[n° ou bulletin] est un bulletin de / Alexandre Lacroix (2011)Titre : | N°166 - Février 2023 - Préférons-nous l'ordre ou le désordre ? | Type de document : | texte imprimé | Année de publication : | 2023 | Importance : | 98 p. | Présentation : | ill. en coul. | Format : | 29 cm | Langues : | Français (fre) | Catégories : | Philosophie
| Tags : | ordre désordre | Index. décimale : | 17 Morale. Éthique. Philosophie pratique | Résumé : | Nul ne souhaiterait vivre dans un monde où régnerait un ordre irréprochable. Au niveau politique, ce serait la dictature. Au niveau privé, l’austérité. Et cependant, nous ne désirons pas non plus le chaos. Alors, quel est le bon dosage ?
(Philomag) | Note de contenu : | Article 3 min
Schiller cherche ses chaussettes chaudes
Alexandre Lacroix 12 janvier 2023
N’avez-vous jamais remarqué que souvent, les gens très ordonnés, voire maniaques, abritent en eux-mêmes de véritables tempêtes de passions et d’idées contradictoires ? Et qu’inversement, ceux qui s’accommodent volontiers d’une dose de désordre, qui laissent leur bureau ou leur..
VOS QUESTIONS
Article 3 min
“Qu’est-ce qu’un rendez-vous manqué ?”
Charles Pépin 09 janvier 2023
Chapô Question de Renaud Clerc
“Qu’est-ce qu’un rendez-vous manqué ?”
REPÉRAGES
Article 1 min
Énergie : un job pour le blob ?
Octave Larmagnac-Matheron 10 janvier 2023
Et si vous utilisiez un blob – sorte de « moisissure » visqueuse, ni animale ni végétale – pour recharger votre montre connectée ? C’est le projet auquel travaillent Jasmine Lu et Pedro Lopes de l’université de Chicago (États-Unis). Ils ont créé un dispositi..
Énergie : un job pour le blob ?
Article 1 min
“L’histoire”
Octave Larmagnac-Matheron 10 janvier 2023
“L’histoire alerte le présent” Emmanuel Macron, le 5 décembre, sur la chaîne YouTube de l’Élysée “L’histoire, [...] c’est le discours de l’éclat par lequel le pouvoir fascine, terrorise, immobilise” Michel Foucault, « Il faut défendre la s..
Article 1 min
“Passeport matériel”
Octave Larmagnac-Matheron 10 janvier 2023
Et si l’on délivrait des cartes d’identité aux bâtiments ? C’est l’idée récemment mise en avant dans une exposition organisée par le Royal Institute of British Architects, Long Life, Low Energy: Designing for a Circular Economy. Le « passeport matériel » consiste à l..
“Passeport matériel”
Article 1 min
“19,4”
Octave Larmagnac-Matheron 10 janvier 2023
C’est le nombre moyen de fautes commises par les élèves de CM2 dans une dictée type. Sur le même exercice, on comptait 10,7 erreurs en 1988. Cette diminution du niveau en orthographe, qui concerne principalement les règles grammaticales, touche plus les garçons (21,1 fautes) que le..
Article 2 min
Les Français votent-ils en touche ?
Octave Larmagnac-Matheron 10 janvier 2023
VOTE SYSTÉMATIQUE À TOUTES LES ÉLECTIONS NATIONALES 2002 48 % 2007 51 % 2012 48 % 2017 36 % 2022 37 % ABSTENTION SYSTÉMATIQUE 2002 12 % 2007 9 % 2012 11 % 2017 13 % 2022 16 % VOTE INTERMITTENT 2002 40 % 2007 40 % 2..
PERSPECTIVES
Article 3 min
Qui voudrait renoncer au reste de la vie ?
Alexandre Lacroix 10 janvier 2023
Chapô Le recul de l’âge de la retraite pose un problème de justice sociale, l’espérance de vie étant inégalement répartie, mais il vient aussi remettre en question la possibilité de rejouer ce que l’on est, après le travail et hors de lui.
Qui voudrait renoncer au reste de la vie ?
Article 3 min
Euthanasie : à la recherche de la bonne loi
Batiste Morisson 10 janvier 2023
Chapô Le 6 janvier 2023 s’est ouverte la phase de débat de la Convention citoyenne sur la fin de vie, qui doit préparer un éventuel assouplissement de la législation actuelle. Quels sont les arguments en jeu ?
Euthanasie : à la recherche de la bonne loi
Article 3 min
Constantin Sigov : “Ce qui se joue en Ukraine, c’est la défense de la vérité”
Sophie Gherardi 10 janvier 2023
Chapô Alors que la guerre en Ukraine semble être partie pour durer, le philosophe et éditeur ukrainien Constantin Sigov, qui vient de faire paraître Le Courage de l’Ukraine (Éditions du Cerf), pose des mots justes et poignants sur sa situation.
Constantin Sigov : “Les Ukrainiens eux-mêmes ont été stupéfaits de leur capacité de résistance”
Article 3 min
Quand la machine raconte des histoires
Batiste Morisson 10 janvier 2023
Chapô Mise en ligne récemment, la nouvelle version du système d’intelligence artificielle d’OpenAI fait grand bruit. De manière impressionnante, elle s’approprie une faculté jusque-là spécifique aux hommes : la capacité narrative.
Quand la machine raconte des histoires
AU FIL D’UNE IDÉE
Article 3 min
C’est pas trop taux !
Sven Ortoli 09 janvier 2023
Le code de lois d’Hammurabi, roi de Babylone vers 1 800 av. J.-C., stipule que le taux d’intérêt pour l’emprunt de céréales ne doit pas excéder 33 % par an. En 443 av. J.-C., la loi romaine des Douze Tables fixe la limite supérieure des taux à 12 %. Au déb..
C’est pas trop taux !
ETHNOMYTHOLOGIES
Article 3 min
Taxi volant. Voyage dans le ventre de la mère
Tobie Nathan 09 janvier 2023
Chapô Ce véhicule devrait être mis en service lors des jeux Olympiques de 2024. Il promet de nous faire planer au-dessus des grandes métropoles dans un confort absolu. Comme l’enfant flottant dans le liquide amniotique ?
Taxi volant. Voyage dans le ventre de la mère
REPORTAGE
Article 16 min
Birmanie. Les nouveaux visages de la résistance
Pierre Terraz 12 janvier 2023
Chapô Depuis le coup d’État du 1er février 2021, la Birmanie est sous le joug d’une dictature sans équivalent. Alors qu’un gouvernement de l’ombre s’est formé en exil, la lutte armée s’organise sur place. Dans un pays en pleine guerre civile, notre reporter a rejoint clandestinement l’un des camps de la rébellion populaire afin de comprendre comment unir une nation aux 135 ethnies historiquement multiforme et divisée.
Birmanie : vers un “printemps des peuples” ?
L’ŒIL DE LA SORCIÈRE
Article 3 min
Mythes et remix
Isabelle Sorente 09 janvier 2023
Chapô Morts et enterrés les dieux et déesses du panthéon grec ? Pourtant, grâce aux réseaux sociaux, la flamme de l’hellénisme brûle à nouveau. Inclusivité, respect de la nature et féminisme trônent au sommet de cet Olympe numérique. Un retour du polythéisme qui reflète notre pluralisme ?
Mythes et remix
DOSSIER
6 articles
Préférons-nous l’ordre ou le désordre ?
Publié le 12 janvier 2023
Nul ne souhaiterait vivre dans un monde où régnerait un ordre irréprochable. Au niveau politique, ce serait la dictature. Au niveau privé, l’austérité. Et cependant, nous ne désirons pas non plus le chaos. Alors, quel est le bon dosage ? > Cette question nous entraîne d’abord en métaphysique : si certains philosophes considèrent que le cosmos est un vaste bazar et l’ordre une fragile victoire des humains, d’autres insistent au contraire sur le fait que toutes les formes de création, qu’il s’agisse du vivant ou de l’art, ont besoin de l’étincelle de l’imprévu. L’avènement de l’ordre > Qu’est-ce que l’expérience du désordre intérieur, c’est-à-dire du délire ? A-t-il sa propre logique ? Le diagnostic de la psychiatre Astrid Chevance. > L’écrivain Thomas Clerc nous a reçu chez lui. Il est maniaque, peut-être, n’empêche qu’il a tiré de son intérieur un infini. La fécondité du désordre > Dans le monde du travail, un bureau bien rangé est-il source d’efficacité ? Faut-il avancer droit vers l’objectif ou s’ouvrir aux questions qui surgissent en chemin ? Réponses avec les chercheurs Sylvie Catellin, Vincent Calvez et le philosophe Alexis Lavis. > Géométrique, le jardin à la française ? Pas si sûr, l’architecte urbaniste Jean-Pierre Le Dantec nous emmène y faire un tour. La fatalité du cycle > Avec la pandémie et la guerre en Ukraine, notre époque est tiraillée entre la demande de sécurité des citoyens – d’ordre donc ! – et l’individualisme libéral, rétif à toute hiérarchie ou pensée collective. Une tension dont débattent les philosophes Catherine Malabou et Jean-Claude Monod.
Préférons-nous l’ordre ou le désordre ?
Article 11 min
Petits arrangements avec le chaos
Alexandre Lacroix 12 janvier 2023
Chapô Si personne ne veut d’une vie ni d’une société intégralement rangées, synonymes d’ennui et de privation de liberté, il n’est pas évident de bien doser le désordre. Peut-on vraiment lui entrouvrir la porte sans qu’il ne dévaste tout ?
Petits arrangements avec le chaos
Article 10 min
Astrid Chevance : “Ce qui compte dans le délire, c’est la fixité de l’idée”
Cédric Enjalbert 12 janvier 2023
Chapô Pour la psychiatre Astrid Chevance, spécialiste de la dépression et chercheuse en épidémiologie clinique, le désordre apparent du trouble psychique masque un ordre radicalement autre, celui – souvent incompréhensible – de la maladie.
Astrid Chevance : “Ce qui compte dans le délire, c’est la fixité de l’idée”
Article 5 min
Le meilleur est à l’intérieur
Alexandre Lacroix 12 janvier 2023
Chapô Voici le portrait d’un écrivain dans son lieu de vie : Thomas Clerc, qui a consacré un livre entier à son appartement, raconte sa passion pour l’ordre, pas aussi raisonnable qu’on ne l’imagine !
Le meilleur est à l’intérieur
Article 9 min
Bureau, fais ton office !
Samuel Lacroix 12 janvier 2023
Chapô Dans nos entreprises, nous sommes invités à nous montrer « disruptifs » tout en nous pliant à l’extrême planification du travail. Nous avons rencontré une chercheuse en sciences de l’information et de la communication, un professeur en management stratégique et un philosophe, qui s’inquiètent de l’effet de ces injonctions contradictoires : n’ont-elles pas vocation à engendrer une autre forme de bouleversement, celui du sens même du travail ? Enquête.
Bureau, fais ton office !
Article 5 min
Range ton jardin !
Cédric Enjalbert 12 janvier 2023
Chapô Selon l’écrivain Jean-Pierre Le Dantec, l’art du jardin n’est pas qu’une mise en ordre des profusions luxuriantes de la nature. À l’occasion d’une rencontre au jardin des Tuileries, il nous montre comment l’ordre et le désordre s’imbriquent dans les taillis.
Range ton jardin !
Dialogue 13 min
Catherine Malabou-Jean-Claude Monod : être ou ne pas être gouverné ?
Martin Legros 12 janvier 2023
Chapô Face aux bouleversements provoqués par la crise écologique, les plateformes numériques ou le retour de la guerre, faut-il en appeler à l’État et aux institutions publiques pour préserver l’ordre ? Ou faut-il faire davantage confiance à la capacité d’auto-organisation des individus et des sociétés, et à la fécondité du désordre ? Catherine Malabou, théoricienne de l’anarchie, croise le fer avec Jean-Claude Monod, penseur de la gouvernementalité.
L’ordre est-il bon en politique ? Catherine Malabou et Jean-Claude Monod débattent
ENTRETIEN
Entretien 14 min
Tim Ingold : “Pour apprendre une chose, tu dois commencer par la faire”
Sven Ortoli 11 janvier 2023
Chapô Rencontrer la pensée de Tim Ingold, c’est passer de l’autre côté du miroir. On ne voyait que des objets, des matériaux statiques, et voilà qu’apparaît, grâce à cet anthropologue britannique passionné par l’artisanat et l’environnement, tout un univers dynamique tramé de lignes. De quoi imaginer de nouvelles manières d’habiter le monde.
Tim Ingold, entre les lignes
L’AVENTURE D’UN CLASSIQUE
4 articles
“Le Pragmatisme” de William James. La vérité à l’épreuve
Publié le 11 janvier 2023
Le mot « pragmatisme » a beau être entré dans le langage courant, Le Pragmatisme de William James (1842-1910) reste une œuvre encore largement méconnue. Parce qu’il veut relier la théorie à la pratique, le philosophe américain a longtemps été accusé de sacrifier les concepts et la vérité à l’utilité. Et si le pragmatisme leur redonnait au contraire des lettres de noblesse en ne cessant de les interroger ?
“Le pragmatisme” de William James. Une pensée à hauteur d’homme
Article 10 min
“Le pragmatisme” de William James. Une pensée à hauteur d’homme
Victorine de Oliveira 11 janvier 2023
Chapô Quelles sont les conséquences pratiques d’une philosophie, d’un concept, d’une idée ? C’est la question qui anime William James. En proposant une nouvelle manière de penser, il évalue ainsi la capacité à intégrer le sujet dans un réel en perpétuel changement.
