutôt à surfer sur une mer dont les courants dessinent des directions complexes. Cela suppose que nous ne soyons pas toujours maîtres du courant qui nous emporte, voire nous traverse, jusqu’à nous faire dire des choses que nous regrettons sitôt prononcées. La dispute nous révèle donc aussi bien hors de nous-mêmes que tels que nous sommes vraiment.
Se vouloir du bien et se faire du mal. Philosophie de la dispute
Livre
Géraldine Mosna-Savoye
La Force du mou
Publié le 19 septembre 2022
« La mozzarella, le poulpe, une serviette-éponge, les montres molles de Dalí et même François Hollande… » D’emblée, ce livre est confronté à une polysémie. En tant que qualité matérielle, la mollesse est déjà une notion relative. Lorsqu’elle devient l’attribut d’un caractère ou d’un comportement, nous entrons dans la métaphore. Au-delà du flou intrinsèque à sa définition, la mollesse apparaît comme un thème de réflexion inépuisable dont Géraldine Mosna-Savoye dresse avec malice et brio l’état des lieux philosophique, depuis Tocqueville et la mollesse des sociétés démocratiques jusqu’à Kierkegaard et l’angoisse du vide, en passant par Rousseau et Arendt. Cette promenade conceptuelle entre en résonance avec la place du « mou » dans nos modes de vie consuméristes, depuis la décontraction du jogging jusqu’au charme discret de la serviette-éponge. Et si le mou, en morale comme en érotisme, en art comme en politique, devenait un idéal ? Comme la tiédeur, la mollesse se trouve au centre d’un paradoxe : elle a beau être la consistance même du vivant, elle souffre de discrédit. Pourquoi tant de réprobation envers cette qualité qui définit notre chair et celle de la plupart des animaux ? Certes, derrière la tendreté de la viande que nous mangeons se profile le dégoût des matières en décomposition et du magma organique. Mais pourquoi ne pas regarder le mou en face et l’adopter comme une part de notre univers matériel et mental ? « Échappant à toute catégorie connue, échappant à toute fonction, toute utilité, et sans valeur, son étrangeté met au défi notre volonté et notre entendement, autrement dit notre soif de maîtrise », répond ici Géraldine Mosna-Savoye. Tel est le vertige du mou, dont La Nausée de Sartre donnait un avant-goût littéraire : il résiste à toute classification, il refuse obstinément d’entrer dans l’ordre du sens. Cette consistance pourtant intime et quotidienne ne peut être envisagée autrement que comme un état limite et un point de fuite.
La Force du mou
Livre
Virginie Despentes
Cher Connard
Publié le 19 septembre 2022
Pour / Un roman total D’un règlement de comptes à la régulation des affects : c’est à la dialectique d’un mouvement d’émancipation que se livre Virginie Despentes dans son roman au dispositif épistolaire, mettant en scène deux personnages que tout oppose et que tout rapprochera. Au fil de leurs échanges, hilarants et subtils sous leur apparence vipérine, une certaine douceur affleure entre Rebecca et Oscar, comme si la guerre des sexes portait en elle l’horizon d’une paix des « baves ». Ce rapprochement ne procède pas d’autre chose que du miracle de la conversation. Comme un écho au récent livre de la philosophe Manon Garcia, La Conversation des sexes, qui théorisait la nécessité de repenser, via la discussion ouverte, la question du consentement, Cher connard prend au sérieux le principe de cette conversation – au pied de la lettre, en somme. Lucide sur ce qui cloche encore entre les hommes et les femmes, mais aussi sur la violence des réseaux sociaux, des addictions… la romancière mesure les résistances tenaces de la culture patriarcale autant qu’elle se prend à imaginer qu’elles se fissureront un jour. Quand bien même elle brasse un peu tous les sujets clés du moment, elle ne laisse jamais sa veine d’éditorialiste énervée écraser son souffle de romancière nuancée. Despentes joue avec ses personnages, les habitant autant l’un que l’autre ; sa voix s’entend dans chaque mot, y compris ceux d’Oscar, dont on devine combien sa fragilité encapsulée dans la connerie la touche. Si, comme le disait Lacan, la psychanalyse est « sans effet contre la connerie », la littérature peut, elle, tenter de la comprendre, en l’affrontant de l’intérieur, sans analyser ses non-dits mais en faisant résonner sa brutalité. Comment sortir de tous les chaos – intimes, sociaux, familiaux – qui plombent la vie de beaucoup et qui sont souvent des accélérateurs de la connerie ? Rien n’est si simple dans le roman, ne serait-ce que parce que chaque personnage défend ses raisons, voire sa déraison. Maîtrisant l’art des punchlines emprunté à la culture du rap, Despentes choisit surtout la voie du roman total au cœur duquel vibrent les colères éruptives du présent. Jean-Marie Durand Contre / Où est passée la rage ? De Baise-moi jusqu’à Vernon Subutex, en passant par King Kong Théorie, Virginie Despentes avait réussi à s’emparer de tous les genres pour secouer notre représentation du réel – et en particulier des relations amoureuses –, tout en exprimant une rage personnelle, celle d’une femme libre et éprouvée qui refusait toutes les assignations dans un monde abîmé par la violence et la soumission, confisqué par les dominants et voilé par une moraline mensongère. Est-ce la reconnaissance, la question de l’âge et de la maturité qui taraudent ses personnages ? Est-ce le renoncement aux substances et aux excès conjugué à l’expérience du confinement qui constitue la toile de fond de ce récit ? Ou est-ce l’esprit du temps – à la fois réac’ et révolté, mais obnubilé par le politiquement correct – qui s’est emparé de cette rage si singulière dont Despentes était le nom ? Voici en tout cas un ensemble sans forme ni style, où trois personnages recrachent à tour de rôle leurs opinions ou leurs petites théories, contraires mais con-venues, sur un monde réduit à une peau de chagrin, celle de nos emportements sur les réseaux sociaux autour du Covid-19, des conflits entre féministes sur la domination masculine ou de la fascination de l’argent dans le gangsta rap. L’incident de parcours ne vaudrait pas le détour si une critique quasi unanime n’avait fait de ce texte le « grand livre de la rentrée », renonçant à se pencher sur le style, d’une platitude consommée – le mot « con » revenant à toutes les pages, en guise de cache-misère, malgré quelques formules bien senties (« C’est toujours le mal qu’on nous a fait qu’on essaie de se pardonner ») –, sur la psychologie des personnages – caricaturale ou inexistante – ou sur la cohérence du récit – totalement improbable –, pour créditer Despentes (c’est un comble !) d’avoir délivré une grande leçon de « réconciliation post-#MeToo » (sic). Alors que la critique se réjouit d’une Despentes assagie, ce qui nous attriste dans cette affaire, c’est d’avoir perdu une écrivaine enragée au profit d’une idéologue rangée. Despentes, reviens ! Martin Legros
Cher Connard
Livre
Alexandre Lacroix
Au cœur de la nature blessée
Publié le 19 septembre 2022
Apprendre à… aimer notre environnement, même et surtout quand il est abîmé ! Comme le montre Alexandre Lacroix, cet impératif n’est pas vraiment un choix, sauf à nous complaire dans l’évocation de trésors perdus et à nous morfondre en attendant le pire. « Nous entretenons une image mentale idéalisée de la nature », écrit l’auteur et nous n’avons pas encore les moyens de penser sa nouveauté. Ce livre est donc « une tentative de mise à jour de nos catégories sensibles », mêlant à la réflexion la qualité des descriptions littéraires et la richesse des témoignages. En effet, de brefs intermèdes entre les chapitres donnent la parole à des habitants, tout autour du globe. Ils nous mènent de la Bourgogne familière de l’écrivain aux forêts primaires polonaises, en passant par les mers polynésiennes ou les plaines du Japon. Il s’agit avec eux de réformer notre regard. Comment ? En rompant avec une tradition philosophique qui fonde l’esthétique occidentale : la critique kantienne. Elle consiste en une série de distinctions qui ne tiennent plus aujourd’hui, comme l’opposition entre nature et culture, quand tout est en réalité composite, ou l’idée que nos jugements de goût n’auraient rien à voir avec la morale, alors que toutes nos perceptions en sont désormais teintées. Cette réforme demande un certain effort d’adaptation, mais « nous gagnons tout de même au change en sautant le pas, en acceptant de vivre au cœur de la nature blessée : c’est une condition pour retrouver le contact avec le réel ». Et pour agir !
Au cœur de la nature blessée
Livre
Lionel Naccache
Apologie de la discrétion
Publié le 19 septembre 2022
Déconcertant, le dernier opus du neuroscientifique féru de philosophie Lionel Naccache l’est à plus d’un titre. En lieu et place d’une qualité humaine, la discrétion renvoie ici au concept mathématique : est discret un ensemble composé d’éléments clairement distincts et séparés, par opposition aux ensembles continus. L’objectif de cet essai construit « à la manière des géomètres » par un enchaînement de définitions, propositions, scolies… est ambitieux : interroger la manière dont nos individualités font « partie » de cet ensemble que constitue le monde. « Nos dispositions naturelles et notre éducation culturelle […] concourent à rendre notre discrétion fondamentale fort discrète à nos propres yeux », remarque Naccache. Nous nous perdons au sein de collectifs, de groupes, où l’un empiète sans arrêt sur l’autre. Pourtant, « chaque individu conscient » devrait être pensé comme « atome de conscience ». Cette déliaison, cette solitude originelle n’exclut pas la possibilité de faire communauté, mais cette communauté peut être établie sur des bases saines : nous pouvons apprendre à « faire comme si nous étions engagés dans une relation de continuité […] avec le reste du monde, c’est-à-dire se montrer infiniment proche de lui et infiniment préoccupé par lui ». Une grille de lecture féconde qui peut être mobilisée, Naccache y invite, pour relire de manière apaisée les questions les plus brûlantes de notre époque – de la transidentité au communautarisme ou à l’écologie.
Apologie de la discrétion
Livre
Amia Srinivasan
Le Droit au sexe. Le féminisme au XXIe siècle
Publié le 19 septembre 2022
Au cœur de la grande conversation, parfois houleuse, que mènent entre elles les multiples divisions féministes de par le monde, Amia Srinivasan, philosophe de 37 ans enseignant à Oxford, impose une voix à part. Moins frondeuse que soucieuse de creuser quelques abcès dans les plaies théoriques et pratiques de l’actualité du féminisme, elle explore dans son premier texte traduit en France des sujets sensibles – le porno, la prostitution, la politique du désir… – sur lesquels aucun consensus féministe ne s’impose. Selon elle, « le féminisme doit se poser des questions que de nombreuses féministes préféreraient éviter » s’il veut prolonger sa longue histoire émancipatrice. Que faut-il vraiment pour transformer l’esprit du patriarcat ? Que devraient faire les féministes si elles gagnaient ? Comment sortir de la tension entre la logique misogyne d’un droit au sexe absolu, sans discussion, et la logique d’un autoritarisme moral méfiant par nature devant les jeux sexuels ? La pénalisation du travail du sexe ne conduit-elle pas à un « féminisme carcéral » ? La philosophe invite ainsi à assouplir la pureté d’un féminisme absolutiste, qui ne serait en rien un appauvrissement de ses horizons mais bien un réarmement pratique et théorique. Un féminisme qui en vaut la peine se doit « d’attendre des femmes qu’elles soient meilleures – pas uniquement plus justes, mais aussi plus imaginatives – que ne l’ont été les hommes ». Elle se confronte ainsi à une partie de la pensée anglophone dominante, qui ne tient pas assez compte, selon elle, « des particularités de la vie des femmes et se contente de leur annoncer, d’en haut, ce que signifie réellement leur vie ». Adepte d’une approche intersectionnelle, elle critique surtout le féminisme qui, axé sur l’oppression commune des femmes, n’a pas le moindre effet sur les structures d’inégalité sociale qui touchent la majorité d’entre elles. La dialectique de sa pensée ne cède jamais à la facilité de la théorie vindicative, tout en appelant à une réouverture du champ du féminisme, plus attentif à l’inventivité de ses combats.
Le Droit au sexe. Le féminisme au XXIe siècle
Livre
Michel Serres
Œuvres complètes 1. Cahiers de formation
Publié le 19 septembre 2022
« Pas un jour sans tracer une ligne. » À l’été 1960, Michel Serres décide, par cette maxime empruntée au peintre Nicolas Poussin, de tenir un journal où il va noter ses intuitions sous la forme de récits, de poèmes ou de confidences. Quinze ans plus tard, au printemps 1974, ce sont près de vingt cahiers à spirale grand format qui auront été remplis. L’ensemble qu’il a souhaité voir publié après sa mort constitue aujourd’hui le premier tome du monumental projet de ses œuvres complètes initié par les éditions du Pommier. Serres le conclut ainsi : « Fin du journal et de l’adolescence. Il était temps, foutre de foutre. » De fait, ce massif, introduit et édité avec un soin remarquable par Roland Schaer, aura été pour lui un espace d’« ensemencement » pour devenir un écrivain qui éprouve « la jouissance folle d’inventer » en forçant le mur des mots, un philosophe destiné non pas à commenter les auteurs du passé mais à capter la nouveauté « blanche » du présent – et un homme sensible qui a traversé une série de « crises atroces », liées à la rigueur de son éducation et à une série de ruptures familiales et professionnelles. On suit un penseur qui parvient au travers de ses travaux sur les mathématiques, la science, Leibniz ou Pascal, à retrouver le monde et la terre dont il avait le sentiment d’avoir été chassé. « La philosophie n’est que cela : la science de l’amour, écrit-il vers le fin. Son lieu est le paradis perdu. Son but est de le retrouver. » Ces cahiers vibrent à chaque page de cette quête interminable.
Œuvres complètes 1. Cahiers de formation
Livre
Jean-Loïc Le Quellec
La Caverne originelle
Publié le 19 septembre 2022
Pourquoi les humains paléolithiques se sont-ils efforcés d’atteindre les tréfonds de cavités rocheuses, souvent dangereuses, pour dessiner, graver ou peindre leurs parois ? Dans une somme illustrée impressionnante d’érudition, l’anthropologue et préhistorien Jean-Loïc Le Quellec, directeur de recherches émérite au CNRS, fait souffler l’esprit critique sur l’art pariétal en démontant les interprétations anciennes et contemporaines souvent hâtives et idéologiquement marquées – que celles-ci aient vu dans les figures rencontrées un support chamanique, voire pédagogique, un instrument magique, propitiatoire, communicationnel ou encore une simple décoration. Néanmoins, cette injonction à la modestie interprétative n’empêche pas l’auteur de relever le gant de l’exigence explicative avec une théorie générale de l’art pariétal ! Le Quellec démontre ainsi qu’un mythe de « l’émergence primordiale » aurait induit un intérêt des paléolithiques pour le fond des cavernes, conçues comme le passage par lequel des humains et des animaux qui existaient déjà dans le monde souterrain, seraient advenus à la surface. À cette fin, il met en œuvre une méthode originale, recoupant une « phylomémétique des mythes » (l’établissement de liens de parenté entre les mythes du monde par l’analyse de leurs composants, inspiré de l’évolutionnisme) avec l’étude de la distribution spatiale de ces contenus culturels et de l’expansion des premières populations d’humains modernes depuis l’Afrique. À cette lumière, l’allégorie platonicienne de la caverne apparaît comme l’inversion d’un mythe largement antérieur, d’après lequel c’est la descente dans les profondeurs qui nous rapprocherait des vérités ultimes.
La Caverne originelle
Livre
Thomas Dodman
Nostalgie. Histoire d’une émotion mortelle
Publié le 19 septembre 2022
La nostalgie n’a pas toujours été un sentiment bénin . On en mourait autrefois, littéralement ! Voici l’une des découvertes de l’historien britannique des sensibilités Thomas Dodman. Dans cet essai foisonnant, il rappelle que le terme, inventé en 1688 par le médecin mulhousien Johannes Hofer, aurait pu rester confidentiel, s’il n’avait pas bénéficié d’une publicité fortuite. Par ailleurs, quand il choisit de former ce mot à partir du grec nostos (le « retour au foyer ») et algos (la « douleur »), il hésite cependant avec d’autres néologismes – nosomanie, ou « folie du retour », et philopatridomanie, ou « folie causée par le désir de retrouver son pays natal ». La nostalgie désigne alors une catégorie clinique avec des symptômes allant jusqu’au trépas : la « tristesse naissant de l’ardent désir de retourner dans son pays d’origine » que les Français appelaient « mal du pays ». Elle est donc initialement moins un affect lié au temps qu’à l’espace. Mais pourquoi ce sentiment fatal apparaît-il à ce moment-là, peu après que Descartes a fait paraître Les Passions de l’âme et Hobbes son Léviathan? C’est qu’une même angoisse « saisit les sociétés européennes au XVIIe siècle, relève l’historien : comment contrôler les passions tumultueuses et juguler les imaginations débridées, à la fois chez les individus et dans les masses ». Le diagnostic se répand d’ailleurs dans les troupes, notamment dans les armées révolutionnaires, puis au cours des expéditions napoléoniennes. On parle même d’épidémie, dont Thomas Dodman corrèle l’expansion aux nouvelles formes de mobilités, à « la fabrique du sujet libéral et sa “mobilisation joyeuse” dans la société capitaliste ». Un tournant se produit vers 1820. La nostalgie sort progressivement du champ médical – alors que d’autres théories sont formulées, concernant par exemple « l’acclimatation » aux terres étrangères – pour devenir un thème romantique, littéraire et, finalement, une notion populaire dans sa dimension temporelle. Se raccrocher au monde d’hier permet de trouver du sens à un univers changeant, voire « inhospitalier ». Ainsi, « deux siècles après l’invention du terme, la nostalgie était devenue comme un miroir inversé de ce qu’elle fut ». Sans regret !
Nostalgie. Histoire d’une émotion mortelle
Livre
Stéphane Madelrieux
Philosophie des expériences radicales
Publié le 19 septembre 2022
Il y a la routine, la vie ordinaire, et il y a ces moments rares et privilégiés, littéralement extra-ordinaires, où nous éprouvons le sentiment de vivre quelque chose d’unique. Avec parfois même la fascinante impression que « le sens de la vie humaine se révèle davantage dans ces moments-là que lors des autres heures ». Mais que vaut exactement cette distinction entre deux types d’expériences, les exceptionnelles et les autres ? L’originalité du livre de Stéphane Madelrieux vient de ce qu’il l’interroge au regard de l’histoire de la philosophie, avec une érudition universitaire. La chose semblait entendue depuis Kant qui avait établi l’impossibilité de connaître quoi que ce soit qui se situerait au-delà de l’expérience – sauf à verser dans des spéculations métaphysiques. Pas si simple, explique le jeune spécialiste de l’empirisme anglo-saxon, qui met en exergue l’existence d’une certaine filiation empiriste à la française mal connue. Un « empirisme métaphysique », aussi paradoxal que cela paraisse, qui s’est développé tout au long du XXe siècle autour de philosophes comme Bergson, Deleuze et Foucault, mais aussi d’auteurs plus littéraires comme Bataille ou Blanchot : chacun à leur manière (que Madelrieux détaille), ils partagent l’idée qu’à défaut d’expérimenter le monde suprasensible, il y aurait quand même une espèce d’expériences qui seraient en elles-mêmes plus radicales ou plus pures. Dans la religion pour les uns, dans l’œuvre d’art pour les autres, ils se sont lancés à la recherche de ces expériences supposées supérieures permettant au monde de se révéler dans sa réalité vraie et au sujet d’affronter « les limites de la pensée, du langage et de la vie même ». Quitte pour cela à dévaloriser l’expérience commune ? C’est le prix à payer pour cette volonté de radicalité. « Il faut encore faire un effort pour renoncer aux absolus immanents de la modernité », conclut Madelrieux, plus favorable à un empirisme pragmatique qui n’accorde aucune prééminence aux expériences exceptionnelles.