“Le pragmatisme” de William James. Une pensée à hauteur d’homme
Article 3 min
William James, l’expérience en héritage
Victorine de Oliveira 11 janvier 2023
Chapô Peu répandu en France ou mal compris, le pragmatisme connaît pourtant une large postérité, notamment chez les penseurs de la démocratie et de l’environnement.
Article 3 min
Bergson, fervent admirateur de William James
Henri Bergson 11 janvier 2023
Chapô William James et Henri Bergson ont entretenu une amitié et une correspondance soutenue, nourrie de l’appétit de Bergson pour toute pensée nouvelle et par la reconnaissance d’un intérêt commun pour le flux de l’expérience et de la vie. Bergson admirait tant son ami qu’il a rédigé une préface au Pragmatisme, parue en 1911 avec la première traduction française de l’ouvrage.
Article 5 min
Stéphane Madelrieux : “Le pragmatisme prend acte du fait que nous vivons sans essence ni garantie, mais ce n’est pas pour autant qu’il faut désespérer”
Victorine de Oliveira 11 janvier 2023
Chapô Le Pragmatisme de William James ambitionne de proposer une philosophie populaire, capable de toucher le plus grand nombre. Pour le spécialiste de l’auteur américain, Stéphane Madelrieux, il propose à la fois une théorie, une méthode ainsi qu’une attitude générale propre à renouveler nos catégories de pensée en l’absence de certitude absolue.
Stéphane Madelrieux : “Le pragmatisme prend acte du fait que nous vivons sans essence ni garantie, mais ce n’est pas pour autant qu’il faut désespérer”
BOÎTE À OUTILS
Article 2 min
Pourquoi porte-t-on du maquillage ?
Caroline Pernes 09 janvier 2023
Chapô Chercher la teinte idéale de correcteur ou le mascara qui fera les cils les plus longs… Pourquoi modifier ainsi notre visage ? Les réponses à fleur de peau de quatre philosophes.
Pourquoi porte-t-on du maquillage ?
Article 1 min
Verschlimmbessern
Octave Larmagnac-Matheron 09 janvier 2023
Chapô Langue d’origine : allemand
Article 2 min
“Destin”
Batiste Morisson 09 janvier 2023
Chapô C’était écrit, les philosophes sont déterminés à vous expliquer cette notion.
BACK PHILO
Bac philo 6 min
Y a-t-il une logique de l’insensé ?
Nicolas Tenaillon 09 janvier 2023
Chapô Analyse des termes du sujet « Y a-t-il » Existe-t-il ? Peut-on le constater ? « une logique » Manière de penser conforme à des règles, discours cohérent. « de l’insensé » Qui n’a pas de signification, qui est absurde, déraisonnable.
LES LIVRES
Article 2 min
J’y pense et puis je lis/Février 2023
Jean-Marie Durand 11 janvier 2023
Alors que le contexte politique dominé par les multiples visages de la guerre – militaire, climatique, sociale – n’invite guère à éprouver un sentiment de légèreté, comment ne pas céder à l’abattement en ce début de 2023 ? Comment esquisser la voie d’une espérance..
Livre
Dipesh Chakrabarty
Après le changement climatique, penser l’histoire
Publié le 06 janvier 2023
La crise écologique n’est pas seulement une réalité scientifique accablante, c’est un bouleversement de notre expérience historique. Si l’on prend au sérieux la notion d’Anthropocène, qui fait de l’humanité un agent géologique capable d’influer sur le climat et la composition du vivant, c’est la définition même de l’histoire humaine qui est à revoir. Ce n’est peut-être pas pour rien que cette réflexion sur la réinvention du concept d’histoire nous vient du penseur indien Dipesh Chakrabarty, figure des études décoloniales et subalternes. Comme il le raconte dans ce nouvel essai, l’intuition lui est venue au début des années 2000, alors qu’il assistait à un incendie dévastateur en Australie. En s’informant sur le réchauffement climatique, il a peu à peu pris conscience de ses implications philosophiques inédites. Jusqu’ici, les événements géologiques n’avaient été qu’« une toile de fond immuable et constante de l’histoire humaine ». Car les échelles de temps de l’évolution du climat, des espèces ou des énergies fossiles (des millions d’années) étaient sans commune mesure avec l’échelle de temps propre à l’histoire humaine (années, décennies ou siècles). Dès lors que nous sommes devenus capables de changer la chimie de l’atmosphère, de faire monter le niveau de la mer ou de changer le climat, c’est comme si l’histoire anthropocentrée était « tombée » dans l’histoire profonde de la Terre et que les deux histoires étaient dorénavant imbriquées : « Nous pouvons dire que nous, les humains, vivons dorénavant simultanément dans deux sortes de “temps présent” : dans notre conscience de nous-mêmes, le “présent” de l’histoire humaine s’est entremêlé au “présent” long des échelles de temps géologiques et biologiques – ce qui ne s’était encore jamais produit dans l’histoire de l’humanité. » Mais rien n’est plus complexe à penser que cet emboîtement de l’histoire humaine dans celle, longue, du climat. Car loin de fusionner, comme si les temporalités se recoupaient et que les humains pouvaient maîtriser l’histoire naturelle comme ils ont cherché à le « faire » de leur propre histoire, c’est plutôt à une série de courts-circuits temporels que l’on assiste entre les temps biologique, géologique et politique. Mais aussi entre les agents de ces histoires enchevêtrées : ici, le capitalisme ou la technologie mondialisée ; là, le savoir des longues durées produit par la communauté scientifique ; ici encore, les décisions à brève échéance des instances politiques ; là enfin, les évolutions des grands cycles de la matière ou de la vie. Pour débroussailler cet enchevêtrement, Chakrabarty propose une distinction éclairante entre trois concepts. Le globe, c’est-à-dire le site de l’histoire anthropocentrée, relève de la logique des empires, du capital et de la technologie ; la planète, régie par des lois et des évolutions inhumaines, comparables à d’autres dans l’Univers ; et, entre les deux, la Terre et la vie à sa surface, dont nous dépendons et sur laquelle nous agissons alors que ses cycles nous dépassent. Revisitant les grandes philosophies de la Terre et du monde, de Heidegger, Schmitt, Husserl et Arendt à Latour et à Spivak, l’auteur invite à mesurer que notre nouvelle conscience historique fait de nous des tard-venus sur une planète où nous occupons la position « d’invités de passage plutôt que d’hôtes possessifs ».
Après le changement climatique, penser l’histoire
Livre
Frédéric Gros
Pourquoi la guerre ?
Publié le 06 janvier 2023
Nous n’imaginions pas le « retour de la guerre » en Europe. Le philosophe Frédéric Gros part de cette incrédulité, un an après l’invasion de l’Ukraine, pour enrichir sa réflexion sur les transformations de la guerre. Il parcourt une « tragédie en trois actes » débutant en 1945 : guerre binaire, à l’instar de la guerre froide ; guerre globale, diffuse, marquée par le terrorisme, où le couple guerre et paix laisse place au binôme intervention et sécurité ; guerre de « chaotisation », dont le motif apparaît désormais. « Alors que la guerre classique s’était construite comme une violence structurée selon des règles et suspendue à des objectifs (elle était normée et instrumentale), les guerres de chaotisation, dont le profil aujourd’hui se dessine en Libye, en Syrie, en Irak, au Yémen, sont faites pour maximaliser les profits de la catastrophe. » Le conflit ukrainien illustre cette guerre « menée pour elle-même » et non « orientée vers la production d’une paix », avec sa « coloration millénariste » – Poutine promet de purifier le continent de la « décadence européenne ». Cette chaotisation est aussi « le symbole et le symptôme d’une difficulté insurmontable, qui est la nôtre, à construire un futur ». L’agression russe ravive une perplexité fondamentale : « Pourquoi les hommes se font la guerre, et depuis si longtemps ? » La réflexion sur la légitimité de la guerre juste achoppe en philosophie sur la violence qui « demeure pour la pensée ce roc contre lequel perpétuellement elle se brise ». L’auteur identifie trois raisons pour l’expliquer : « la cupidité ; la peur ; la quête de gloire ». Mais il en ajoute une. Ce n’est pas une inclination naturelle qui nous porte à cette violence : « si les États se font la guerre, c’est justement parce que, entre eux, il n’y a pas assez de nature – trop de calculs pauvrement humains, d’ambitions mesquines, d’anticipations portées par des imaginations limitées ». Contre ces « passions tristes », la paix se cultive.
Pourquoi la guerre ?
Livre
Claire Richard
Des mains heureuses. Une archéologie du toucher
Publié le 06 janvier 2023
Ce n’est pas toujours facile de décrire les gestes et les sensations avec des mots. Là où le langage tend à clarifier les choses, à les mettre dans des cases, le toucher les effleure sans chercher à les cataloguer. Pour écrire une « archéologie du toucher », il faut donc fouiller, tâtonner : mettre la main à la pâte. C’est ce que fait la journaliste et autrice Claire Richard dans cette odyssée sensorielle, s’attardant sur la douceur de la peau d’un bébé, la main rêche d’une vieille dame, la chaleur enveloppante d’une étreinte. Car le toucher n’est pas une expérience abstraite : il se manifeste dans un contexte précis. En l’occurrence, l’écriture de Claire Richard est imprégnée par l’épreuve collective du confinement, elle-même traversée par l’expérience intime de sa grossesse, déroulée sous les auspices hygiénistes de l’épidémie. Elle raconte en creux l’histoire du bannissement du toucher, de sa mise sous cloche dans un monde devenu « sans contact ». Les « mains heureuses » des caresses s’opposent ainsi aux « mains esseulées », « malheureuses », de ceux qui se sont retrouvés privés de la dimension tactile de l’existence. « Ce qui était très compliqué, c’était de voir des gens mourir et de ne pas pouvoir leur donner la main », témoigne Eva, psychologue en Ehpad pendant le confinement. L’ouvrage, hybride dans sa forme, alterne entre des témoignages personnels d’amies de l’autrice ou glanés dans des forums sur Internet, et des passages plus théoriques, visant à définir le cadre possible d’une « politique du toucher ». Cette variation des sujets du discours est pour Claire Richard une manière d’adopter une forme littéraire semblable au sens du toucher : à la fois « fragmentaire », « instable », mais aussi « impure », « contaminée de partout ». La politique du toucher, qu’elle appelle de ses vœux, devrait « façonner un corps tendre », capable de renoncer à user de ses mains pour écraser, fragmenter ou briser. Un corps capable « de toucher sans vouloir posséder ».
Des mains heureuses. Une archéologie du toucher
Livre
Frédérique Leichter-Flack
Pourquoi le mal frappe les gens bien ?
Publié le 06 janvier 2023
Comment un Dieu bon et tout-puissant peut-il laisser exister le mal ? Cette question fondamentale, les philosophes la connaissent bien (c’est le problème de la théodicée), mais ce sont peut-être les écrivains de littérature qui y répondent le mieux. Parce que « si l’on est bon lecteur, les larmes des personnages sont pour nous de vraies larmes. Le sentiment d’injustice qu’on éprouve à leurs côtés est authentique », suggère Frédérique Leichter-Flack dans son essai pénétrant. Et c’est là seulement que nous pouvons nous poser en arbitres de l’expérience – par exemple, du pauvre Job de la Bible, sur qui pleuvent les épreuves – et percevoir ce que la posture de la plainte ou de la réclamation comporte d’impuissance – comme dans le cas de Yossel Rakover s’adresse à Dieu, court texte de fiction de 1946 dans lequel un rescapé du génocide juif déclare tout net au Tout-Puissant que l’épreuve a dépassé de loin les capacités humaines : « Tu les as si durement éprouvés qu’ils ne peuvent plus penser que Tu es leur père, ni même qu’ils ont un père. » De maladies en désastres, de deuils en échecs, on se rend compte avec Brontë, Dostoïevski ou Yourcenar que les idées comptent moins que les mots et que les souffrances s’apaisent plus difficilement par les concepts que par le dialogue. Pourquoi ? Parce qu’il n’y a pas d’autre antidote à la douleur que l’empathie, si bien que c’est en vivant ensemble les grandes épreuves – même à se plaindre les uns aux autres qu’elles soient si singulières, si peu partageables – qu’en réalité, on les traverse bel et bien. Si la sagesse est de souffrir sans s’y refuser, on peut laisser libre cours à sa peine. Car « se disputer avec Dieu, qui est là pour ça, vaut mieux que se fâcher avec les hommes ».
Pourquoi le mal frappe les gens bien ?
Livre
Camille de Toledo
Une histoire du vertige
Publié le 09 janvier 2023
Le vertige : tel est le nom que l’écrivain Camille de Toledo donne à notre condition humaine en ce XXIe siècle, ou plus exactement à ce qu’est devenue désormais notre façon d’habiter le monde. Un monde désolé, meurtri, décentré, et dont le sol semble se dérober sous nos pieds, car nous avons perdu nos appuis sur une Terre elle-même à la fois blessée et éreintée. Alors, dans ce vacillement et devant la perspective de ce que d’autres désignent sous le concept d’effondrement, nous nous raccrochons à notre besoin de croire à des histoires, qui elles-mêmes nous habitent. Et ces histoires sont avant tout celles que nous offrent la littérature et l’art : l’écrivain convoque Cervantès, Montaigne, Faulkner, Borges, Pessoa et Melville mais aussi Magris ou Sebald pour inviter son lecteur à cheminer avec lui dans une exploration de cette poétique des liens qui nous rattachent à des langues, à des territoires, aux autres et à nous-mêmes. Ainsi sommes-nous celui que Toledo appelle Sapiens narrans – soit, comme un Don Quichotte moderne, « un être qui croit plus aux récits qu’il tisse qu’aux épreuves de son corps et du monde. Rappelle-toi : il tombe, se relève, tombe, se relève encore. La fiction en lui est un principe de relèvement ». À travers un labyrinthe d’images, il remâche ces histoires qui l’accompagnent pour continuer à vivre avec ce passé qui ne passe pas. « Les destructions ont eu lieu ; les exils, les séparations, les deuils et les pertes sont les noms renversés du Progrès. Le présent est peuplé de scènes de crime qui hantent. » La littérature qu’explore Camille de Toledo comme ressource existentielle nous apprend à ne pas céder au vertige. Comme chez Don Quichotte, c’est la fiction qui permet de tenir.
Une histoire du vertige
Livre
Florence Burgat
L’Inconscient des animaux
Publié le 09 janvier 2023
Et vous, emmèneriez-vous votre chien chez le psy ? L’idée, aujourd’hui souvent moquée à mesure que se développent les formes de thérapie animale, est peut-être moins saugrenue qu’il n’y paraît. Freud lui-même, lorsqu’il analyse l’appareil psychique humain, écrit : « Ce schéma général […] est valable aussi pour les animaux supérieurs. […] Il convient d’admettre l’existence d’un surmoi partout où, comme chez l’homme, l’être a dû subir, dans son enfance, une assez longue dépendance. » C’est dans cette voie que s’engouffre Florence Burgat avec cet ouvrage, parfois technique mais toujours passionnant. Pour la philosophe, il importe de se départir de l’idée d’une vie animale qui serait gouvernée par des mécanismes purement physiologiques. Même lorsqu’on la rabat sur des dynamiques biologiques, ce « fond instinctuel » n’a de sens que s’il est conçu avec une certaine profondeur d’intériorité, comme un psychisme peut-être aveugle mais capable d’emmagasiner des expériences. « L’inconscient biologique constituerait alors le fond abyssal de leurs comportements si mystérieux » (ceux des animaux). C’est seulement depuis ce fond abyssal qu’il faut envisager l’avènement de quelque chose comme une conscience, qui émerge au fil d’une histoire évolutive indissociablement physiologique et psychique. La conscience est structurée par un « héritage archaïque » de traumas et de refoulements immémoriaux survenus bien en amont de l’individu, qui rendent possible, dans certaines branches de l’évolution, l’avènement progressif d’un surmoi réprimant les pulsions du ça. Le « conflit » des instances psychiques ouvre comme une brèche où peut se déployer un moi – y compris chez beaucoup d’animaux non humains. « La vie égologique des mammifères et des oiseaux ne fait pas de doute. » Ce moi, comme celui de l’humain, peut être affecté de pathologies. « Les manuels de zoopsychiatrie décrivent les états de stress post-traumatique ; […] les dépressions aiguës ou chroniques ; […] les phobies ; les troubles compulsifs », etc. « Les animaux n’ont pas besoin de parler pour exprimer […] leur effondrement. L’existence en eux se recroqueville. » Une invitation à prendre en considération la souffrance psychique des bêtes.
L’Inconscient des animaux
Livre
Maurice Merlau-Ponty
Inédits. Vol. 1. Cours et conférences en Europe et premiers cours à Lyon. 1946-1947
Publié le 09 janvier 2023
Disons-le d’emblée, ces deux volumes d’inédits de Maurice Merleau-Ponty ne s’adressent pas à tout le monde. Ils intéresseront certainement quelques étudiants et chercheurs très aguerris à la pensée du phénoménologue. Mais pour les autres ? Que faire de ces centaines de pages précédées de (trop ?) longues introductions où s’égrènent, de manière parfois décousue, les notes, les brouillons, les ratures, les réécritures, les textes de conférence ? Comment donc s’y repérer ? Peut-être, précisément, en se laissant porter, en vagabondant dans les linéaments de cette pensée en train de se faire. Au détour un peu hasardeux d’une page, quelques fulgurances attendent le lecteur. Dans le second volume, alors que Merleau-Ponty tisse les fils apparemment disjoints de la sensibilité (explorée dans la Phénoménologie de la perception) et de la politique (au cœur d’Humanisme et Terreur), comme pour en montrer l’intime et indémêlable solidarité au sein d’une dimension signifiante où nos existences s’insèrent, surgit soudain l’idée, puissante, de « perception de l’histoire ». Voulant montrer l’« impossibilité d’une objectivité absolue en histoire » (car « valeurs et faits [sont liés] dans une perception de l’histoire »), soucieux aussi de remettre à leur place les « dogmatismes » qui décrètent de l’extérieur un sens de l’histoire, Merleau-Ponty souligne que « l’histoire n’a pas un sens. Nous le lui donnons ». Ce sens « dépend de ce qui suivra ». L’appréhension que nous avons de notre héritage est constamment modifiée par la transformation de notre projection dans l’avenir. « Il y a va et vient et compréhension de notre avenir par notre passé comme de notre passé par notre avenir. […] La constitution du passé dépend de notre présent et du choix de notre avenir. Nous nous choisissons des ancêtres. L’histoire n’est pas science parce qu’elle est nous. » Nous réinterprétons sans cesse notre inscription en elle. Ce sens dynamique ne peut jamais se réduire à un discours univoque. « Il n’y a pas une vue mais une pluralité de perspectives » qui s’enroulent et s’affectent les unes les autres. Un exemple de ces saillies lumineuses émaillant les volumes, caractéristique des préoccupations du philosophe dans ces premières années de l’après-guerre.
Inédits. Vol. 1. Cours et conférences en Europe et premiers cours à Lyon. 1946-1947
Livre
Maurice Merlau-Ponty
Inédits. Vol 2. Conférences en Amérique, notes de cours et autres textes
Publié le 09 janvier 2023
Disons-le d’emblée, ces deux volumes d’inédits de Maurice Merleau-Ponty ne s’adressent pas à tout le monde. Ils intéresseront certainement quelques étudiants et chercheurs très aguerris à la pensée du phénoménologue. Mais pour les autres ? Que faire de ces centaines de pages précédées de (trop ?) longues introductions où s’égrènent, de manière parfois décousue, les notes, les brouillons, les ratures, les réécritures, les textes de conférence ? Comment donc s’y repérer ? Peut-être, précisément, en se laissant porter, en vagabondant dans les linéaments de cette pensée en train de se faire. Au détour un peu hasardeux d’une page, quelques fulgurances attendent le lecteur. Dans le second volume, alors que Merleau-Ponty tisse les fils apparemment disjoints de la sensibilité (explorée dans la Phénoménologie de la perception) et de la politique (au cœur d’Humanisme et Terreur), comme pour en montrer l’intime et indémêlable solidarité au sein d’une dimension signifiante où nos existences s’insèrent, surgit soudain l’idée, puissante, de « perception de l’histoire ». Voulant montrer l’« impossibilité d’une objectivité absolue en histoire » (car « valeurs et faits [sont liés] dans une perception de l’histoire »), soucieux aussi de remettre à leur place les « dogmatismes » qui décrètent de l’extérieur un sens de l’histoire, Merleau-Ponty souligne que « l’histoire n’a pas un sens. Nous le lui donnons ». Ce sens « dépend de ce qui suivra ». L’appréhension que nous avons de notre héritage est constamment modifiée par la transformation de notre projection dans l’avenir. « Il y a va et vient et compréhension de notre avenir par notre passé comme de notre passé par notre avenir. […] La constitution du passé dépend de notre présent et du choix de notre avenir. Nous nous choisissons des ancêtres. L’histoire n’est pas science parce qu’elle est nous. » Nous réinterprétons sans cesse notre inscription en elle. Ce sens dynamique ne peut jamais se réduire à un discours univoque. « Il n’y a pas une vue mais une pluralité de perspectives » qui s’enroulent et s’affectent les unes les autres. Un exemple de ces saillies lumineuses émaillant les volumes, caractéristique des préoccupations du philosophe dans ces premières années de l’après-guerre.
Inédits. Vol 2. Conférences en Amérique, notes de cours et autres textes
Livre
Paul Valéry
Cours de poétique, t. 1. Le corps et l'esprit
Publié le 09 janvier 2023
Barthes, Cioran, Blanchot, Bonnefoy ou encore Tournier : la liste des célébrités en devenir qui assistèrent entre 1937 et 1945 aux cours de poétique de Paul Valéry est impressionnante. Citées, commentées, critiquées, les leçons de l’écrivain imprégneront en profondeur les milieux intellectuels français de la seconde moitié du XXe siècle. Tous ceux qui y feront référence, pourtant, n’ont pas eu la chance d’écouter le maître en chaire (et en os). Ses cours ne furent pas enregistrés. Valéry a travaillé à la fin de sa vie à leur publication, mais il aura fallu attendre quatre-vingts ans pour que son souhait soit réalisé. Les deux volumes qui paraissent aujourd’hui, édités sous la direction de William Marx, donnent pour la première fois à lire l’ampleur d’un enseignement qui porte bien au-delà de la seule poétique au sens restreint. Le propos de Valéry est une véritable « exploration du domaine de l’esprit créateur », une théorie de la poiesis, laquelle met en jeu à la fois « ce qu’il y a de plus profond dans l’homme », l’élan souterrain mouvant le créateur, et des « facteurs extérieurs », sociaux, politiques, mais également corporels, qui conditionnent la concrétisation de cet élan. Valéry interroge cette articulation entre un « état » intérieur « indéfinissable », que le créateur cherche à exprimer, et une « action nécessairement finie » par laquelle l’œuvre prend forme. Il y a comme un peu d’incommensurable et d’inachevé dans cet acte créateur qui embrasse le « désordre » de l’indéfini comme « condition de sa fécondité »
Cours de poétique, t. 1. Le corps et l'esprit
Livre
Paul Valéry
Cours de poétique, t. 2. Le langage, la société et l’histoire
Publié le 09 janvier 2023
Barthes, Cioran, Blanchot, Bonnefoy ou encore Tournier : la liste des célébrités en devenir qui assistèrent entre 1937 et 1945 aux cours de poétique de Paul Valéry est impressionnante. Citées, commentées, critiquées, les leçons de l’écrivain imprégneront en profondeur les milieux intellectuels français de la seconde moitié du XXe siècle. Tous ceux qui y feront référence, pourtant, n’ont pas eu la chance d’écouter le maître en chaire (et en os). Ses cours ne furent pas enregistrés. Valéry a travaillé à la fin de sa vie à leur publication, mais il aura fallu attendre quatre-vingts ans pour que son souhait soit réalisé. Les deux volumes qui paraissent aujourd’hui, édités sous la direction de William Marx, donnent pour la première fois à lire l’ampleur d’un enseignement qui porte bien au-delà de la seule poétique au sens restreint. Le propos de Valéry est une véritable « exploration du domaine de l’esprit créateur », une théorie de la poiesis, laquelle met en jeu à la fois « ce qu’il y a de plus profond dans l’homme », l’élan souterrain mouvant le créateur, et des « facteurs extérieurs », sociaux, politiques, mais également corporels, qui conditionnent la concrétisation de cet élan. Valéry interroge cette articulation entre un « état » intérieur « indéfinissable », que le créateur cherche à exprimer, et une « action nécessairement finie » par laquelle l’œuvre prend forme. Il y a comme un peu d’incommensurable et d’inachevé dans cet acte créateur qui embrasse le « désordre » de l’indéfini comme « condition de sa fécondité »
Cours de poétique, t. 2. Le langage, la société et l’histoire
Livre
Jacques Lacan
Le Séminaire. Livre XIV. La Logique du fantasme
Publié le 09 janvier 2023
D’un Lacan l’autre. L’un, celui des Premiers Écrits datés des années 1928-1932, est un jeune interne en médecine, apprenti psychiatre qui n’est pas encore entré personnellement en analyse. Le ton et le contenu des diagnostics cliniques qu’il réalise alors ne dénotent pas par rapport à ceux de l’institution – à peine le jeune Lacan se démarque-t-il par une attention particulièrement soutenue pour les cas psychotiques. L’autre (le Grand Autre ?), celui de La Logique du fantasme, est le Lacan de la maturité qui est devenu un psychanalyste installé, vénéré par les uns et détesté par les autres, révolutionnaire dans sa manière de réinventer l’enseignement freudien. Dans ce séminaire de l’année 1966-1967, enfin publié dans cette version autorisée qui diffère sensiblement de celles qui circulaient déjà sur Internet, Lacan est devenu lui-même, avec son vocabulaire, ses schémas, sa langue sibylline, mais aussi son dialogue régulier avec les philosophes. « Le réel, explique-t-il par exemple, il importe de le distinguer de la réalité humaine. Il n’est jamais qu’entr’aperçu – entr’aperçu quand le masque vacille qui est celui du fantasme. C’est la même chose que ce que Spinoza a appréhendé quand il a dit que le désir, c’est l’essence de l’homme », avant de retourner la formule en « le désir est l’essence de la réalité ». D’où le rôle cardinal que joue, dans la pensée lacanienne, le fantasme comme voie d’entrée dans le réel qui permet au névrosé de se protéger contre l’angoisse. Et donc aussi la nécessité d’en interroger la logique, c’est-à-dire la structure grammaticale, étant entendu que « le fantasme est, d’une façon bien plus étroite que tout le reste de l’inconscient, structuré comme un langage ».