Philosophie des expériences radicales
Livre
Loïc Wacquant
Voyage au pays des boxeurs
Publié le 19 septembre 2022
« Le cerveau en omelette », la peur au ventre, surtout cette impression « pire que la mort » quand l’adversaire s’acharne : pourquoi diable s’infliger cela ? C’est l’énigme qu’affronte le sociologue Loïc Wacquant dans ce bel ouvrage, où s’imbriquent entretiens, analyses et photographies. Pour percer ce mystère et être accepté dans la « confrérie de la cogne », exit l’observation surplombante de l’intellectuel qui parle du corps sans engager le sien : « J’ai pris ma part de bosses et de bleus, et je me suis fait casser le nez, comme tout un chacun », se souvient-il. À la fin des années 1980, il boxe au Woodlawn Boys Club, dans le ghetto de Chicago. Au contact des athlètes, il balaie un présupposé : on ne devient pas pugiliste par appât du gain, dérisoire dans le milieu amateur. Pour comprendre ce sport, il faut donc aller chercher ailleurs, du côté de la « transcendance de sa condition ». Le « gym », le lieu où les pugilistes s’entraînent, est un sanctuaire, loin de la drogue et – paradoxalement – de la violence de la rue. Mais c’est dans la lumière crue du ring que la raison d’être du boxeur prend tout son sens. Le livre laisse alors place aux « putain de sensations » du combat : la jubilation du coup bien porté, le vertige de l’affrontement tête contre tête et la clameur des spectateurs. Mais ne soyons pas candides : pour ces athlètes du ghetto, la boxe reste un sacrifice de soi et de son corps. « J’ai gâché ma vie dans les gyms, mais c’était un magnifique gâchis », résume DeeDee, l’entraîneur du club.
Voyage au pays des boxeurs
Livre
Nicoby (dessins) et Vincent Zabus (scénario), d’après Jostein Gaarder
Le monde de Sophie, t. 1, La philo, de Socrate à Galilée
Publié le 19 septembre 2022
« Qui es-tu ? » Cette question envoyée anonymement par courrier à une adolescente norvégienne ouvrait le roman de Jostein Gaarder en 1991. Un livre au succès mondial – 50 millions de lecteurs, des traductions dans 54 langues et une adaptation au cinéma – qui a réveillé l’intérêt pour la philosophie auprès du grand public. Plus de trente ans plus tard, Sophie se pose-t-elle toujours autant de questions ? Peut-elle susciter le même étonnement ? Oui, grâce à cette adaptation réussie en bande dessinée signée par deux auteurs chevronnés. Leur Sophie se montre plus grave que sa devancière. Elle a connu l’expérience du deuil et, surtout, se montre davantage soucieuse d’égalité, de justice sociale, de féminisme et d’écologie – même si elle manque une manifestation contre le réchauffement climatique pour avoir dialogué un peu trop longtemps avec Platon… Une Sophie davantage en prise avec le monde, donc, ce qui n’empêche pas les auteurs d’avoir glissé beaucoup d’humour dans cette vertigineuse histoire de la philosophie. Si les références mobilisées peuvent en effet donner légèrement le tournis, que dire des audaces graphiques ? Nicoby joue avec délectation des infinies possibilités de la bande dessinée : Sophie s’empare du lettrage, renverse la perspective, grandit et rapetisse telle une Alice au pays des concepts, brise les cadres des cases… Au point qu’elle se demande, s’adressant directement au lecteur, si elle n’est pas elle-même un personnage de fiction subissant un implacable déterminisme. Décidément, comme l’avertit sa première leçon, la philosophie est « à manipuler avec grande précaution » !
Le monde de Sophie, t. 1, La philo, de Socrate à Galilée
Livre
Rachel Cusk
La Dépendance
Publié le 19 septembre 2022
La romancière Rachel Cusk a le chic pour bâtir des intrigues puissantes à partir d’événements ténus. C’est encore le cas dans La Dépendance. Lors d’un voyage à Paris, M, la narratrice, découvre, bouleversée, les toiles de L, peintre renommé. Quinze ans plus tard, M, juste cinquantenaire, toujours torturée, invite L à séjourner dans la dépendance de la petite propriété côtière où elle vit avec son second mari, le pragmatique et serein Tony. À l’issue du premier confinement (la pandémie, effleurée, permet de situer le récit) et de quelques atermoiements, L dépose ses valises dans la dépendance. À le fréquenter, M se retrouve chavirée, « à vau-l’eau comme un esprit errant, chassée hors de la demeure de [son] être ». Sa relation à son mari, la féminité déployée de sa fille, jusqu’aux velléités littéraires du compagnon de celle-ci, les rêves des uns s’effilochent aux désillusions des autres. Après Arlington Park ou L’Œuvre d’une vie. Devenir mère, l’écrivaine britannique témoigne à nouveau de ses obsessions pour des personnages en quête de vérité. Sont-ils bien réels ? Suffisamment vivants ? Dans cette optique, M cherche à exister aux yeux de L, au risque de la destruction : car « votre regard tient du meurtre ». Ainsi la dépendance n’est pas qu’une maisonnette, elle est aussi affaire de sujétion. On s’en doutait. Si les phrases de Cusk sont ciselées, c’est au burin et au scalpel. Autrice ultra-cérébrale et souvent drôle, elle excelle à suturer roman et essai, réalité et fiction – d’où les initiales de M et de L, inspirés d’êtres réels, quand les personnages fictifs ont droit à un prénom. On peut s’amuser, pour qui l’a lue, à chercher Rachel dans l’histoire : je la devine cachée, l’entends partout. Et aucun doute, quant à moi : à la lire, je me sens vivante.
La Dépendance
CULTURE
Article 2 min
Gérard Garouste. Peindre entre les langues
Cédric Enjalbert 21 septembre 2022
Le Centre Pompidou à Paris consacre au peintre une grande exposition qui se présente comme une stimulante énigme à déchiffrer.
Gérard Garouste. Peindre entre les langues
Article 2 min
“Iphigénie”. Destinée
Cédric Enjalbert 21 septembre 2022
En revisitant le mythe antique d’Iphigénie, Tiago Rodrigues rend aux personnages la liberté dont le sort tragique les prive. Une pièce de théâtre à voir en tournée dans toute la France.
“Iphigénie”. Destinée
Article 2 min
“Sans filtre”. Les damnés de la mer
Cédric Enjalbert 21 septembre 2022
Avec ce film récompensé par la Palme d’Or au dernier Festival de Cannes, le réalisateur suédois Ruben Östlund livre un conte philosophique qui subvertit de manière jubilatoire les rapports de domination.
“Sans filtre”. Les damnés de la mer
OH ! LA BELLE VIE !
Article 3 min
Conseil n° 22 : soyons à la fête
François Morel 21 septembre 2022
Ne perdons aucune occasion de célébrer, de festoyer, de ripailler. N’oublions pas que la France est le pays de Jack Lang et de Patrick Sébastien, de Régine et d’Amanda Lear, de Roselyne Bachelot et de Carlos, d’Éric Ciotti et de Manuel Valls (rayez les mentions inutiles). Pots de départ,..
Conseil n° 22 : soyons à la fête
JEU
Article 1 min
Philocroisés #84
Gaëtan Goron 21 septembre 2022
Horizontalement I. Une grille en 8 par 12, 3 cases de moins ce mois-ci, c’est pour coller au thème. II. Sera soulagé après. III. Davantage apprécié à l’opéra qu’à l’apéro. Était prêt et réagit au coup de feu. IV. 10-18. 20 % à la normale. V. ..
Philocroisés #79
QUESTIONNAIRE DE SOCRATE
Article 2 min
Tiago Rodrigues. Un cœur simple
Cédric Enjalbert 21 septembre 2022
« Quelle admirable invention du Diable que les rapports sociaux ! » écrit Flaubert, que le metteur en scène admire. Cet aphorisme lui va bien, à lui le fils de dissidents portugais qui dirige désormais le Festival d’Avignon. Car, dans ses créations, il ne cesse de songer à la meilleure façon de partager, « au théâtre comme dans la vie », notre « plus grand trésor » : le temps. L’artiste ne le perd pas en cette rentrée, puisqu’il présente trois spectacles à Paris, qu’il a écrits et montés : Dans la mesure de l’impossible à l’Odéon jusqu’au 14 octobre ; Catarina ou la beauté de tuer des fascistes ainsi que le Chœur des amants aux Bouffes du Nord, du 7 au 30 octobre. Levons le rideau !
(Philomag)
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[n° ou bulletin] est un bulletin de / Alexandre Lacroix (2011)N°163 - Octobre 2022 - La sobriété. Pourquoi est-il si difficile de se modérer [texte imprimé] . - 2022 . - 98 p. : ill. en coul. ; 29 cm. Langues : Français ( fre) Catégories : | Philosophie
| Tags : | boisson alcool sobriété soif | Index. décimale : | 17 Morale. Éthique. Philosophie pratique | Résumé : | Sommes-nous capables d’observer une discipline désintéressée pour le bien de la planète et des générations futures ? Pouvons-nous vraiment désirer la modération ? Alors que l’appel écologique et politique à la sobriété est sur toutes les lèvres, c’est la question philosophique que nous nous sommes posée !