Le Séminaire. Livre XIV. La Logique du fantasme
Livre
Jacques Lacan
Premiers Écrits
Publié le 09 janvier 2023
D’un Lacan l’autre. L’un, celui des Premiers Écrits datés des années 1928-1932, est un jeune interne en médecine, apprenti psychiatre qui n’est pas encore entré personnellement en analyse. Le ton et le contenu des diagnostics cliniques qu’il réalise alors ne dénotent pas par rapport à ceux de l’institution – à peine le jeune Lacan se démarque-t-il par une attention particulièrement soutenue pour les cas psychotiques. L’autre (le Grand Autre ?), celui de La Logique du fantasme, est le Lacan de la maturité qui est devenu un psychanalyste installé, vénéré par les uns et détesté par les autres, révolutionnaire dans sa manière de réinventer l’enseignement freudien. Dans ce séminaire de l’année 1966-1967, enfin publié dans cette version autorisée qui diffère sensiblement de celles qui circulaient déjà sur Internet, Lacan est devenu lui-même, avec son vocabulaire, ses schémas, sa langue sibylline, mais aussi son dialogue régulier avec les philosophes. « Le réel, explique-t-il par exemple, il importe de le distinguer de la réalité humaine. Il n’est jamais qu’entr’aperçu – entr’aperçu quand le masque vacille qui est celui du fantasme. C’est la même chose que ce que Spinoza a appréhendé quand il a dit que le désir, c’est l’essence de l’homme », avant de retourner la formule en « le désir est l’essence de la réalité ». D’où le rôle cardinal que joue, dans la pensée lacanienne, le fantasme comme voie d’entrée dans le réel qui permet au névrosé de se protéger contre l’angoisse. Et donc aussi la nécessité d’en interroger la logique, c’est-à-dire la structure grammaticale, étant entendu que « le fantasme est, d’une façon bien plus étroite que tout le reste de l’inconscient, structuré comme un langage ».
Premiers Écrits
Livre
Julia Lepère
Par elle se blesse
Publié le 09 janvier 2023
Les chiens ne font pas des chats. Certes. Mais il est très rare que les poètes engendrent des poètes. Or Julia Lepère, fille du poète Pierre Lepère qui a signé plusieurs recueils marquants, comme Les Anti-podes (Gallimard, 1976) ou Le Locataire de nulle part (La Différence, 2013), vient de publier un livre d’une étonnante maîtrise: Par elle se blesse. Ce recueil réunit deux qualités qui sont trop souvent séparées dans la poésie contemporaine française : l’audace formelle, avec pas mal de trouvailles, et la capacité à raconter une histoire. Car il déroule par flashs un véritable roman : la narratrice est partagée entre deux hommes qu’elle aime, A. et L. Le livre est d’ailleurs dédié « À L. », ce qui fait qu’on se demande si le titre signifie que la narratrice se blesse elle-même par son indécision sentimentale, ou si c’est L. qui l’éprouve durement. Entre ces deux hommes, elle voyage, au sens figuré comme au sens propre, puisqu’elle prend souvent le train. Le cœur du recueil, « Films d’un train », restitue l’espèce de concaténation des paysages qu’on aperçoit par la vitre du TGV lorsque l’attention flotte : « La pointe d’une éolienne se saisit de l’ocre forêt »… Mais il n’y a pas que les lieux qui se bousculent, les étreintes se télescopent aussi : « Dépourvus d’innocence, nos veines font des mélanges en montée en descente… » Les ifs et les trembles, deux sortes d’arbres, peuplent ainsi le texte avec leur charge d’hypothèse et de vertige. Un jour, la narratrice se retrouve dans une « ville ordinaire ». Elle qui ne connaît que le désordre des passions écoute parler un couple qui pousse un landau. Ils disent à des passants qu’ils attendent le deuxième… C’est là une vie en ordre, une « vie banale », songe-t-elle. Et pourtant, il en faudrait peu pour que la scène soit plus intéressante : imaginez que le landau soit vide, que le premier enfant n’existe pas… Ainsi, ce qui fait surgir la passion dans nos existences, c’est le repérage des absences, des manques qui criblent une réalité que nous croyons trop pleine. L’expérience de l’amour n’est-elle pas une manière d’approcher un manque fondamental ? « Si proche de ma blessure que tu t’y confondais… »
Par elle se blesse
Livre
Catherine Meurisse
Humaine, trop humaine
Publié le 09 janvier 2023
Catherine Meurisse est devenue l’une des autrices majeures de la bande dessinée hexagonale : récemment élue à l’Académie des beaux-arts à 40 ans à peine, n’a-t-elle pas déjà réussi l’exploit de faire entrer le neuvième art à l’Institut ? Avec ses albums aussi beaux que profonds – notamment ceux qu’elle a consacrés à Delacroix, aux grands espaces ou au Japon –, elle a créé un style unique qu’on retrouve ici pour aborder un domaine qui l’accompagne depuis des années : la philosophie. Ou plus exactement les figures de philosophes, surtout quand leurs pensées vertigineuses sont rattrapées par la réalité dans ce qu’elle peut avoir de plus prosaïque. En une quarantaine d’épisodes et autant de doubles pages, publiées depuis cinq ans dans Philosophie magazine, Meurisse n’a pas la prétention d’expliquer ou d’illustrer telle ou telle doctrine, mais plutôt celle de poser sur les philosophes un regard expressément « féminin et féministe », qui se révèle à la fois tendre et irrévérencieux, décalé et drôle. Le morceau de cire que Descartes analyse dans ses Méditations métaphysiques ? Le voici revu, corrigé et transposé en séance d’épilation à la cire dans un institut de beauté avant un rendez-vous amoureux : expérience douloureuse qui rappelle à ceux qui en douteraient que l’âme est très liée au corps et ainsi que la cire n’est pas connue que par « une inspection de l’esprit ». Le désespoir métaphysique d’Emil Cioran? On reconnaît le philosophe roumain dessiné sous la forme d’un fœtus saisi en pleine échographie en train de rédiger son livre De l’inconvénient d’être né dont la doctoresse lit sur son écran le contenu à la future mère… laquelle n’est plus sûre de vouloir encore de cet enfant ! Il y a du Sempé dans cette façon de croquer le décalage entre un propos grandiloquent (et parfois auto--satisfait) et l’ordinaire de notre quotidien. Ainsi revisitées avec tendresse, les idées des philosophes en situation ne sont jamais apparues aussi humaines.
Humaine, trop humaine
Livre
Philippe Garnier
La Démence du percolateur
Publié le 09 janvier 2023
Si la science-fiction a pour fonction principale de faire mieux voir le présent, la philosophie d’anticipation réfléchit de manière similaire. En se livrant à ses « rêveries » sur les machines, Philippe Garnier propose des réflexions et des expériences de pensée qui mettent en valeur les mystères de notre quotidien. « Dans un univers à cent pour cent robotisé, nos émotions intimes deviendraient notre seule valeur marchande », écrit-il – et soudain les images Instagram nous apparaissent comme les prémices d’une dystopie en train d’advenir. De même, lorsqu’il ouvre la carcasse de son micro-ondes ou sursaute en entendant sonner un téléphone dont la ligne est coupée depuis dix ans, il découvre le fantastique affleurant à la lisière du banal. Notre vie parmi les machines – y compris et surtout déficientes – serait-elle donc plus riche qu’on ne le dit ? À bien les observer, tout tangue, tout se renverse. « La qualité d’une vie pourrait se mesurer à la lenteur d’un ordinateur »… Inversement, la carcasse d’un portable ayant rendu l’âme pourrait s’avérer aussi triste que le corps d’un proche défunt… Et s’il y avait un rapport entre l’obsession contemporaine pour les smartphones, devenus comme le prolongement de nos mains, et les silex des Sapiens sapiens primitifs, découvrant dix mille ans avant nous les délices d’un objet technologique qui puisse aussi servir de doudou ? Traversant avec humour le temps dans les deux sens, ces réflexions livrent notre univers mécanisé à notre étonnement philosophique. Car au fond, « tout interagit sans que nous le comprenions ».
La Démence du percolateur
Livre
Isabelle Sorente
L’Instruction
Publié le 09 janvier 2023
En 2008, le monde de la narratrice devient gris. Burn-out, diagnostique le médecin qu’elle consulte. Il faut mettre un frein au tourbillon d’activités qui menace de faire de son âme une petite chose froide et sèche, déconnectée de ses émotions. Pour réparer ce qui commençait à se fissurer, elle décide de suivre une ancienne instruction bouddhiste : « Que celui qui cherche la vérité se mette à la place d’un animal conduit à l’abattoir. » La narratrice prend l’instruction à la lettre et entame des recherches sur l’élevage intensif. Une trame qui fait écho à un précédent roman d’Isabelle Sorente, 180 Jours (JC Lattès) paru en 2013, dans lequel elle envoyait son personnage, professeur de philosophie, dans un élevage de porcs. Dans L’Instruction, la narratrice fait le pari de l’empathie entre les vivants, bien qu’elle se trouve dans ce qu’elle nomme « une structure de production ». Cela vaut pour les humains qui y travaillent comme pour les animaux – des deux, on ne sait pas lesquels sont les plus prisonniers. Lorsqu’elle croise le regard de Coré 9887, une truie qui semble lui accorder sa confiance sans raison particulière, Isabelle Sorente sent qu’elle entame la première étape de l’instruction. Mais une fois à l’abattoir, c’est le trou – blanc, celui-ci. Impossible d’imaginer ce qu’il se produit dans la tête de celui (ou de celle) qui s’apprête à mourir, qui meurt sous le coup d’une décharge électrique. Reste seulement la possibilité de « jouer le jeu », c’est-à-dire de se répéter l’instruction, de la ruminer encore et encore. L’éternel retour n’est-il pas aussi celui de la douleur, prévient Nietzsche ?
L’Instruction
Livre
Gérald Bronner
Les Origines
Publié le 11 janvier 2023
Cela commence par un pied-de-nez. « Longtemps, je n’ai pas su de quel milieu je venais […]. Je me suis posé très tôt la question de ma destination, plutôt que de mes origines », écrit Gérald Bronner dans un récit voué à interroger ses propres origines sociales. Or, à rebours d’une tradition dominante de la sociologie française, centrée sur la théorie de la domination, l’auteur s’emploie soigneusement à dissocier la question des origines de son cadre analytique habituel. Par rapport à la sociologie déterministe ou au mythe du tout-biologique, un premier glissement s’opère : l’origine n’est pas la marque fondatrice de nos existences vers laquelle on se retournerait, non seulement « pour comprendre mais pour demander des comptes ». Bronner s’écarte des théories qui font de l’origine la cause première, susceptible d’éclairer rétrospectivement toutes les expériences de vie. « Chacun scrute ses origines un peu comme les anciens imaginaient une matrice originelle », observe-t-il. Transclasse, Bronner s’est découvert l’être lui-même sur le tard, au contact d’autres milieux sociaux, mais sans se laisser gagner par la honte souvent associée tant à l’égard de son origine que de sa destination. L’origine donne certes une impulsion, mais elle ne prescrit jamais une direction. Bronner plaide donc pour une sociologie plus compréhensive, qui restitue au réel son relief et sa complexité. Car, si l’origine représente une source abondante de questionnements et d’éclaircissements, gardons à l’esprit que celle-ci est intarissable – « un mystère insondable ». Et que celui dont le regard jeté en arrière voudrait s’y fixer prend le risque, à l’instar de la femme de Loth se retournant vers Sodome, de se transformer à son tour en statue de sel.
Les Origines
CULTURE
Article 2 min
“Grief and Beauty”. Mourir sur scène
Cédric Enjalbert 10 janvier 2023
Chapô Avec cette pièce, l'auteur et metteur en scène Milo Rau bouscule les codes de la représentation pour donner à voir ce que nous avons tant de mal à regarder en face : la fin de vie. Une vanité scénique bouleversante, à voir au Théâtre de la Colline à Paris jusqu'au 5 février.
“Grief and Beauty”. Mourir sur scène
Article 2 min
“Tár”. À la baguette
Cédric Enjalbert 10 janvier 2023
Chapô L’art permet-il de magnifier les passions humaines et le grotesque de l'existence ? C'est le propos de ce film mettant en scène une cheffe d'orchestre incarnée par Cate Blanchett et dont la partition paraît avoir été écrite par Schopenhauer lui-même !
“Tár”. À la baguette
Article 2 min
“Monet-Mitchell”. L’empire des sens
Cédric Enjalbert 10 janvier 2023
Chapô La Fondation Louis-Vuitton, à Paris, confronte le créateur des Nymphéas à l'artiste américaine, figure de proue de l’expressionnisme abstrait. Des œuvres qui court-circuitent le langage pour exprimer toute la force de la sensation. À voir jusqu'au 27 février.
“Monet-Mitchell”. L’empire des sens
OH ! LA BELLE VIE !
Article 2 min
Conseil n° 25 : optons pour le covoiturage
François Morel 09 janvier 2023
Vous attendez un enfant et vous avez le goût des chiffres ronds. D’une manière générale, les chiffres ronds vous rassurent. Apparemment, vous tenez ça de vos parents qui avaient patiemment attendu le 1er janvier 2000 à minuit pile pour s’embrasser sur la bouche, alors que dès le 23&n..