(Philomag) | Note de contenu : | ÉDITO
Article 3 min
Jusqu’à plus soif
Alexandre Lacroix 21 septembre 2022
C’est une sensation nette, bien circonscrite dans le temps, et cependant difficile à décrire : lorsqu’on a bu une première quantité d’alcool – mettons une bière, un ou deux verres de vin –, on a envie de poursuivre, on ressent un vif appel de l’ivresse. Physiologiquem..
VOS QUESTIONS
Article 3 min
“Quand j’aime un auteur, je veux tout lire de lui. Est-ce normal ?”
Charles Pépin 21 septembre 2022
Question de Marine Renoux
“Quand j’aime un auteur, je veux tout lire de lui. Est-ce normal ?”
REPÉRAGES
Article 1 min
Intelligence arty
Octave Larmagnac-Matheron 21 septembre 2022
Dall-e, Craiyon… Depuis quelque temps, les intelligences artificielles (IA) de création d’images se multiplient. L’une d’elles, Midjourney, a même remporté le prix artistique de la Colorado State Fair pour son Théâtre d’opéra spatial (photo). Le résultat est aléatoire, et, même lo..
Intelligence arty
Article 1 min
“Conservatrice”
Octave Larmagnac-Matheron 21 septembre 2022
“J’ai fait campagne en tant que conservatrice et je gouvernerai en tant que conservatrice” Liz Truss, nouvelle Première Ministre du Royaume-Uni, le 5 septembre 2022. “Le compromis, c’est le but de la politique conservatrice” Roger Scruton, dans Conservatisme (2014). ..
Article 1 min
“Fatigue informationnelle”
Octave Larmagnac-Matheron 21 septembre 2022
Si la notion, forgée en 1996 par le psychologue britannique David Lewis, n’est pas nouvelle, elle acquiert aujourd’hui, à la faveur du développement du numérique, une ampleur sans précédent : un Français sur deux souffrirait de « fatigue informationnelle », révèle une �..
“Fatigue informationnelle”
Article 1 min
“9”
Octave Larmagnac-Matheron 21 septembre 2022
C’est le nombre de personnes tuées en France suite à un refus d’obtempérer, depuis le début de l’année. La disproportion entre le délit et la « peine » relance la question : la police a-t-elle un problème avec la violence ? Oui, répondait Walter Benjamin dans Pour..
Article 2 min
Histoire d’eau
Octave Larmagnac-Matheron 21 septembre 2022
Demande mondiale d’eau aujourd’hui 4 600 km3 par an + 600 % en un siècle + 1,8 % en moyenne par an Sont affectés par le manque d’eau aujourd’hui 3,6 milliards d’êtres humains 47 % de la population mondiale Demande mondiale d’eau en 2050 ..
PERSPECTIVES
Article 3 min
Les sanctions, mesures à double tranchant ?
Michel Eltchaninoff 21 septembre 2022
Alors que les effets des sanctions occidentales contre la Russie peinent à se faire sentir, certains remettent en cause leur utilité. Mais, si l’on se penche sur ce terme, on se rend compte que la sanction, contrairement à la punition, touche autant ceux qui la subissent que ceux qui l’appliquent. Explications.
Les sanctions, mesures à double tranchant ?
Article 3 min
Elizabeth II : régner sans gouverner
Octave Larmagnac-Matheron 21 septembre 2022
Discrète, secrète, mystérieuse, telles étaient les qualités de la défunte reine. Ce comportement a été détaillé par l’essayiste du XIXe siècle Walter Bagehot dans son ouvrage sur la constitution anglaise. Quel est le rôle d'un souverain au sein d’une monarchie parlementaire ?
Elizabeth II : régner sans gouverner
Article 3 min
Ida Dominijanni : “Giorgia Meloni, figure de l’extrême droite italienne, propose un ‘fratriarcat’”
Alexandre Lacroix 21 septembre 2022
Qui est Giorgia Meloni, cheffe de file de l’extrême droite en Italie, qui devrait sortir très renforcée des élections du 25 septembre ? L’analyse de la philosophe et éditorialiste Ida Dominijanni.
Ida Dominijanni : “Giorgia Meloni, figure de l’extrême droite italienne, propose un ‘fratriarcat’”
Article 2 min
Décrocher (de) la Lune
Octave Larmagnac-Matheron 21 septembre 2022
La mission lunaire américaine Artemis 1 devrait décoller mi-octobre . Mais ne sommes-nous pas en train de nous tromper de priorité, alors que les catastrophes climatiques ravagent la Terre ?
Décrocher (de) la Lune
AU FIL D’UNE IDÉE
Article 3 min
Il était une fatwa
Sven Ortoli 21 septembre 2022
Le mot « fatwa » est mentionné à 11 reprises dans 5 sourates différentes du Coran. Lors des premiers siècles de l’islam, la fatwa désigne un avis donné sans obligation d’acceptation, en réponse à une question personnelle posée par un croyant sur une interprétation..
Il était une fatwa
ETHNOMYTHOLOGIES
Article 3 min
Cartes de visite à QR Code. Le grand sceau
Tobie Nathan 21 septembre 2022
Avec ce petit carré à « flasher », le cadre décline son identité comme un produit scanné à la caisse du supermarché. Sans se douter que ce procédé renoue avec une longue tradition.
Cartes de visite à QR Code. Le grand sceau
DIALOGUE
Dialogue 15 min
Adèle Van Reeth-Frédéric Worms : sous le règne des philosophes ?
Alexandre Lacroix 21 septembre 2022
À un mois d’intervalle, deux philosophes ont accédé à des fonctions éminentes : Adèle Van Reeth a été nommée directrice de France Inter et Frédéric Worms directeur de l’École normale supérieure. Mais au fait : comment gouverne-t-on avec la philosophie ? Quels outils donne-t-elle pour la vie professionnelle ? Alors qu’ils entrent en fonction, nous les avons invités à échanger sur ces questions.
Adèle Van Reeth-Frédéric Worms : sous le règne des philosophes ?
RÉCIT
Article 9 min
Simone contre Simone
Nicolas Gastineau 21 septembre 2022
Simone Weil et Simone de Beauvoir se connaissaient mais ne se supportaient pas. Un antagonisme révélé par Les Visionnaires, nouveau livre de l’ex-rédacteur en chef de l’édition allemande de Philosophie magazine, Wolfram Eilenberger. Il revient sur leurs oppositions, tant personnelles que philosophiques.
Simone contre Simone
L’ŒIL DE LA SORCIÈRE
Article 3 min
Parce que c’était elle…
Isabelle Sorente 21 septembre 2022
Si l’amitié se déploie par des paroles, des confidences échangées, elle naît aussi d’une mystérieuse attraction, par-delà les mots. Une alchimie propre aux humains ? Pas seulement.
Parce que c’était elle…
DOSSIER
6 articles
La sobriété. Pourquoi est-il si difficile de se modérer ?
Publié le 21 septembre 2022
Nous avons l’habitude de faire des efforts sur nous-mêmes, notamment pour le travail. Seulement voilà : nous sommes aussi habitués à ce que ces efforts soient récompensés. En salaires, en bons repas, en voyages, en diplômes ou en trophées sportifs… Et c’est peut-être là que l’appel à la sobriété aujourd’hui, quand il procède d’un sincère souci écologique – nous devons changer nos modes de vie, car notre logique de croissance n’est pas soutenable –, rencontre un obstacle profond en nous : sommes-nous capables d’observer une discipline désintéressée pour le bien de la planète et des générations futures ? > En d’autres termes, allons-nous désirer la modération ? Cela semble contradictoire tant ce que nous vivons dans le désir, c’est l’emportement, la frénésie. N’y a-t-il pas là, plus encore qu’une réforme éthique ou politique, un enjeu métaphysique : savons-nous désirer le fini et non pas l’infini ? > L’une des ruses du capitalisme, explique le philosophe Olivier Rey, est qu’un certain nombre de biens au départ inutiles – une voiture, un téléphone, un ordinateur… – sont devenus indispensables à la vie en société. Une fuite en avant ? > L’histoire de la philosophie nous offre quand même des points d’appui face à ce vertige : les Grecs faisaient l’éloge de la mesure, et il existe une contre-modernité initiée par Jean-Jacques Rousseau, puis Henry David Thoreau, qui se propose de renouer avec la nature pour corriger les excès de la civilisation. > Spécialiste de la décroissance, Agnès Sinaï réfléchit à des solutions politiques et économiques pour changer de modèle : sommes-nous capables de passer de la globalisation marchande à un réancrage de nos productions et de nos consommations ? > Une urbaine partie en Ardèche, un « minimaliste », une nonne bouddhiste et un champion d’ultra-trail, ces témoins nous éclairent sur leurs pratiques mais aussi sur leurs difficultés rencontrées sur la voie de la décélération. > Le Trésorier-payeur est l’un des événements de cette rentrée littéraire. Dans ce roman, Yannick Haenel déploie la théorie de la dépense et de l’économie de Georges Bataille : et si le don, la charité et l’ivresse étaient aujourd’hui les ultimes subversions, seules à même de racheter un système qui s’est emballé ?
La sobriété. Pourquoi est-il si difficile de se modérer ?
Article 6 min
Bornes d’abondance
Martin Legros 21 septembre 2022
Le nouvel idéal de sobriété, censé orienter nos vies face à la crise écologique et énergétique, implique une rupture avec l’éthique de la démesure des Modernes. Mais sommes-nous préparés à voir dans la modération un bien plutôt qu’un interdit ?
Bornes d’abondance
Article 6 min
Olivier Rey : être mieux avec moins ?
Martin Legros 21 septembre 2022
Après avoir longtemps ignoré les limites de notre modèle de croissance, les élites prônent dorénavant un retour à la sobriété. Pour le philosophe et mathématicien Olivier Rey, celle-ci ne doit pas prendre la forme d’une austérité qui tombe d’en haut mais d’une sagesse joyeuse, désirable pour elle-même.
Olivier Rey : être mieux avec moins ?
Article 15 min
Comment nous sommes devenus goinfres
Michel Eltchaninoff 21 septembre 2022
L’appel à ne pas trop consommer ne date pas d’aujourd’hui. La mesure était une vertu cardinale de l’Antiquité. La Modernité, elle, nous a engagés à dépasser toutes les limites et à exploiter le monde. Mais, en son sein, des penseurs ont organisé la résistance à la société d’abondance. Voici l’histoire mouvementée de la tempérance.
Comment nous sommes devenus goinfres
Article 6 min
Agnès Sinaï : “S’extraire du système productiviste”
Cédric Enjalbert 21 septembre 2022
Quel monde imaginer dans une logique de décroissance ? Sans avoir LA solution, c’est néanmoins à cet exercice difficile de prospective que se prête l’essayiste Agnès Sinaï, en élaborant des modèles de vie sociale, politique et économique alternatifs.
Agnès Sinaï : “S’extraire du système productiviste”
Article 11 min
Pour repartir sur de bonnes bases
Cédric Enjalbert, Caroline Pernes, 21 septembre 2022
Qu’ils soient engagés, esthètes, spirituels ou athlètes, les quatre témoins que nous avons interrogés ont choisi une vie moins encombrée par la consommation et l’argent, par les objets en trop grand nombre, par les faux besoins et les désirs parasites.
Pour repartir sur de bonnes bases
Article 8 min
Yannick Haenel : “L’objet de la dépense est l’intensité, pas l’autodestruction”
Cédric Enjalbert 21 septembre 2022
Trésorier-payeur : sous ce titre énigmatique, l’écrivain Yannick Haenel offre une réflexion généreuse sur la dépense dans un dernier roman inspiré et captivant. Il se prend à rêver d’un personnage fantasque et paradoxal, un banquier qui détesterait l’argent, un mystique qui vivrait pour la dépense, sans modération. Par facétie, il l’a appelé Georges Bataille, comme le penseur du désir et de l’excès. Sur ses pas, il fait le récit d’une « économie générale », fondée moins sur l’épargne que sur le don.
Yannick Haenel : “L’objet de la dépense est l’intensité, pas l’autodestruction”
ENTRETIEN
Entretien 18 min
Susan Neiman : “Face au mal, la majorité des gens préfère regarder ailleurs”
Alexandre Lacroix 21 septembre 2022
Avec son nouvel essai Penser le mal, qui vient de paraître en France, cette philosophe américaine ne propose rien moins qu’une refondation de la morale, domaine laissé en friche par la pensée contemporaine. Une plongée vertigineuse dans les pas de Leibniz, Kant et Arendt.
Susan Neiman : “Dès le plus jeune âge, l’humain distingue ce qui est de ce qui devrait être”
L’AVENTURE D’UN CLASSIQUE
4 articles
“Éthique”, de Spinoza : logique de la joie
Publié le 21 septembre 2022
Voici un livre qui ne ressemble à aucun autre. Spinoza y traite certes du bien, du mal, de la liberté et des passions humaines, mais à la manière d’un mathématicien. Les définitions et les axiomes s’y développent, permettant d’enchaîner les propositions de manière logique et implacable. Or peut-on démontrer le chemin vers le bonheur à coup de C.Q.F.D. ?
“Éthique”, de Spinoza : logique de la joie
Article 11 min
“Éthique”, de Spinoza : géométrie du bonheur
Frédéric Manzini 21 septembre 2022
Voici un livre qui ne ressemble à aucun autre. Spinoza y traite certes du bien, du mal, de la liberté et des passions humaines, mais à la manière d’un mathématicien. Les définitions et les axiomes s’y développent, permettant d’enchaîner les propositions de manière logique et implacable. Or peut-on démontrer le chemin vers le bonheur à coup de C.Q.F.D. ?
“Éthique”, de Spinoza : logique de la joie
Article 2 min
“Éthique”, de Spinoza : anatomie d’une œuvre
Frédéric Manzini 21 septembre 2022
L’Éthique doit être lu comme un tout. Les cinq parties s’articulent entre elles comme autant d’étapes très progressives qui permettent au philosophe d’ancrer l’éthique (parties IV-V) solidement dans ce qu’on peut considérer comme une métaphysique (partie I), une physique (partie II) et une psychologie (partie III).
Article 2 min
L’“Éthique” de Spinoza vue par…
Frédéric Manzini 21 septembre 2022
Voltaire « Je ne connais que Spinoza qui ait bien raisonné, mais personne ne peut le lire. Ce n’est point par la métaphysique qu’on détrompera les hommes ; il faut prouver la vérité par les faits. » (Lettre à d’Alembert, 1773) G. W. F.&nb..
Article 5 min
Maxime Rovere et la place de Dieu dans l’“Éthique” de Spinoza
Frédéric Manzini 21 septembre 2022
Dans la partie finale de l’Éthique, Spinoza (1632-1677) livre ses ultimes enseignements sur la manière de vivre. L’occasion pour Maxime Rovere, spécialiste du philosophe, de faire une mise au point sur la place de la religion et du divin dans cette œuvre majeure.
Maxime Rovere et la place de Dieu dans l’“Éthique” de Spinoza
BOÎTE À OUTILS
Article 2 min
Pourquoi avons-nous du mal à reconnaître nos erreurs ?
Batiste Morisson 21 septembre 2022
Est-ce parce que le tort tue que nous rechignons à admettre que nous nous sommes trompés ? Heureusement ces quatre philosophes savent raison garder.
Pourquoi avons-nous du mal à reconnaître nos erreurs ?
Article 1 min
Niksen
Octave Larmagnac-Matheron 21 septembre 2022
Langue d’origine : néerlandais
Article 2 min
“Suicide”
Caroline Pernes 21 septembre 2022
Avant d’en finir, écoutez ces philosophes.
BACK PHILO
Bac philo 6 min
L’État nous protège-t-il du chaos ?
Aïda N’Diaye 21 septembre 2022
Analyse des termes du sujet « L’État » Le pouvoir politique, les institutions publiques, la nation. « Nous » Les individus, la société. « Protège » Évite ou régule. « Chaos » Désordre, conflits, violence… le chaos est le contraire du monde entendu au sens de « belle totalité » chez les Grecs notamment.
LIVRES
Article 2 min
J’y pense et puis je lis / Octobre 2022
Jean-Marie Durand 21 septembre 2022
Pourquoi l’obsession pour la réparation de la Terre et le soin du vivant, prise en charge par les pensées environnementales et les théories du care, laisse-t-elle de côté « les choses », dont le romancier Georges Perec consignait dès 1965 la place centrale dans nos vies ? Po..
Livre
Maxime Rovere
Se vouloir du bien et se faire du mal. Philosophie de la dispute
Publié le 19 septembre 2022
Maxime Rovere a le chic pour s’emparer de problèmes insaisissables, bien qu’on les subisse régulièrement. Après les cons (Que faire des cons ? Pour ne pas en rester un soi-même, Flammarion, 2019), voici que le spécialiste et traducteur de Spinoza (lire la préface au cahier central) s’intéresse à la dispute. Pas celle, noble, qui consistait à discuter d’un problème philosophique entre messieurs à mine sérieuse et au français mâtiné de latin. Non. Plutôt celle, bien sale, qui, une fois les arguments montés en neige, se limite à déverser sur votre conjoint, votre mère, votre frère, votre collègue, toutes les eaux usées de votre psyché, alors que ce dernier n’en demandait pas tant – il ou elle l’a pourtant bien cherché, pensez-vous peut-être, et c’est aussi ce qui passionne Maxime Rovere. Pourquoi la tempête surgit-elle brusquement, quand tout n’était jusque-là que guimauve et gazouillis ? Pourquoi ce geste a priori anodin chez une personne qui nous est pourtant chère déclenche-t-il des foudres insoupçonnées ? Car la dispute concerne exclusivement « ceux qui s’aiment » et sont donc doués de bonne volonté l’un à l’égard de l’autre, remarque le philosophe – eh oui ! si vous vous disputez avec votre voisin d’open-space, c’est que, d’une certaine façon, vous tenez à lui (du moins à son opinion). Ce qui intéresse Maxime Rovere n’est pas tant de départager celui qui a raison de celui qui a tort. Si vous espérez des conseils de sophrologie pour garder le sourire au moment où vos oreilles saignent sous les pires insanités, passez votre chemin ! L’auteur s’intéresse plutôt à la mécanique de la dispute comme on étudierait un système dynamique. Parce qu’elles nous font littéralement sortir de nos gonds, les disputes sont des interactions que l’on peut étudier indépendamment des agents qui les déclenchent, affirme-t-il. Et pour cela, il faut évacuer deux erreurs : la première consiste à croire que nous sommes libres de rétropédaler lorsque les hostilités sont enclenchées ; la seconde, que nous proférons nos imprécations avec des intentions maîtrisées et pleinement conscientes. Maxime Rovere pense dans un cadre spinoziste : nous ne sommes libres que dans la mesure où nous connaissons toutes nos déterminations – ce qui est quasiment impossible – et nous qualifions de beau et de bon ce qui nous est agréable. L’étude des interactions houleuses lui permet d’avancer une définition personnelle de la liberté : puisque nous sommes pris dans un réseau d’interactions sans cesse mouvantes et changeantes, notre liberté « procède de l’extraordinaire disponibilité des interactions, et non de la variété des possibles ». Exercer notre liberté ne revient pas à choisir entre le chemin de gauche et celui de droite, mais plutôt à surfer sur une mer dont les courants dessinent des directions complexes. Cela suppose que nous ne soyons pas toujours maîtres du courant qui nous emporte, voire nous traverse, jusqu’à nous faire dire des choses que nous regrettons sitôt prononcées. La dispute nous révèle donc aussi bien hors de nous-mêmes que tels que nous sommes vraiment.