Conseil n° 25 : optons pour le covoiturage
JEU
(Philomag) |
[n° ou bulletin] est un bulletin de / Alexandre Lacroix (2011)N°166 - Février 2023 - Préférons-nous l'ordre ou le désordre ? [texte imprimé] . - 2023 . - 98 p. : ill. en coul. ; 29 cm. Langues : Français ( fre) Catégories : | Philosophie
| Tags : | ordre désordre | Index. décimale : | 17 Morale. Éthique. Philosophie pratique | Résumé : | Nul ne souhaiterait vivre dans un monde où régnerait un ordre irréprochable. Au niveau politique, ce serait la dictature. Au niveau privé, l’austérité. Et cependant, nous ne désirons pas non plus le chaos. Alors, quel est le bon dosage ?
(Philomag) | Note de contenu : | Article 3 min
Schiller cherche ses chaussettes chaudes
Alexandre Lacroix 12 janvier 2023
N’avez-vous jamais remarqué que souvent, les gens très ordonnés, voire maniaques, abritent en eux-mêmes de véritables tempêtes de passions et d’idées contradictoires ? Et qu’inversement, ceux qui s’accommodent volontiers d’une dose de désordre, qui laissent leur bureau ou leur..
VOS QUESTIONS
Article 3 min
“Qu’est-ce qu’un rendez-vous manqué ?”
Charles Pépin 09 janvier 2023
Chapô Question de Renaud Clerc
“Qu’est-ce qu’un rendez-vous manqué ?”
REPÉRAGES
Article 1 min
Énergie : un job pour le blob ?
Octave Larmagnac-Matheron 10 janvier 2023
Et si vous utilisiez un blob – sorte de « moisissure » visqueuse, ni animale ni végétale – pour recharger votre montre connectée ? C’est le projet auquel travaillent Jasmine Lu et Pedro Lopes de l’université de Chicago (États-Unis). Ils ont créé un dispositi..
Énergie : un job pour le blob ?
Article 1 min
“L’histoire”
Octave Larmagnac-Matheron 10 janvier 2023
“L’histoire alerte le présent” Emmanuel Macron, le 5 décembre, sur la chaîne YouTube de l’Élysée “L’histoire, [...] c’est le discours de l’éclat par lequel le pouvoir fascine, terrorise, immobilise” Michel Foucault, « Il faut défendre la s..
Article 1 min
“Passeport matériel”
Octave Larmagnac-Matheron 10 janvier 2023
Et si l’on délivrait des cartes d’identité aux bâtiments ? C’est l’idée récemment mise en avant dans une exposition organisée par le Royal Institute of British Architects, Long Life, Low Energy: Designing for a Circular Economy. Le « passeport matériel » consiste à l..
“Passeport matériel”
Article 1 min
“19,4”
Octave Larmagnac-Matheron 10 janvier 2023
C’est le nombre moyen de fautes commises par les élèves de CM2 dans une dictée type. Sur le même exercice, on comptait 10,7 erreurs en 1988. Cette diminution du niveau en orthographe, qui concerne principalement les règles grammaticales, touche plus les garçons (21,1 fautes) que le..
Article 2 min
Les Français votent-ils en touche ?
Octave Larmagnac-Matheron 10 janvier 2023
VOTE SYSTÉMATIQUE À TOUTES LES ÉLECTIONS NATIONALES 2002 48 % 2007 51 % 2012 48 % 2017 36 % 2022 37 % ABSTENTION SYSTÉMATIQUE 2002 12 % 2007 9 % 2012 11 % 2017 13 % 2022 16 % VOTE INTERMITTENT 2002 40 % 2007 40 % 2..
PERSPECTIVES
Article 3 min
Qui voudrait renoncer au reste de la vie ?
Alexandre Lacroix 10 janvier 2023
Chapô Le recul de l’âge de la retraite pose un problème de justice sociale, l’espérance de vie étant inégalement répartie, mais il vient aussi remettre en question la possibilité de rejouer ce que l’on est, après le travail et hors de lui.
Qui voudrait renoncer au reste de la vie ?
Article 3 min
Euthanasie : à la recherche de la bonne loi
Batiste Morisson 10 janvier 2023
Chapô Le 6 janvier 2023 s’est ouverte la phase de débat de la Convention citoyenne sur la fin de vie, qui doit préparer un éventuel assouplissement de la législation actuelle. Quels sont les arguments en jeu ?
Euthanasie : à la recherche de la bonne loi
Article 3 min
Constantin Sigov : “Ce qui se joue en Ukraine, c’est la défense de la vérité”
Sophie Gherardi 10 janvier 2023
Chapô Alors que la guerre en Ukraine semble être partie pour durer, le philosophe et éditeur ukrainien Constantin Sigov, qui vient de faire paraître Le Courage de l’Ukraine (Éditions du Cerf), pose des mots justes et poignants sur sa situation.
Constantin Sigov : “Les Ukrainiens eux-mêmes ont été stupéfaits de leur capacité de résistance”
Article 3 min
Quand la machine raconte des histoires
Batiste Morisson 10 janvier 2023
Chapô Mise en ligne récemment, la nouvelle version du système d’intelligence artificielle d’OpenAI fait grand bruit. De manière impressionnante, elle s’approprie une faculté jusque-là spécifique aux hommes : la capacité narrative.
Quand la machine raconte des histoires
AU FIL D’UNE IDÉE
Article 3 min
C’est pas trop taux !
Sven Ortoli 09 janvier 2023
Le code de lois d’Hammurabi, roi de Babylone vers 1 800 av. J.-C., stipule que le taux d’intérêt pour l’emprunt de céréales ne doit pas excéder 33 % par an. En 443 av. J.-C., la loi romaine des Douze Tables fixe la limite supérieure des taux à 12 %. Au déb..
C’est pas trop taux !
ETHNOMYTHOLOGIES
Article 3 min
Taxi volant. Voyage dans le ventre de la mère
Tobie Nathan 09 janvier 2023
Chapô Ce véhicule devrait être mis en service lors des jeux Olympiques de 2024. Il promet de nous faire planer au-dessus des grandes métropoles dans un confort absolu. Comme l’enfant flottant dans le liquide amniotique ?
Taxi volant. Voyage dans le ventre de la mère
REPORTAGE
Article 16 min
Birmanie. Les nouveaux visages de la résistance
Pierre Terraz 12 janvier 2023
Chapô Depuis le coup d’État du 1er février 2021, la Birmanie est sous le joug d’une dictature sans équivalent. Alors qu’un gouvernement de l’ombre s’est formé en exil, la lutte armée s’organise sur place. Dans un pays en pleine guerre civile, notre reporter a rejoint clandestinement l’un des camps de la rébellion populaire afin de comprendre comment unir une nation aux 135 ethnies historiquement multiforme et divisée.
Birmanie : vers un “printemps des peuples” ?
L’ŒIL DE LA SORCIÈRE
Article 3 min
Mythes et remix
Isabelle Sorente 09 janvier 2023
Chapô Morts et enterrés les dieux et déesses du panthéon grec ? Pourtant, grâce aux réseaux sociaux, la flamme de l’hellénisme brûle à nouveau. Inclusivité, respect de la nature et féminisme trônent au sommet de cet Olympe numérique. Un retour du polythéisme qui reflète notre pluralisme ?
Mythes et remix
DOSSIER
6 articles
Préférons-nous l’ordre ou le désordre ?
Publié le 12 janvier 2023
Nul ne souhaiterait vivre dans un monde où régnerait un ordre irréprochable. Au niveau politique, ce serait la dictature. Au niveau privé, l’austérité. Et cependant, nous ne désirons pas non plus le chaos. Alors, quel est le bon dosage ? > Cette question nous entraîne d’abord en métaphysique : si certains philosophes considèrent que le cosmos est un vaste bazar et l’ordre une fragile victoire des humains, d’autres insistent au contraire sur le fait que toutes les formes de création, qu’il s’agisse du vivant ou de l’art, ont besoin de l’étincelle de l’imprévu. L’avènement de l’ordre > Qu’est-ce que l’expérience du désordre intérieur, c’est-à-dire du délire ? A-t-il sa propre logique ? Le diagnostic de la psychiatre Astrid Chevance. > L’écrivain Thomas Clerc nous a reçu chez lui. Il est maniaque, peut-être, n’empêche qu’il a tiré de son intérieur un infini. La fécondité du désordre > Dans le monde du travail, un bureau bien rangé est-il source d’efficacité ? Faut-il avancer droit vers l’objectif ou s’ouvrir aux questions qui surgissent en chemin ? Réponses avec les chercheurs Sylvie Catellin, Vincent Calvez et le philosophe Alexis Lavis. > Géométrique, le jardin à la française ? Pas si sûr, l’architecte urbaniste Jean-Pierre Le Dantec nous emmène y faire un tour. La fatalité du cycle > Avec la pandémie et la guerre en Ukraine, notre époque est tiraillée entre la demande de sécurité des citoyens – d’ordre donc ! – et l’individualisme libéral, rétif à toute hiérarchie ou pensée collective. Une tension dont débattent les philosophes Catherine Malabou et Jean-Claude Monod.
Préférons-nous l’ordre ou le désordre ?
Article 11 min
Petits arrangements avec le chaos
Alexandre Lacroix 12 janvier 2023
Chapô Si personne ne veut d’une vie ni d’une société intégralement rangées, synonymes d’ennui et de privation de liberté, il n’est pas évident de bien doser le désordre. Peut-on vraiment lui entrouvrir la porte sans qu’il ne dévaste tout ?
Petits arrangements avec le chaos
Article 10 min
Astrid Chevance : “Ce qui compte dans le délire, c’est la fixité de l’idée”
Cédric Enjalbert 12 janvier 2023
Chapô Pour la psychiatre Astrid Chevance, spécialiste de la dépression et chercheuse en épidémiologie clinique, le désordre apparent du trouble psychique masque un ordre radicalement autre, celui – souvent incompréhensible – de la maladie.
Astrid Chevance : “Ce qui compte dans le délire, c’est la fixité de l’idée”
Article 5 min
Le meilleur est à l’intérieur
Alexandre Lacroix 12 janvier 2023
Chapô Voici le portrait d’un écrivain dans son lieu de vie : Thomas Clerc, qui a consacré un livre entier à son appartement, raconte sa passion pour l’ordre, pas aussi raisonnable qu’on ne l’imagine !
Le meilleur est à l’intérieur
Article 9 min
Bureau, fais ton office !
Samuel Lacroix 12 janvier 2023
Chapô Dans nos entreprises, nous sommes invités à nous montrer « disruptifs » tout en nous pliant à l’extrême planification du travail. Nous avons rencontré une chercheuse en sciences de l’information et de la communication, un professeur en management stratégique et un philosophe, qui s’inquiètent de l’effet de ces injonctions contradictoires : n’ont-elles pas vocation à engendrer une autre forme de bouleversement, celui du sens même du travail ? Enquête.
Bureau, fais ton office !
Article 5 min
Range ton jardin !
Cédric Enjalbert 12 janvier 2023
Chapô Selon l’écrivain Jean-Pierre Le Dantec, l’art du jardin n’est pas qu’une mise en ordre des profusions luxuriantes de la nature. À l’occasion d’une rencontre au jardin des Tuileries, il nous montre comment l’ordre et le désordre s’imbriquent dans les taillis.
Range ton jardin !
Dialogue 13 min
Catherine Malabou-Jean-Claude Monod : être ou ne pas être gouverné ?
Martin Legros 12 janvier 2023
Chapô Face aux bouleversements provoqués par la crise écologique, les plateformes numériques ou le retour de la guerre, faut-il en appeler à l’État et aux institutions publiques pour préserver l’ordre ? Ou faut-il faire davantage confiance à la capacité d’auto-organisation des individus et des sociétés, et à la fécondité du désordre ? Catherine Malabou, théoricienne de l’anarchie, croise le fer avec Jean-Claude Monod, penseur de la gouvernementalité.
L’ordre est-il bon en politique ? Catherine Malabou et Jean-Claude Monod débattent
ENTRETIEN
Entretien 14 min
Tim Ingold : “Pour apprendre une chose, tu dois commencer par la faire”
Sven Ortoli 11 janvier 2023
Chapô Rencontrer la pensée de Tim Ingold, c’est passer de l’autre côté du miroir. On ne voyait que des objets, des matériaux statiques, et voilà qu’apparaît, grâce à cet anthropologue britannique passionné par l’artisanat et l’environnement, tout un univers dynamique tramé de lignes. De quoi imaginer de nouvelles manières d’habiter le monde.
Tim Ingold, entre les lignes
L’AVENTURE D’UN CLASSIQUE
4 articles
“Le Pragmatisme” de William James. La vérité à l’épreuve
Publié le 11 janvier 2023
Le mot « pragmatisme » a beau être entré dans le langage courant, Le Pragmatisme de William James (1842-1910) reste une œuvre encore largement méconnue. Parce qu’il veut relier la théorie à la pratique, le philosophe américain a longtemps été accusé de sacrifier les concepts et la vérité à l’utilité. Et si le pragmatisme leur redonnait au contraire des lettres de noblesse en ne cessant de les interroger ?
“Le pragmatisme” de William James. Une pensée à hauteur d’homme
Article 10 min
“Le pragmatisme” de William James. Une pensée à hauteur d’homme
Victorine de Oliveira 11 janvier 2023
Chapô Quelles sont les conséquences pratiques d’une philosophie, d’un concept, d’une idée ? C’est la question qui anime William James. En proposant une nouvelle manière de penser, il évalue ainsi la capacité à intégrer le sujet dans un réel en perpétuel changement.