Se vouloir du bien et se faire du mal. Philosophie de la dispute
Livre
Géraldine Mosna-Savoye
La Force du mou
Publié le 19 septembre 2022
« La mozzarella, le poulpe, une serviette-éponge, les montres molles de Dalí et même François Hollande… » D’emblée, ce livre est confronté à une polysémie. En tant que qualité matérielle, la mollesse est déjà une notion relative. Lorsqu’elle devient l’attribut d’un caractère ou d’un comportement, nous entrons dans la métaphore. Au-delà du flou intrinsèque à sa définition, la mollesse apparaît comme un thème de réflexion inépuisable dont Géraldine Mosna-Savoye dresse avec malice et brio l’état des lieux philosophique, depuis Tocqueville et la mollesse des sociétés démocratiques jusqu’à Kierkegaard et l’angoisse du vide, en passant par Rousseau et Arendt. Cette promenade conceptuelle entre en résonance avec la place du « mou » dans nos modes de vie consuméristes, depuis la décontraction du jogging jusqu’au charme discret de la serviette-éponge. Et si le mou, en morale comme en érotisme, en art comme en politique, devenait un idéal ? Comme la tiédeur, la mollesse se trouve au centre d’un paradoxe : elle a beau être la consistance même du vivant, elle souffre de discrédit. Pourquoi tant de réprobation envers cette qualité qui définit notre chair et celle de la plupart des animaux ? Certes, derrière la tendreté de la viande que nous mangeons se profile le dégoût des matières en décomposition et du magma organique. Mais pourquoi ne pas regarder le mou en face et l’adopter comme une part de notre univers matériel et mental ? « Échappant à toute catégorie connue, échappant à toute fonction, toute utilité, et sans valeur, son étrangeté met au défi notre volonté et notre entendement, autrement dit notre soif de maîtrise », répond ici Géraldine Mosna-Savoye. Tel est le vertige du mou, dont La Nausée de Sartre donnait un avant-goût littéraire : il résiste à toute classification, il refuse obstinément d’entrer dans l’ordre du sens. Cette consistance pourtant intime et quotidienne ne peut être envisagée autrement que comme un état limite et un point de fuite.
La Force du mou
Livre
Virginie Despentes
Cher Connard
Publié le 19 septembre 2022
Pour / Un roman total D’un règlement de comptes à la régulation des affects : c’est à la dialectique d’un mouvement d’émancipation que se livre Virginie Despentes dans son roman au dispositif épistolaire, mettant en scène deux personnages que tout oppose et que tout rapprochera. Au fil de leurs échanges, hilarants et subtils sous leur apparence vipérine, une certaine douceur affleure entre Rebecca et Oscar, comme si la guerre des sexes portait en elle l’horizon d’une paix des « baves ». Ce rapprochement ne procède pas d’autre chose que du miracle de la conversation. Comme un écho au récent livre de la philosophe Manon Garcia, La Conversation des sexes, qui théorisait la nécessité de repenser, via la discussion ouverte, la question du consentement, Cher connard prend au sérieux le principe de cette conversation – au pied de la lettre, en somme. Lucide sur ce qui cloche encore entre les hommes et les femmes, mais aussi sur la violence des réseaux sociaux, des addictions… la romancière mesure les résistances tenaces de la culture patriarcale autant qu’elle se prend à imaginer qu’elles se fissureront un jour. Quand bien même elle brasse un peu tous les sujets clés du moment, elle ne laisse jamais sa veine d’éditorialiste énervée écraser son souffle de romancière nuancée. Despentes joue avec ses personnages, les habitant autant l’un que l’autre ; sa voix s’entend dans chaque mot, y compris ceux d’Oscar, dont on devine combien sa fragilité encapsulée dans la connerie la touche. Si, comme le disait Lacan, la psychanalyse est « sans effet contre la connerie », la littérature peut, elle, tenter de la comprendre, en l’affrontant de l’intérieur, sans analyser ses non-dits mais en faisant résonner sa brutalité. Comment sortir de tous les chaos – intimes, sociaux, familiaux – qui plombent la vie de beaucoup et qui sont souvent des accélérateurs de la connerie ? Rien n’est si simple dans le roman, ne serait-ce que parce que chaque personnage défend ses raisons, voire sa déraison. Maîtrisant l’art des punchlines emprunté à la culture du rap, Despentes choisit surtout la voie du roman total au cœur duquel vibrent les colères éruptives du présent. Jean-Marie Durand Contre / Où est passée la rage ? De Baise-moi jusqu’à Vernon Subutex, en passant par King Kong Théorie, Virginie Despentes avait réussi à s’emparer de tous les genres pour secouer notre représentation du réel – et en particulier des relations amoureuses –, tout en exprimant une rage personnelle, celle d’une femme libre et éprouvée qui refusait toutes les assignations dans un monde abîmé par la violence et la soumission, confisqué par les dominants et voilé par une moraline mensongère. Est-ce la reconnaissance, la question de l’âge et de la maturité qui taraudent ses personnages ? Est-ce le renoncement aux substances et aux excès conjugué à l’expérience du confinement qui constitue la toile de fond de ce récit ? Ou est-ce l’esprit du temps – à la fois réac’ et révolté, mais obnubilé par le politiquement correct – qui s’est emparé de cette rage si singulière dont Despentes était le nom ? Voici en tout cas un ensemble sans forme ni style, où trois personnages recrachent à tour de rôle leurs opinions ou leurs petites théories, contraires mais con-venues, sur un monde réduit à une peau de chagrin, celle de nos emportements sur les réseaux sociaux autour du Covid-19, des conflits entre féministes sur la domination masculine ou de la fascination de l’argent dans le gangsta rap. L’incident de parcours ne vaudrait pas le détour si une critique quasi unanime n’avait fait de ce texte le « grand livre de la rentrée », renonçant à se pencher sur le style, d’une platitude consommée – le mot « con » revenant à toutes les pages, en guise de cache-misère, malgré quelques formules bien senties (« C’est toujours le mal qu’on nous a fait qu’on essaie de se pardonner ») –, sur la psychologie des personnages – caricaturale ou inexistante – ou sur la cohérence du récit – totalement improbable –, pour créditer Despentes (c’est un comble !) d’avoir délivré une grande leçon de « réconciliation post-#MeToo » (sic). Alors que la critique se réjouit d’une Despentes assagie, ce qui nous attriste dans cette affaire, c’est d’avoir perdu une écrivaine enragée au profit d’une idéologue rangée. Despentes, reviens ! Martin Legros
Cher Connard
Livre
Alexandre Lacroix
Au cœur de la nature blessée
Publié le 19 septembre 2022
Apprendre à… aimer notre environnement, même et surtout quand il est abîmé ! Comme le montre Alexandre Lacroix, cet impératif n’est pas vraiment un choix, sauf à nous complaire dans l’évocation de trésors perdus et à nous morfondre en attendant le pire. « Nous entretenons une image mentale idéalisée de la nature », écrit l’auteur et nous n’avons pas encore les moyens de penser sa nouveauté. Ce livre est donc « une tentative de mise à jour de nos catégories sensibles », mêlant à la réflexion la qualité des descriptions littéraires et la richesse des témoignages. En effet, de brefs intermèdes entre les chapitres donnent la parole à des habitants, tout autour du globe. Ils nous mènent de la Bourgogne familière de l’écrivain aux forêts primaires polonaises, en passant par les mers polynésiennes ou les plaines du Japon. Il s’agit avec eux de réformer notre regard. Comment ? En rompant avec une tradition philosophique qui fonde l’esthétique occidentale : la critique kantienne. Elle consiste en une série de distinctions qui ne tiennent plus aujourd’hui, comme l’opposition entre nature et culture, quand tout est en réalité composite, ou l’idée que nos jugements de goût n’auraient rien à voir avec la morale, alors que toutes nos perceptions en sont désormais teintées. Cette réforme demande un certain effort d’adaptation, mais « nous gagnons tout de même au change en sautant le pas, en acceptant de vivre au cœur de la nature blessée : c’est une condition pour retrouver le contact avec le réel ». Et pour agir !
Au cœur de la nature blessée
Livre
Lionel Naccache
Apologie de la discrétion
Publié le 19 septembre 2022
Déconcertant, le dernier opus du neuroscientifique féru de philosophie Lionel Naccache l’est à plus d’un titre. En lieu et place d’une qualité humaine, la discrétion renvoie ici au concept mathématique : est discret un ensemble composé d’éléments clairement distincts et séparés, par opposition aux ensembles continus. L’objectif de cet essai construit « à la manière des géomètres » par un enchaînement de définitions, propositions, scolies… est ambitieux : interroger la manière dont nos individualités font « partie » de cet ensemble que constitue le monde. « Nos dispositions naturelles et notre éducation culturelle […] concourent à rendre notre discrétion fondamentale fort discrète à nos propres yeux », remarque Naccache. Nous nous perdons au sein de collectifs, de groupes, où l’un empiète sans arrêt sur l’autre. Pourtant, « chaque individu conscient » devrait être pensé comme « atome de conscience ». Cette déliaison, cette solitude originelle n’exclut pas la possibilité de faire communauté, mais cette communauté peut être établie sur des bases saines : nous pouvons apprendre à « faire comme si nous étions engagés dans une relation de continuité […] avec le reste du monde, c’est-à-dire se montrer infiniment proche de lui et infiniment préoccupé par lui ». Une grille de lecture féconde qui peut être mobilisée, Naccache y invite, pour relire de manière apaisée les questions les plus brûlantes de notre époque – de la transidentité au communautarisme ou à l’écologie.
Apologie de la discrétion
Livre
Amia Srinivasan
Le Droit au sexe. Le féminisme au XXIe siècle
Publié le 19 septembre 2022
Au cœur de la grande conversation, parfois houleuse, que mènent entre elles les multiples divisions féministes de par le monde, Amia Srinivasan, philosophe de 37 ans enseignant à Oxford, impose une voix à part. Moins frondeuse que soucieuse de creuser quelques abcès dans les plaies théoriques et pratiques de l’actualité du féminisme, elle explore dans son premier texte traduit en France des sujets sensibles – le porno, la prostitution, la politique du désir… – sur lesquels aucun consensus féministe ne s’impose. Selon elle, « le féminisme doit se poser des questions que de nombreuses féministes préféreraient éviter » s’il veut prolonger sa longue histoire émancipatrice. Que faut-il vraiment pour transformer l’esprit du patriarcat ? Que devraient faire les féministes si elles gagnaient ? Comment sortir de la tension entre la logique misogyne d’un droit au sexe absolu, sans discussion, et la logique d’un autoritarisme moral méfiant par nature devant les jeux sexuels ? La pénalisation du travail du sexe ne conduit-elle pas à un « féminisme carcéral » ? La philosophe invite ainsi à assouplir la pureté d’un féminisme absolutiste, qui ne serait en rien un appauvrissement de ses horizons mais bien un réarmement pratique et théorique. Un féminisme qui en vaut la peine se doit « d’attendre des femmes qu’elles soient meilleures – pas uniquement plus justes, mais aussi plus imaginatives – que ne l’ont été les hommes ». Elle se confronte ainsi à une partie de la pensée anglophone dominante, qui ne tient pas assez compte, selon elle, « des particularités de la vie des femmes et se contente de leur annoncer, d’en haut, ce que signifie réellement leur vie ». Adepte d’une approche intersectionnelle, elle critique surtout le féminisme qui, axé sur l’oppression commune des femmes, n’a pas le moindre effet sur les structures d’inégalité sociale qui touchent la majorité d’entre elles. La dialectique de sa pensée ne cède jamais à la facilité de la théorie vindicative, tout en appelant à une réouverture du champ du féminisme, plus attentif à l’inventivité de ses combats.
Le Droit au sexe. Le féminisme au XXIe siècle
Livre
Michel Serres
Œuvres complètes 1. Cahiers de formation
Publié le 19 septembre 2022
« Pas un jour sans tracer une ligne. » À l’été 1960, Michel Serres décide, par cette maxime empruntée au peintre Nicolas Poussin, de tenir un journal où il va noter ses intuitions sous la forme de récits, de poèmes ou de confidences. Quinze ans plus tard, au printemps 1974, ce sont près de vingt cahiers à spirale grand format qui auront été remplis. L’ensemble qu’il a souhaité voir publié après sa mort constitue aujourd’hui le premier tome du monumental projet de ses œuvres complètes initié par les éditions du Pommier. Serres le conclut ainsi : « Fin du journal et de l’adolescence. Il était temps, foutre de foutre. » De fait, ce massif, introduit et édité avec un soin remarquable par Roland Schaer, aura été pour lui un espace d’« ensemencement » pour devenir un écrivain qui éprouve « la jouissance folle d’inventer » en forçant le mur des mots, un philosophe destiné non pas à commenter les auteurs du passé mais à capter la nouveauté « blanche » du présent – et un homme sensible qui a traversé une série de « crises atroces », liées à la rigueur de son éducation et à une série de ruptures familiales et professionnelles. On suit un penseur qui parvient au travers de ses travaux sur les mathématiques, la science, Leibniz ou Pascal, à retrouver le monde et la terre dont il avait le sentiment d’avoir été chassé. « La philosophie n’est que cela : la science de l’amour, écrit-il vers le fin. Son lieu est le paradis perdu. Son but est de le retrouver. » Ces cahiers vibrent à chaque page de cette quête interminable.
Œuvres complètes 1. Cahiers de formation
Livre
Jean-Loïc Le Quellec
La Caverne originelle
Publié le 19 septembre 2022
Pourquoi les humains paléolithiques se sont-ils efforcés d’atteindre les tréfonds de cavités rocheuses, souvent dangereuses, pour dessiner, graver ou peindre leurs parois ? Dans une somme illustrée impressionnante d’érudition, l’anthropologue et préhistorien Jean-Loïc Le Quellec, directeur de recherches émérite au CNRS, fait souffler l’esprit critique sur l’art pariétal en démontant les interprétations anciennes et contemporaines souvent hâtives et idéologiquement marquées – que celles-ci aient vu dans les figures rencontrées un support chamanique, voire pédagogique, un instrument magique, propitiatoire, communicationnel ou encore une simple décoration. Néanmoins, cette injonction à la modestie interprétative n’empêche pas l’auteur de relever le gant de l’exigence explicative avec une théorie générale de l’art pariétal ! Le Quellec démontre ainsi qu’un mythe de « l’émergence primordiale » aurait induit un intérêt des paléolithiques pour le fond des cavernes, conçues comme le passage par lequel des humains et des animaux qui existaient déjà dans le monde souterrain, seraient advenus à la surface. À cette fin, il met en œuvre une méthode originale, recoupant une « phylomémétique des mythes » (l’établissement de liens de parenté entre les mythes du monde par l’analyse de leurs composants, inspiré de l’évolutionnisme) avec l’étude de la distribution spatiale de ces contenus culturels et de l’expansion des premières populations d’humains modernes depuis l’Afrique. À cette lumière, l’allégorie platonicienne de la caverne apparaît comme l’inversion d’un mythe largement antérieur, d’après lequel c’est la descente dans les profondeurs qui nous rapprocherait des vérités ultimes.
La Caverne originelle
Livre
Thomas Dodman
Nostalgie. Histoire d’une émotion mortelle
Publié le 19 septembre 2022
La nostalgie n’a pas toujours été un sentiment bénin . On en mourait autrefois, littéralement ! Voici l’une des découvertes de l’historien britannique des sensibilités Thomas Dodman. Dans cet essai foisonnant, il rappelle que le terme, inventé en 1688 par le médecin mulhousien Johannes Hofer, aurait pu rester confidentiel, s’il n’avait pas bénéficié d’une publicité fortuite. Par ailleurs, quand il choisit de former ce mot à partir du grec nostos (le « retour au foyer ») et algos (la « douleur »), il hésite cependant avec d’autres néologismes – nosomanie, ou « folie du retour », et philopatridomanie, ou « folie causée par le désir de retrouver son pays natal ». La nostalgie désigne alors une catégorie clinique avec des symptômes allant jusqu’au trépas : la « tristesse naissant de l’ardent désir de retourner dans son pays d’origine » que les Français appelaient « mal du pays ». Elle est donc initialement moins un affect lié au temps qu’à l’espace. Mais pourquoi ce sentiment fatal apparaît-il à ce moment-là, peu après que Descartes a fait paraître Les Passions de l’âme et Hobbes son Léviathan? C’est qu’une même angoisse « saisit les sociétés européennes au XVIIe siècle, relève l’historien : comment contrôler les passions tumultueuses et juguler les imaginations débridées, à la fois chez les individus et dans les masses ». Le diagnostic se répand d’ailleurs dans les troupes, notamment dans les armées révolutionnaires, puis au cours des expéditions napoléoniennes. On parle même d’épidémie, dont Thomas Dodman corrèle l’expansion aux nouvelles formes de mobilités, à « la fabrique du sujet libéral et sa “mobilisation joyeuse” dans la société capitaliste ». Un tournant se produit vers 1820. La nostalgie sort progressivement du champ médical – alors que d’autres théories sont formulées, concernant par exemple « l’acclimatation » aux terres étrangères – pour devenir un thème romantique, littéraire et, finalement, une notion populaire dans sa dimension temporelle. Se raccrocher au monde d’hier permet de trouver du sens à un univers changeant, voire « inhospitalier ». Ainsi, « deux siècles après l’invention du terme, la nostalgie était devenue comme un miroir inversé de ce qu’elle fut ». Sans regret !