“Le pragmatisme” de William James. Une pensée à hauteur d’homme
Article 3 min
William James, l’expérience en héritage
Victorine de Oliveira 11 janvier 2023
Chapô Peu répandu en France ou mal compris, le pragmatisme connaît pourtant une large postérité, notamment chez les penseurs de la démocratie et de l’environnement.
Article 3 min
Bergson, fervent admirateur de William James
Henri Bergson 11 janvier 2023
Chapô William James et Henri Bergson ont entretenu une amitié et une correspondance soutenue, nourrie de l’appétit de Bergson pour toute pensée nouvelle et par la reconnaissance d’un intérêt commun pour le flux de l’expérience et de la vie. Bergson admirait tant son ami qu’il a rédigé une préface au Pragmatisme, parue en 1911 avec la première traduction française de l’ouvrage.
Article 5 min
Stéphane Madelrieux : “Le pragmatisme prend acte du fait que nous vivons sans essence ni garantie, mais ce n’est pas pour autant qu’il faut désespérer”
Victorine de Oliveira 11 janvier 2023
Chapô Le Pragmatisme de William James ambitionne de proposer une philosophie populaire, capable de toucher le plus grand nombre. Pour le spécialiste de l’auteur américain, Stéphane Madelrieux, il propose à la fois une théorie, une méthode ainsi qu’une attitude générale propre à renouveler nos catégories de pensée en l’absence de certitude absolue.
Stéphane Madelrieux : “Le pragmatisme prend acte du fait que nous vivons sans essence ni garantie, mais ce n’est pas pour autant qu’il faut désespérer”
BOÎTE À OUTILS
Article 2 min
Pourquoi porte-t-on du maquillage ?
Caroline Pernes 09 janvier 2023
Chapô Chercher la teinte idéale de correcteur ou le mascara qui fera les cils les plus longs… Pourquoi modifier ainsi notre visage ? Les réponses à fleur de peau de quatre philosophes.
Pourquoi porte-t-on du maquillage ?
Article 1 min
Verschlimmbessern
Octave Larmagnac-Matheron 09 janvier 2023
Chapô Langue d’origine : allemand
Article 2 min
“Destin”
Batiste Morisson 09 janvier 2023
Chapô C’était écrit, les philosophes sont déterminés à vous expliquer cette notion.
BACK PHILO
Bac philo 6 min
Y a-t-il une logique de l’insensé ?
Nicolas Tenaillon 09 janvier 2023
Chapô Analyse des termes du sujet « Y a-t-il » Existe-t-il ? Peut-on le constater ? « une logique » Manière de penser conforme à des règles, discours cohérent. « de l’insensé » Qui n’a pas de signification, qui est absurde, déraisonnable.
LES LIVRES
Article 2 min
J’y pense et puis je lis/Février 2023
Jean-Marie Durand 11 janvier 2023
Alors que le contexte politique dominé par les multiples visages de la guerre – militaire, climatique, sociale – n’invite guère à éprouver un sentiment de légèreté, comment ne pas céder à l’abattement en ce début de 2023 ? Comment esquisser la voie d’une espérance..
Livre
Dipesh Chakrabarty
Après le changement climatique, penser l’histoire
Publié le 06 janvier 2023
La crise écologique n’est pas seulement une réalité scientifique accablante, c’est un bouleversement de notre expérience historique. Si l’on prend au sérieux la notion d’Anthropocène, qui fait de l’humanité un agent géologique capable d’influer sur le climat et la composition du vivant, c’est la définition même de l’histoire humaine qui est à revoir. Ce n’est peut-être pas pour rien que cette réflexion sur la réinvention du concept d’histoire nous vient du penseur indien Dipesh Chakrabarty, figure des études décoloniales et subalternes. Comme il le raconte dans ce nouvel essai, l’intuition lui est venue au début des années 2000, alors qu’il assistait à un incendie dévastateur en Australie. En s’informant sur le réchauffement climatique, il a peu à peu pris conscience de ses implications philosophiques inédites. Jusqu’ici, les événements géologiques n’avaient été qu’« une toile de fond immuable et constante de l’histoire humaine ». Car les échelles de temps de l’évolution du climat, des espèces ou des énergies fossiles (des millions d’années) étaient sans commune mesure avec l’échelle de temps propre à l’histoire humaine (années, décennies ou siècles). Dès lors que nous sommes devenus capables de changer la chimie de l’atmosphère, de faire monter le niveau de la mer ou de changer le climat, c’est comme si l’histoire anthropocentrée était « tombée » dans l’histoire profonde de la Terre et que les deux histoires étaient dorénavant imbriquées : « Nous pouvons dire que nous, les humains, vivons dorénavant simultanément dans deux sortes de “temps présent” : dans notre conscience de nous-mêmes, le “présent” de l’histoire humaine s’est entremêlé au “présent” long des échelles de temps géologiques et biologiques – ce qui ne s’était encore jamais produit dans l’histoire de l’humanité. » Mais rien n’est plus complexe à penser que cet emboîtement de l’histoire humaine dans celle, longue, du climat. Car loin de fusionner, comme si les temporalités se recoupaient et que les humains pouvaient maîtriser l’histoire naturelle comme ils ont cherché à le « faire » de leur propre histoire, c’est plutôt à une série de courts-circuits temporels que l’on assiste entre les temps biologique, géologique et politique. Mais aussi entre les agents de ces histoires enchevêtrées : ici, le capitalisme ou la technologie mondialisée ; là, le savoir des longues durées produit par la communauté scientifique ; ici encore, les décisions à brève échéance des instances politiques ; là enfin, les évolutions des grands cycles de la matière ou de la vie. Pour débroussailler cet enchevêtrement, Chakrabarty propose une distinction éclairante entre trois concepts. Le globe, c’est-à-dire le site de l’histoire anthropocentrée, relève de la logique des empires, du capital et de la technologie ; la planète, régie par des lois et des évolutions inhumaines, comparables à d’autres dans l’Univers ; et, entre les deux, la Terre et la vie à sa surface, dont nous dépendons et sur laquelle nous agissons alors que ses cycles nous dépassent. Revisitant les grandes philosophies de la Terre et du monde, de Heidegger, Schmitt, Husserl et Arendt à Latour et à Spivak, l’auteur invite à mesurer que notre nouvelle conscience historique fait de nous des tard-venus sur une planète où nous occupons la position « d’invités de passage plutôt que d’hôtes possessifs ».
Après le changement climatique, penser l’histoire
Livre
Frédéric Gros
Pourquoi la guerre ?
Publié le 06 janvier 2023
Nous n’imaginions pas le « retour de la guerre » en Europe. Le philosophe Frédéric Gros part de cette incrédulité, un an après l’invasion de l’Ukraine, pour enrichir sa réflexion sur les transformations de la guerre. Il parcourt une « tragédie en trois actes » débutant en 1945 : guerre binaire, à l’instar de la guerre froide ; guerre globale, diffuse, marquée par le terrorisme, où le couple guerre et paix laisse place au binôme intervention et sécurité ; guerre de « chaotisation », dont le motif apparaît désormais. « Alors que la guerre classique s’était construite comme une violence structurée selon des règles et suspendue à des objectifs (elle était normée et instrumentale), les guerres de chaotisation, dont le profil aujourd’hui se dessine en Libye, en Syrie, en Irak, au Yémen, sont faites pour maximaliser les profits de la catastrophe. » Le conflit ukrainien illustre cette guerre « menée pour elle-même » et non « orientée vers la production d’une paix », avec sa « coloration millénariste » – Poutine promet de purifier le continent de la « décadence européenne ». Cette chaotisation est aussi « le symbole et le symptôme d’une difficulté insurmontable, qui est la nôtre, à construire un futur ». L’agression russe ravive une perplexité fondamentale : « Pourquoi les hommes se font la guerre, et depuis si longtemps ? » La réflexion sur la légitimité de la guerre juste achoppe en philosophie sur la violence qui « demeure pour la pensée ce roc contre lequel perpétuellement elle se brise ». L’auteur identifie trois raisons pour l’expliquer : « la cupidité ; la peur ; la quête de gloire ». Mais il en ajoute une. Ce n’est pas une inclination naturelle qui nous porte à cette violence : « si les États se font la guerre, c’est justement parce que, entre eux, il n’y a pas assez de nature – trop de calculs pauvrement humains, d’ambitions mesquines, d’anticipations portées par des imaginations limitées ». Contre ces « passions tristes », la paix se cultive.
Pourquoi la guerre ?
Livre
Claire Richard
Des mains heureuses. Une archéologie du toucher
Publié le 06 janvier 2023
Ce n’est pas toujours facile de décrire les gestes et les sensations avec des mots. Là où le langage tend à clarifier les choses, à les mettre dans des cases, le toucher les effleure sans chercher à les cataloguer. Pour écrire une « archéologie du toucher », il faut donc fouiller, tâtonner : mettre la main à la pâte. C’est ce que fait la journaliste et autrice Claire Richard dans cette odyssée sensorielle, s’attardant sur la douceur de la peau d’un bébé, la main rêche d’une vieille dame, la chaleur enveloppante d’une étreinte. Car le toucher n’est pas une expérience abstraite : il se manifeste dans un contexte précis. En l’occurrence, l’écriture de Claire Richard est imprégnée par l’épreuve collective du confinement, elle-même traversée par l’expérience intime de sa grossesse, déroulée sous les auspices hygiénistes de l’épidémie. Elle raconte en creux l’histoire du bannissement du toucher, de sa mise sous cloche dans un monde devenu « sans contact ». Les « mains heureuses » des caresses s’opposent ainsi aux « mains esseulées », « malheureuses », de ceux qui se sont retrouvés privés de la dimension tactile de l’existence. « Ce qui était très compliqué, c’était de voir des gens mourir et de ne pas pouvoir leur donner la main », témoigne Eva, psychologue en Ehpad pendant le confinement. L’ouvrage, hybride dans sa forme, alterne entre des témoignages personnels d’amies de l’autrice ou glanés dans des forums sur Internet, et des passages plus théoriques, visant à définir le cadre possible d’une « politique du toucher ». Cette variation des sujets du discours est pour Claire Richard une manière d’adopter une forme littéraire semblable au sens du toucher : à la fois « fragmentaire », « instable », mais aussi « impure », « contaminée de partout ». La politique du toucher, qu’elle appelle de ses vœux, devrait « façonner un corps tendre », capable de renoncer à user de ses mains pour écraser, fragmenter ou briser. Un corps capable « de toucher sans vouloir posséder ».
Des mains heureuses. Une archéologie du toucher
Livre
Frédérique Leichter-Flack
Pourquoi le mal frappe les gens bien ?
Publié le 06 janvier 2023
Comment un Dieu bon et tout-puissant peut-il laisser exister le mal ? Cette question fondamentale, les philosophes la connaissent bien (c’est le problème de la théodicée), mais ce sont peut-être les écrivains de littérature qui y répondent le mieux. Parce que « si l’on est bon lecteur, les larmes des personnages sont pour nous de vraies larmes. Le sentiment d’injustice qu’on éprouve à leurs côtés est authentique », suggère Frédérique Leichter-Flack dans son essai pénétrant. Et c’est là seulement que nous pouvons nous poser en arbitres de l’expérience – par exemple, du pauvre Job de la Bible, sur qui pleuvent les épreuves – et percevoir ce que la posture de la plainte ou de la réclamation comporte d’impuissance – comme dans le cas de Yossel Rakover s’adresse à Dieu, court texte de fiction de 1946 dans lequel un rescapé du génocide juif déclare tout net au Tout-Puissant que l’épreuve a dépassé de loin les capacités humaines : « Tu les as si durement éprouvés qu’ils ne peuvent plus penser que Tu es leur père, ni même qu’ils ont un père. » De maladies en désastres, de deuils en échecs, on se rend compte avec Brontë, Dostoïevski ou Yourcenar que les idées comptent moins que les mots et que les souffrances s’apaisent plus difficilement par les concepts que par le dialogue. Pourquoi ? Parce qu’il n’y a pas d’autre antidote à la douleur que l’empathie, si bien que c’est en vivant ensemble les grandes épreuves – même à se plaindre les uns aux autres qu’elles soient si singulières, si peu partageables – qu’en réalité, on les traverse bel et bien. Si la sagesse est de souffrir sans s’y refuser, on peut laisser libre cours à sa peine. Car « se disputer avec Dieu, qui est là pour ça, vaut mieux que se fâcher avec les hommes ».
Pourquoi le mal frappe les gens bien ?