Nostalgie. Histoire d’une émotion mortelle
Livre
Stéphane Madelrieux
Philosophie des expériences radicales
Publié le 19 septembre 2022
Il y a la routine, la vie ordinaire, et il y a ces moments rares et privilégiés, littéralement extra-ordinaires, où nous éprouvons le sentiment de vivre quelque chose d’unique. Avec parfois même la fascinante impression que « le sens de la vie humaine se révèle davantage dans ces moments-là que lors des autres heures ». Mais que vaut exactement cette distinction entre deux types d’expériences, les exceptionnelles et les autres ? L’originalité du livre de Stéphane Madelrieux vient de ce qu’il l’interroge au regard de l’histoire de la philosophie, avec une érudition universitaire. La chose semblait entendue depuis Kant qui avait établi l’impossibilité de connaître quoi que ce soit qui se situerait au-delà de l’expérience – sauf à verser dans des spéculations métaphysiques. Pas si simple, explique le jeune spécialiste de l’empirisme anglo-saxon, qui met en exergue l’existence d’une certaine filiation empiriste à la française mal connue. Un « empirisme métaphysique », aussi paradoxal que cela paraisse, qui s’est développé tout au long du XXe siècle autour de philosophes comme Bergson, Deleuze et Foucault, mais aussi d’auteurs plus littéraires comme Bataille ou Blanchot : chacun à leur manière (que Madelrieux détaille), ils partagent l’idée qu’à défaut d’expérimenter le monde suprasensible, il y aurait quand même une espèce d’expériences qui seraient en elles-mêmes plus radicales ou plus pures. Dans la religion pour les uns, dans l’œuvre d’art pour les autres, ils se sont lancés à la recherche de ces expériences supposées supérieures permettant au monde de se révéler dans sa réalité vraie et au sujet d’affronter « les limites de la pensée, du langage et de la vie même ». Quitte pour cela à dévaloriser l’expérience commune ? C’est le prix à payer pour cette volonté de radicalité. « Il faut encore faire un effort pour renoncer aux absolus immanents de la modernité », conclut Madelrieux, plus favorable à un empirisme pragmatique qui n’accorde aucune prééminence aux expériences exceptionnelles.
Philosophie des expériences radicales
Livre
Loïc Wacquant
Voyage au pays des boxeurs
Publié le 19 septembre 2022
« Le cerveau en omelette », la peur au ventre, surtout cette impression « pire que la mort » quand l’adversaire s’acharne : pourquoi diable s’infliger cela ? C’est l’énigme qu’affronte le sociologue Loïc Wacquant dans ce bel ouvrage, où s’imbriquent entretiens, analyses et photographies. Pour percer ce mystère et être accepté dans la « confrérie de la cogne », exit l’observation surplombante de l’intellectuel qui parle du corps sans engager le sien : « J’ai pris ma part de bosses et de bleus, et je me suis fait casser le nez, comme tout un chacun », se souvient-il. À la fin des années 1980, il boxe au Woodlawn Boys Club, dans le ghetto de Chicago. Au contact des athlètes, il balaie un présupposé : on ne devient pas pugiliste par appât du gain, dérisoire dans le milieu amateur. Pour comprendre ce sport, il faut donc aller chercher ailleurs, du côté de la « transcendance de sa condition ». Le « gym », le lieu où les pugilistes s’entraînent, est un sanctuaire, loin de la drogue et – paradoxalement – de la violence de la rue. Mais c’est dans la lumière crue du ring que la raison d’être du boxeur prend tout son sens. Le livre laisse alors place aux « putain de sensations » du combat : la jubilation du coup bien porté, le vertige de l’affrontement tête contre tête et la clameur des spectateurs. Mais ne soyons pas candides : pour ces athlètes du ghetto, la boxe reste un sacrifice de soi et de son corps. « J’ai gâché ma vie dans les gyms, mais c’était un magnifique gâchis », résume DeeDee, l’entraîneur du club.
Voyage au pays des boxeurs
Livre
Nicoby (dessins) et Vincent Zabus (scénario), d’après Jostein Gaarder
Le monde de Sophie, t. 1, La philo, de Socrate à Galilée
Publié le 19 septembre 2022
« Qui es-tu ? » Cette question envoyée anonymement par courrier à une adolescente norvégienne ouvrait le roman de Jostein Gaarder en 1991. Un livre au succès mondial – 50 millions de lecteurs, des traductions dans 54 langues et une adaptation au cinéma – qui a réveillé l’intérêt pour la philosophie auprès du grand public. Plus de trente ans plus tard, Sophie se pose-t-elle toujours autant de questions ? Peut-elle susciter le même étonnement ? Oui, grâce à cette adaptation réussie en bande dessinée signée par deux auteurs chevronnés. Leur Sophie se montre plus grave que sa devancière. Elle a connu l’expérience du deuil et, surtout, se montre davantage soucieuse d’égalité, de justice sociale, de féminisme et d’écologie – même si elle manque une manifestation contre le réchauffement climatique pour avoir dialogué un peu trop longtemps avec Platon… Une Sophie davantage en prise avec le monde, donc, ce qui n’empêche pas les auteurs d’avoir glissé beaucoup d’humour dans cette vertigineuse histoire de la philosophie. Si les références mobilisées peuvent en effet donner légèrement le tournis, que dire des audaces graphiques ? Nicoby joue avec délectation des infinies possibilités de la bande dessinée : Sophie s’empare du lettrage, renverse la perspective, grandit et rapetisse telle une Alice au pays des concepts, brise les cadres des cases… Au point qu’elle se demande, s’adressant directement au lecteur, si elle n’est pas elle-même un personnage de fiction subissant un implacable déterminisme. Décidément, comme l’avertit sa première leçon, la philosophie est « à manipuler avec grande précaution » !
Le monde de Sophie, t. 1, La philo, de Socrate à Galilée
Livre
Rachel Cusk
La Dépendance
Publié le 19 septembre 2022
La romancière Rachel Cusk a le chic pour bâtir des intrigues puissantes à partir d’événements ténus. C’est encore le cas dans La Dépendance. Lors d’un voyage à Paris, M, la narratrice, découvre, bouleversée, les toiles de L, peintre renommé. Quinze ans plus tard, M, juste cinquantenaire, toujours torturée, invite L à séjourner dans la dépendance de la petite propriété côtière où elle vit avec son second mari, le pragmatique et serein Tony. À l’issue du premier confinement (la pandémie, effleurée, permet de situer le récit) et de quelques atermoiements, L dépose ses valises dans la dépendance. À le fréquenter, M se retrouve chavirée, « à vau-l’eau comme un esprit errant, chassée hors de la demeure de [son] être ». Sa relation à son mari, la féminité déployée de sa fille, jusqu’aux velléités littéraires du compagnon de celle-ci, les rêves des uns s’effilochent aux désillusions des autres. Après Arlington Park ou L’Œuvre d’une vie. Devenir mère, l’écrivaine britannique témoigne à nouveau de ses obsessions pour des personnages en quête de vérité. Sont-ils bien réels ? Suffisamment vivants ? Dans cette optique, M cherche à exister aux yeux de L, au risque de la destruction : car « votre regard tient du meurtre ». Ainsi la dépendance n’est pas qu’une maisonnette, elle est aussi affaire de sujétion. On s’en doutait. Si les phrases de Cusk sont ciselées, c’est au burin et au scalpel. Autrice ultra-cérébrale et souvent drôle, elle excelle à suturer roman et essai, réalité et fiction – d’où les initiales de M et de L, inspirés d’êtres réels, quand les personnages fictifs ont droit à un prénom. On peut s’amuser, pour qui l’a lue, à chercher Rachel dans l’histoire : je la devine cachée, l’entends partout. Et aucun doute, quant à moi : à la lire, je me sens vivante.
La Dépendance
CULTURE
Article 2 min
Gérard Garouste. Peindre entre les langues
Cédric Enjalbert 21 septembre 2022
Le Centre Pompidou à Paris consacre au peintre une grande exposition qui se présente comme une stimulante énigme à déchiffrer.
Gérard Garouste. Peindre entre les langues
Article 2 min
“Iphigénie”. Destinée
Cédric Enjalbert 21 septembre 2022
En revisitant le mythe antique d’Iphigénie, Tiago Rodrigues rend aux personnages la liberté dont le sort tragique les prive. Une pièce de théâtre à voir en tournée dans toute la France.
“Iphigénie”. Destinée
Article 2 min
“Sans filtre”. Les damnés de la mer
Cédric Enjalbert 21 septembre 2022
Avec ce film récompensé par la Palme d’Or au dernier Festival de Cannes, le réalisateur suédois Ruben Östlund livre un conte philosophique qui subvertit de manière jubilatoire les rapports de domination.
“Sans filtre”. Les damnés de la mer
OH ! LA BELLE VIE !
Article 3 min
Conseil n° 22 : soyons à la fête
François Morel 21 septembre 2022
Ne perdons aucune occasion de célébrer, de festoyer, de ripailler. N’oublions pas que la France est le pays de Jack Lang et de Patrick Sébastien, de Régine et d’Amanda Lear, de Roselyne Bachelot et de Carlos, d’Éric Ciotti et de Manuel Valls (rayez les mentions inutiles). Pots de départ,..
Conseil n° 22 : soyons à la fête
JEU
Article 1 min
Philocroisés #84
Gaëtan Goron 21 septembre 2022
Horizontalement I. Une grille en 8 par 12, 3 cases de moins ce mois-ci, c’est pour coller au thème. II. Sera soulagé après. III. Davantage apprécié à l’opéra qu’à l’apéro. Était prêt et réagit au coup de feu. IV. 10-18. 20 % à la normale. V. ..
Philocroisés #79
QUESTIONNAIRE DE SOCRATE
Article 2 min
Tiago Rodrigues. Un cœur simple
Cédric Enjalbert 21 septembre 2022
« Quelle admirable invention du Diable que les rapports sociaux ! » écrit Flaubert, que le metteur en scène admire. Cet aphorisme lui va bien, à lui le fils de dissidents portugais qui dirige désormais le Festival d’Avignon. Car, dans ses créations, il ne cesse de songer à la meilleure façon de partager, « au théâtre comme dans la vie », notre « plus grand trésor » : le temps. L’artiste ne le perd pas en cette rentrée, puisqu’il présente trois spectacles à Paris, qu’il a écrits et montés : Dans la mesure de l’impossible à l’Odéon jusqu’au 14 octobre ; Catarina ou la beauté de tuer des fascistes ainsi que le Chœur des amants aux Bouffes du Nord, du 7 au 30 octobre. Levons le rideau !
(Philomag)
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