Livre
Camille de Toledo
Une histoire du vertige
Publié le 09 janvier 2023
Le vertige : tel est le nom que l’écrivain Camille de Toledo donne à notre condition humaine en ce XXIe siècle, ou plus exactement à ce qu’est devenue désormais notre façon d’habiter le monde. Un monde désolé, meurtri, décentré, et dont le sol semble se dérober sous nos pieds, car nous avons perdu nos appuis sur une Terre elle-même à la fois blessée et éreintée. Alors, dans ce vacillement et devant la perspective de ce que d’autres désignent sous le concept d’effondrement, nous nous raccrochons à notre besoin de croire à des histoires, qui elles-mêmes nous habitent. Et ces histoires sont avant tout celles que nous offrent la littérature et l’art : l’écrivain convoque Cervantès, Montaigne, Faulkner, Borges, Pessoa et Melville mais aussi Magris ou Sebald pour inviter son lecteur à cheminer avec lui dans une exploration de cette poétique des liens qui nous rattachent à des langues, à des territoires, aux autres et à nous-mêmes. Ainsi sommes-nous celui que Toledo appelle Sapiens narrans – soit, comme un Don Quichotte moderne, « un être qui croit plus aux récits qu’il tisse qu’aux épreuves de son corps et du monde. Rappelle-toi : il tombe, se relève, tombe, se relève encore. La fiction en lui est un principe de relèvement ». À travers un labyrinthe d’images, il remâche ces histoires qui l’accompagnent pour continuer à vivre avec ce passé qui ne passe pas. « Les destructions ont eu lieu ; les exils, les séparations, les deuils et les pertes sont les noms renversés du Progrès. Le présent est peuplé de scènes de crime qui hantent. » La littérature qu’explore Camille de Toledo comme ressource existentielle nous apprend à ne pas céder au vertige. Comme chez Don Quichotte, c’est la fiction qui permet de tenir.
Une histoire du vertige
Livre
Florence Burgat
L’Inconscient des animaux
Publié le 09 janvier 2023
Et vous, emmèneriez-vous votre chien chez le psy ? L’idée, aujourd’hui souvent moquée à mesure que se développent les formes de thérapie animale, est peut-être moins saugrenue qu’il n’y paraît. Freud lui-même, lorsqu’il analyse l’appareil psychique humain, écrit : « Ce schéma général […] est valable aussi pour les animaux supérieurs. […] Il convient d’admettre l’existence d’un surmoi partout où, comme chez l’homme, l’être a dû subir, dans son enfance, une assez longue dépendance. » C’est dans cette voie que s’engouffre Florence Burgat avec cet ouvrage, parfois technique mais toujours passionnant. Pour la philosophe, il importe de se départir de l’idée d’une vie animale qui serait gouvernée par des mécanismes purement physiologiques. Même lorsqu’on la rabat sur des dynamiques biologiques, ce « fond instinctuel » n’a de sens que s’il est conçu avec une certaine profondeur d’intériorité, comme un psychisme peut-être aveugle mais capable d’emmagasiner des expériences. « L’inconscient biologique constituerait alors le fond abyssal de leurs comportements si mystérieux » (ceux des animaux). C’est seulement depuis ce fond abyssal qu’il faut envisager l’avènement de quelque chose comme une conscience, qui émerge au fil d’une histoire évolutive indissociablement physiologique et psychique. La conscience est structurée par un « héritage archaïque » de traumas et de refoulements immémoriaux survenus bien en amont de l’individu, qui rendent possible, dans certaines branches de l’évolution, l’avènement progressif d’un surmoi réprimant les pulsions du ça. Le « conflit » des instances psychiques ouvre comme une brèche où peut se déployer un moi – y compris chez beaucoup d’animaux non humains. « La vie égologique des mammifères et des oiseaux ne fait pas de doute. » Ce moi, comme celui de l’humain, peut être affecté de pathologies. « Les manuels de zoopsychiatrie décrivent les états de stress post-traumatique ; […] les dépressions aiguës ou chroniques ; […] les phobies ; les troubles compulsifs », etc. « Les animaux n’ont pas besoin de parler pour exprimer […] leur effondrement. L’existence en eux se recroqueville. » Une invitation à prendre en considération la souffrance psychique des bêtes.
L’Inconscient des animaux
Livre
Maurice Merlau-Ponty
Inédits. Vol. 1. Cours et conférences en Europe et premiers cours à Lyon. 1946-1947
Publié le 09 janvier 2023
Disons-le d’emblée, ces deux volumes d’inédits de Maurice Merleau-Ponty ne s’adressent pas à tout le monde. Ils intéresseront certainement quelques étudiants et chercheurs très aguerris à la pensée du phénoménologue. Mais pour les autres ? Que faire de ces centaines de pages précédées de (trop ?) longues introductions où s’égrènent, de manière parfois décousue, les notes, les brouillons, les ratures, les réécritures, les textes de conférence ? Comment donc s’y repérer ? Peut-être, précisément, en se laissant porter, en vagabondant dans les linéaments de cette pensée en train de se faire. Au détour un peu hasardeux d’une page, quelques fulgurances attendent le lecteur. Dans le second volume, alors que Merleau-Ponty tisse les fils apparemment disjoints de la sensibilité (explorée dans la Phénoménologie de la perception) et de la politique (au cœur d’Humanisme et Terreur), comme pour en montrer l’intime et indémêlable solidarité au sein d’une dimension signifiante où nos existences s’insèrent, surgit soudain l’idée, puissante, de « perception de l’histoire ». Voulant montrer l’« impossibilité d’une objectivité absolue en histoire » (car « valeurs et faits [sont liés] dans une perception de l’histoire »), soucieux aussi de remettre à leur place les « dogmatismes » qui décrètent de l’extérieur un sens de l’histoire, Merleau-Ponty souligne que « l’histoire n’a pas un sens. Nous le lui donnons ». Ce sens « dépend de ce qui suivra ». L’appréhension que nous avons de notre héritage est constamment modifiée par la transformation de notre projection dans l’avenir. « Il y a va et vient et compréhension de notre avenir par notre passé comme de notre passé par notre avenir. […] La constitution du passé dépend de notre présent et du choix de notre avenir. Nous nous choisissons des ancêtres. L’histoire n’est pas science parce qu’elle est nous. » Nous réinterprétons sans cesse notre inscription en elle. Ce sens dynamique ne peut jamais se réduire à un discours univoque. « Il n’y a pas une vue mais une pluralité de perspectives » qui s’enroulent et s’affectent les unes les autres. Un exemple de ces saillies lumineuses émaillant les volumes, caractéristique des préoccupations du philosophe dans ces premières années de l’après-guerre.
Inédits. Vol. 1. Cours et conférences en Europe et premiers cours à Lyon. 1946-1947
Livre
Maurice Merlau-Ponty
Inédits. Vol 2. Conférences en Amérique, notes de cours et autres textes
Publié le 09 janvier 2023
Disons-le d’emblée, ces deux volumes d’inédits de Maurice Merleau-Ponty ne s’adressent pas à tout le monde. Ils intéresseront certainement quelques étudiants et chercheurs très aguerris à la pensée du phénoménologue. Mais pour les autres ? Que faire de ces centaines de pages précédées de (trop ?) longues introductions où s’égrènent, de manière parfois décousue, les notes, les brouillons, les ratures, les réécritures, les textes de conférence ? Comment donc s’y repérer ? Peut-être, précisément, en se laissant porter, en vagabondant dans les linéaments de cette pensée en train de se faire. Au détour un peu hasardeux d’une page, quelques fulgurances attendent le lecteur. Dans le second volume, alors que Merleau-Ponty tisse les fils apparemment disjoints de la sensibilité (explorée dans la Phénoménologie de la perception) et de la politique (au cœur d’Humanisme et Terreur), comme pour en montrer l’intime et indémêlable solidarité au sein d’une dimension signifiante où nos existences s’insèrent, surgit soudain l’idée, puissante, de « perception de l’histoire ». Voulant montrer l’« impossibilité d’une objectivité absolue en histoire » (car « valeurs et faits [sont liés] dans une perception de l’histoire »), soucieux aussi de remettre à leur place les « dogmatismes » qui décrètent de l’extérieur un sens de l’histoire, Merleau-Ponty souligne que « l’histoire n’a pas un sens. Nous le lui donnons ». Ce sens « dépend de ce qui suivra ». L’appréhension que nous avons de notre héritage est constamment modifiée par la transformation de notre projection dans l’avenir. « Il y a va et vient et compréhension de notre avenir par notre passé comme de notre passé par notre avenir. […] La constitution du passé dépend de notre présent et du choix de notre avenir. Nous nous choisissons des ancêtres. L’histoire n’est pas science parce qu’elle est nous. » Nous réinterprétons sans cesse notre inscription en elle. Ce sens dynamique ne peut jamais se réduire à un discours univoque. « Il n’y a pas une vue mais une pluralité de perspectives » qui s’enroulent et s’affectent les unes les autres. Un exemple de ces saillies lumineuses émaillant les volumes, caractéristique des préoccupations du philosophe dans ces premières années de l’après-guerre.
Inédits. Vol 2. Conférences en Amérique, notes de cours et autres textes
Livre
Paul Valéry
Cours de poétique, t. 1. Le corps et l'esprit
Publié le 09 janvier 2023
Barthes, Cioran, Blanchot, Bonnefoy ou encore Tournier : la liste des célébrités en devenir qui assistèrent entre 1937 et 1945 aux cours de poétique de Paul Valéry est impressionnante. Citées, commentées, critiquées, les leçons de l’écrivain imprégneront en profondeur les milieux intellectuels français de la seconde moitié du XXe siècle. Tous ceux qui y feront référence, pourtant, n’ont pas eu la chance d’écouter le maître en chaire (et en os). Ses cours ne furent pas enregistrés. Valéry a travaillé à la fin de sa vie à leur publication, mais il aura fallu attendre quatre-vingts ans pour que son souhait soit réalisé. Les deux volumes qui paraissent aujourd’hui, édités sous la direction de William Marx, donnent pour la première fois à lire l’ampleur d’un enseignement qui porte bien au-delà de la seule poétique au sens restreint. Le propos de Valéry est une véritable « exploration du domaine de l’esprit créateur », une théorie de la poiesis, laquelle met en jeu à la fois « ce qu’il y a de plus profond dans l’homme », l’élan souterrain mouvant le créateur, et des « facteurs extérieurs », sociaux, politiques, mais également corporels, qui conditionnent la concrétisation de cet élan. Valéry interroge cette articulation entre un « état » intérieur « indéfinissable », que le créateur cherche à exprimer, et une « action nécessairement finie » par laquelle l’œuvre prend forme. Il y a comme un peu d’incommensurable et d’inachevé dans cet acte créateur qui embrasse le « désordre » de l’indéfini comme « condition de sa fécondité »
Cours de poétique, t. 1. Le corps et l'esprit
Livre
Paul Valéry
Cours de poétique, t. 2. Le langage, la société et l’histoire
Publié le 09 janvier 2023
Barthes, Cioran, Blanchot, Bonnefoy ou encore Tournier : la liste des célébrités en devenir qui assistèrent entre 1937 et 1945 aux cours de poétique de Paul Valéry est impressionnante. Citées, commentées, critiquées, les leçons de l’écrivain imprégneront en profondeur les milieux intellectuels français de la seconde moitié du XXe siècle. Tous ceux qui y feront référence, pourtant, n’ont pas eu la chance d’écouter le maître en chaire (et en os). Ses cours ne furent pas enregistrés. Valéry a travaillé à la fin de sa vie à leur publication, mais il aura fallu attendre quatre-vingts ans pour que son souhait soit réalisé. Les deux volumes qui paraissent aujourd’hui, édités sous la direction de William Marx, donnent pour la première fois à lire l’ampleur d’un enseignement qui porte bien au-delà de la seule poétique au sens restreint. Le propos de Valéry est une véritable « exploration du domaine de l’esprit créateur », une théorie de la poiesis, laquelle met en jeu à la fois « ce qu’il y a de plus profond dans l’homme », l’élan souterrain mouvant le créateur, et des « facteurs extérieurs », sociaux, politiques, mais également corporels, qui conditionnent la concrétisation de cet élan. Valéry interroge cette articulation entre un « état » intérieur « indéfinissable », que le créateur cherche à exprimer, et une « action nécessairement finie » par laquelle l’œuvre prend forme. Il y a comme un peu d’incommensurable et d’inachevé dans cet acte créateur qui embrasse le « désordre » de l’indéfini comme « condition de sa fécondité »
Cours de poétique, t. 2. Le langage, la société et l’histoire
Livre
Jacques Lacan
Le Séminaire. Livre XIV. La Logique du fantasme
Publié le 09 janvier 2023
D’un Lacan l’autre. L’un, celui des Premiers Écrits datés des années 1928-1932, est un jeune interne en médecine, apprenti psychiatre qui n’est pas encore entré personnellement en analyse. Le ton et le contenu des diagnostics cliniques qu’il réalise alors ne dénotent pas par rapport à ceux de l’institution – à peine le jeune Lacan se démarque-t-il par une attention particulièrement soutenue pour les cas psychotiques. L’autre (le Grand Autre ?), celui de La Logique du fantasme, est le Lacan de la maturité qui est devenu un psychanalyste installé, vénéré par les uns et détesté par les autres, révolutionnaire dans sa manière de réinventer l’enseignement freudien. Dans ce séminaire de l’année 1966-1967, enfin publié dans cette version autorisée qui diffère sensiblement de celles qui circulaient déjà sur Internet, Lacan est devenu lui-même, avec son vocabulaire, ses schémas, sa langue sibylline, mais aussi son dialogue régulier avec les philosophes. « Le réel, explique-t-il par exemple, il importe de le distinguer de la réalité humaine. Il n’est jamais qu’entr’aperçu – entr’aperçu quand le masque vacille qui est celui du fantasme. C’est la même chose que ce que Spinoza a appréhendé quand il a dit que le désir, c’est l’essence de l’homme », avant de retourner la formule en « le désir est l’essence de la réalité ». D’où le rôle cardinal que joue, dans la pensée lacanienne, le fantasme comme voie d’entrée dans le réel qui permet au névrosé de se protéger contre l’angoisse. Et donc aussi la nécessité d’en interroger la logique, c’est-à-dire la structure grammaticale, étant entendu que « le fantasme est, d’une façon bien plus étroite que tout le reste de l’inconscient, structuré comme un langage ».
Le Séminaire. Livre XIV. La Logique du fantasme
Livre
Jacques Lacan
Premiers Écrits
Publié le 09 janvier 2023
D’un Lacan l’autre. L’un, celui des Premiers Écrits datés des années 1928-1932, est un jeune interne en médecine, apprenti psychiatre qui n’est pas encore entré personnellement en analyse. Le ton et le contenu des diagnostics cliniques qu’il réalise alors ne dénotent pas par rapport à ceux de l’institution – à peine le jeune Lacan se démarque-t-il par une attention particulièrement soutenue pour les cas psychotiques. L’autre (le Grand Autre ?), celui de La Logique du fantasme, est le Lacan de la maturité qui est devenu un psychanalyste installé, vénéré par les uns et détesté par les autres, révolutionnaire dans sa manière de réinventer l’enseignement freudien. Dans ce séminaire de l’année 1966-1967, enfin publié dans cette version autorisée qui diffère sensiblement de celles qui circulaient déjà sur Internet, Lacan est devenu lui-même, avec son vocabulaire, ses schémas, sa langue sibylline, mais aussi son dialogue régulier avec les philosophes. « Le réel, explique-t-il par exemple, il importe de le distinguer de la réalité humaine. Il n’est jamais qu’entr’aperçu – entr’aperçu quand le masque vacille qui est celui du fantasme. C’est la même chose que ce que Spinoza a appréhendé quand il a dit que le désir, c’est l’essence de l’homme », avant de retourner la formule en « le désir est l’essence de la réalité ». D’où le rôle cardinal que joue, dans la pensée lacanienne, le fantasme comme voie d’entrée dans le réel qui permet au névrosé de se protéger contre l’angoisse. Et donc aussi la nécessité d’en interroger la logique, c’est-à-dire la structure grammaticale, étant entendu que « le fantasme est, d’une façon bien plus étroite que tout le reste de l’inconscient, structuré comme un langage ».
Premiers Écrits
Livre
Julia Lepère
Par elle se blesse
Publié le 09 janvier 2023
Les chiens ne font pas des chats. Certes. Mais il est très rare que les poètes engendrent des poètes. Or Julia Lepère, fille du poète Pierre Lepère qui a signé plusieurs recueils marquants, comme Les Anti-podes (Gallimard, 1976) ou Le Locataire de nulle part (La Différence, 2013), vient de publier un livre d’une étonnante maîtrise: Par elle se blesse. Ce recueil réunit deux qualités qui sont trop souvent séparées dans la poésie contemporaine française : l’audace formelle, avec pas mal de trouvailles, et la capacité à raconter une histoire. Car il déroule par flashs un véritable roman : la narratrice est partagée entre deux hommes qu’elle aime, A. et L. Le livre est d’ailleurs dédié « À L. », ce qui fait qu’on se demande si le titre signifie que la narratrice se blesse elle-même par son indécision sentimentale, ou si c’est L. qui l’éprouve durement. Entre ces deux hommes, elle voyage, au sens figuré comme au sens propre, puisqu’elle prend souvent le train. Le cœur du recueil, « Films d’un train », restitue l’espèce de concaténation des paysages qu’on aperçoit par la vitre du TGV lorsque l’attention flotte : « La pointe d’une éolienne se saisit de l’ocre forêt »… Mais il n’y a pas que les lieux qui se bousculent, les étreintes se télescopent aussi : « Dépourvus d’innocence, nos veines font des mélanges en montée en descente… » Les ifs et les trembles, deux sortes d’arbres, peuplent ainsi le texte avec leur charge d’hypothèse et de vertige. Un jour, la narratrice se retrouve dans une « ville ordinaire ». Elle qui ne connaît que le désordre des passions écoute parler un couple qui pousse un landau. Ils disent à des passants qu’ils attendent le deuxième… C’est là une vie en ordre, une « vie banale », songe-t-elle. Et pourtant, il en faudrait peu pour que la scène soit plus intéressante : imaginez que le landau soit vide, que le premier enfant n’existe pas… Ainsi, ce qui fait surgir la passion dans nos existences, c’est le repérage des absences, des manques qui criblent une réalité que nous croyons trop pleine. L’expérience de l’amour n’est-elle pas une manière d’approcher un manque fondamental ? « Si proche de ma blessure que tu t’y confondais… »
Par elle se blesse
Livre
Catherine Meurisse
Humaine, trop humaine
Publié le 09 janvier 2023
Catherine Meurisse est devenue l’une des autrices majeures de la bande dessinée hexagonale : récemment élue à l’Académie des beaux-arts à 40 ans à peine, n’a-t-elle pas déjà réussi l’exploit de faire entrer le neuvième art à l’Institut ? Avec ses albums aussi beaux que profonds – notamment ceux qu’elle a consacrés à Delacroix, aux grands espaces ou au Japon –, elle a créé un style unique qu’on retrouve ici pour aborder un domaine qui l’accompagne depuis des années : la philosophie. Ou plus exactement les figures de philosophes, surtout quand leurs pensées vertigineuses sont rattrapées par la réalité dans ce qu’elle peut avoir de plus prosaïque. En une quarantaine d’épisodes et autant de doubles pages, publiées depuis cinq ans dans Philosophie magazine, Meurisse n’a pas la prétention d’expliquer ou d’illustrer telle ou telle doctrine, mais plutôt celle de poser sur les philosophes un regard expressément « féminin et féministe », qui se révèle à la fois tendre et irrévérencieux, décalé et drôle. Le morceau de cire que Descartes analyse dans ses Méditations métaphysiques ? Le voici revu, corrigé et transposé en séance d’épilation à la cire dans un institut de beauté avant un rendez-vous amoureux : expérience douloureuse qui rappelle à ceux qui en douteraient que l’âme est très liée au corps et ainsi que la cire n’est pas connue que par « une inspection de l’esprit ». Le désespoir métaphysique d’Emil Cioran? On reconnaît le philosophe roumain dessiné sous la forme d’un fœtus saisi en pleine échographie en train de rédiger son livre De l’inconvénient d’être né dont la doctoresse lit sur son écran le contenu à la future mère… laquelle n’est plus sûre de vouloir encore de cet enfant ! Il y a du Sempé dans cette façon de croquer le décalage entre un propos grandiloquent (et parfois auto--satisfait) et l’ordinaire de notre quotidien. Ainsi revisitées avec tendresse, les idées des philosophes en situation ne sont jamais apparues aussi humaines.
Humaine, trop humaine
Livre
Philippe Garnier
La Démence du percolateur
Publié le 09 janvier 2023
Si la science-fiction a pour fonction principale de faire mieux voir le présent, la philosophie d’anticipation réfléchit de manière similaire. En se livrant à ses « rêveries » sur les machines, Philippe Garnier propose des réflexions et des expériences de pensée qui mettent en valeur les mystères de notre quotidien. « Dans un univers à cent pour cent robotisé, nos émotions intimes deviendraient notre seule valeur marchande », écrit-il – et soudain les images Instagram nous apparaissent comme les prémices d’une dystopie en train d’advenir. De même, lorsqu’il ouvre la carcasse de son micro-ondes ou sursaute en entendant sonner un téléphone dont la ligne est coupée depuis dix ans, il découvre le fantastique affleurant à la lisière du banal. Notre vie parmi les machines – y compris et surtout déficientes – serait-elle donc plus riche qu’on ne le dit ? À bien les observer, tout tangue, tout se renverse. « La qualité d’une vie pourrait se mesurer à la lenteur d’un ordinateur »… Inversement, la carcasse d’un portable ayant rendu l’âme pourrait s’avérer aussi triste que le corps d’un proche défunt… Et s’il y avait un rapport entre l’obsession contemporaine pour les smartphones, devenus comme le prolongement de nos mains, et les silex des Sapiens sapiens primitifs, découvrant dix mille ans avant nous les délices d’un objet technologique qui puisse aussi servir de doudou ? Traversant avec humour le temps dans les deux sens, ces réflexions livrent notre univers mécanisé à notre étonnement philosophique. Car au fond, « tout interagit sans que nous le comprenions ».
La Démence du percolateur
Livre
Isabelle Sorente
L’Instruction
Publié le 09 janvier 2023
En 2008, le monde de la narratrice devient gris. Burn-out, diagnostique le médecin qu’elle consulte. Il faut mettre un frein au tourbillon d’activités qui menace de faire de son âme une petite chose froide et sèche, déconnectée de ses émotions. Pour réparer ce qui commençait à se fissurer, elle décide de suivre une ancienne instruction bouddhiste : « Que celui qui cherche la vérité se mette à la place d’un animal conduit à l’abattoir. » La narratrice prend l’instruction à la lettre et entame des recherches sur l’élevage intensif. Une trame qui fait écho à un précédent roman d’Isabelle Sorente, 180 Jours (JC Lattès) paru en 2013, dans lequel elle envoyait son personnage, professeur de philosophie, dans un élevage de porcs. Dans L’Instruction, la narratrice fait le pari de l’empathie entre les vivants, bien qu’elle se trouve dans ce qu’elle nomme « une structure de production ». Cela vaut pour les humains qui y travaillent comme pour les animaux – des deux, on ne sait pas lesquels sont les plus prisonniers. Lorsqu’elle croise le regard de Coré 9887, une truie qui semble lui accorder sa confiance sans raison particulière, Isabelle Sorente sent qu’elle entame la première étape de l’instruction. Mais une fois à l’abattoir, c’est le trou – blanc, celui-ci. Impossible d’imaginer ce qu’il se produit dans la tête de celui (ou de celle) qui s’apprête à mourir, qui meurt sous le coup d’une décharge électrique. Reste seulement la possibilité de « jouer le jeu », c’est-à-dire de se répéter l’instruction, de la ruminer encore et encore. L’éternel retour n’est-il pas aussi celui de la douleur, prévient Nietzsche ?
L’Instruction
Livre
Gérald Bronner
Les Origines
Publié le 11 janvier 2023
Cela commence par un pied-de-nez. « Longtemps, je n’ai pas su de quel milieu je venais […]. Je me suis posé très tôt la question de ma destination, plutôt que de mes origines », écrit Gérald Bronner dans un récit voué à interroger ses propres origines sociales. Or, à rebours d’une tradition dominante de la sociologie française, centrée sur la théorie de la domination, l’auteur s’emploie soigneusement à dissocier la question des origines de son cadre analytique habituel. Par rapport à la sociologie déterministe ou au mythe du tout-biologique, un premier glissement s’opère : l’origine n’est pas la marque fondatrice de nos existences vers laquelle on se retournerait, non seulement « pour comprendre mais pour demander des comptes ». Bronner s’écarte des théories qui font de l’origine la cause première, susceptible d’éclairer rétrospectivement toutes les expériences de vie. « Chacun scrute ses origines un peu comme les anciens imaginaient une matrice originelle », observe-t-il. Transclasse, Bronner s’est découvert l’être lui-même sur le tard, au contact d’autres milieux sociaux, mais sans se laisser gagner par la honte souvent associée tant à l’égard de son origine que de sa destination. L’origine donne certes une impulsion, mais elle ne prescrit jamais une direction. Bronner plaide donc pour une sociologie plus compréhensive, qui restitue au réel son relief et sa complexité. Car, si l’origine représente une source abondante de questionnements et d’éclaircissements, gardons à l’esprit que celle-ci est intarissable – « un mystère insondable ». Et que celui dont le regard jeté en arrière voudrait s’y fixer prend le risque, à l’instar de la femme de Loth se retournant vers Sodome, de se transformer à son tour en statue de sel.
Les Origines
CULTURE
Article 2 min
“Grief and Beauty”. Mourir sur scène
Cédric Enjalbert 10 janvier 2023
Chapô Avec cette pièce, l'auteur et metteur en scène Milo Rau bouscule les codes de la représentation pour donner à voir ce que nous avons tant de mal à regarder en face : la fin de vie. Une vanité scénique bouleversante, à voir au Théâtre de la Colline à Paris jusqu'au 5 février.
“Grief and Beauty”. Mourir sur scène
Article 2 min
“Tár”. À la baguette
Cédric Enjalbert 10 janvier 2023
Chapô L’art permet-il de magnifier les passions humaines et le grotesque de l'existence ? C'est le propos de ce film mettant en scène une cheffe d'orchestre incarnée par Cate Blanchett et dont la partition paraît avoir été écrite par Schopenhauer lui-même !
“Tár”. À la baguette
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“Monet-Mitchell”. L’empire des sens
Cédric Enjalbert 10 janvier 2023
Chapô La Fondation Louis-Vuitton, à Paris, confronte le créateur des Nymphéas à l'artiste américaine, figure de proue de l’expressionnisme abstrait. Des œuvres qui court-circuitent le langage pour exprimer toute la force de la sensation. À voir jusqu'au 27 février.
“Monet-Mitchell”. L’empire des sens
OH ! LA BELLE VIE !
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Conseil n° 25 : optons pour le covoiturage
François Morel 09 janvier 2023
Vous attendez un enfant et vous avez le goût des chiffres ronds. D’une manière générale, les chiffres ronds vous rassurent. Apparemment, vous tenez ça de vos parents qui avaient patiemment attendu le 1er janvier 2000 à minuit pile pour s’embrasser sur la bouche, alors que dès le 23&n..
Conseil n° 25 : optons pour le covoiturage
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